Finances News Hebdo N° 1113

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JEUDI 15 JUIN 2023 FINANCES NEWS HEBDO

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Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit (UM5, Rabat) - Politologue Politique pénale : encore un effort !...

des mécanismes de nature à rompre le caractère immuable de la peine d’empri- sonnement. Ce peut être la «suspension» de l'exécution de la peine en l'assor- tissant ou non d’une mesure de mise à l'épreuve; ou encore «substituer» la peine d'emprisonnement en une autre peine non privative de liberté. En milieu fermé, des pays prévoient également dans leur législation des mesures alter- natives à l'incarcération, telles que la libération conditionnelle ou anticipée ou encore le placement en milieu ouvert ou semi-ouvert dans un cadre probatoire. Le placement électronique est égale- ment présent dans tous les pays. Cette question de la juridictionnalisation des aménagements de peine est totale en Italie, en Espagne et en Turquie; elle est cependant exceptionnelle aux Pays-Bas et demeure limitée en Allemagne et au Royaume-Uni. L'évolution des politiques pénales pousse à l'émergence d'un droit à l'amé- nagement des courtes peines d'empri- sonnement permettant d'éviter l'empri- sonnement ferme. Au Maroc, la peine alternative n'a pas de portée obligatoire. C'est le juge en charge du dossier qui «peut», à son appréciation, remplacer une peine de prison par une ou plusieurs peines alternatives. Cette décision peut être prise «d'office», sur réquisition du ministère public ou à la demande de la défense du condamné. Trois axes Le projet de loi du gouvernement s'arti- cule autour de trois axes. Le premier intéresse les travaux d'intérêt géné- ral: c'est la première peine alternative. Un travail sans rémunération dans une structure d'intérêt collectif (Etat, insti- tutions ou instances de protection des droits et libertés, établissements publics, associations caritatives, ONG, lieux de culte). La condition posée est que la personne soit âgée de plus de 15 ans et que sa peine d'emprisonnement ne dépasse pas 5 ans. Quant à la durée globale des travaux, elle doit être com- prise entre 400 et 1.000 heures, avec un plafond ne dépassant deux heures par jour, soit l'équivalent retenu d'un jour d'emprisonnement. Le deuxième axe, lui,

L a réforme de la législation pénale ? Un état de «sleeping» depuis une bonne décennie. Les deux cabinets PJD (2012-2021) n'ont pas avancé dans cette voie : tant s'en faut. Celui actuel d'Aziz Akhannouch aura-t-il plus d'allant? Près de deux ans après son investiture, la lenteur le dispute aux atermoiements. Les postures et les effets de manche du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, paraissaient être une forme de gou- vernance verbale... Et puis voilà que le Conseil de gouvernement, le 8 juin, a finalement adopté un projet de loi relatif aux peines alternatives. Une nouvelle version qui fait suite à la précédente mouture, délibérée par ce même organe, le 4 mai dernier et qui a fait l'objet d'un réexamen par une commission ad hoc présidée par le chef du gouvernement. Ce qui avait notamment posé problème, c'était notamment l'option «des amendes journalières» comme une alternative aux peines privatives de prison. Elle propo- sait le paiement d'une somme entre 100 et 2.000 DH, à l'appréciation du juge, et ce pour chaque jour couvert par la durée d'incarcération. La seule condition était que cette dernière ne dépasse pas deux ans. Une justice à deux vitesses ? Cela dit, l'on ne peut évacuer cette inter- rogation de principe : comment a-t-on pu penser à une dispense de prison en acquittant des amendes ? En tout cas,

le ministre n'a pas cédé sur ce point. Ainsi, il a déclaré le soir même que cette «mesure était en cours de discussion et qu'à ses yeux, elle était soumise à certaines conditions : accomplissement d'une partie de la peine d'emprisonne- ment, renonciation de la victime, bonne conduite pénitentiaire du condamné...» Et d'ajouter : «Ce sont des solutions qui permettent de renflouer les caisses de l'Etat, mais aussi de faire comprendre au détenu la valeur de l'acte commis». Comment cependant éviter que les citoyens considèrent cela comme une justice à deux vitesses, l'une pour les «pauvres» qui ne peuvent payer des amendes, et l'autre pour les «riches» ? En droit comparé, qu'en est-il ? Il existe

Comment a-t- on pu penser à une dispense de prison en acquittant des amendes ?

Selon le projet de loi 22-43, les peines alternatives sont les sanctions prononcées en remplacement d'une peine privative de liberté en cas de délit puni par une peine d'emprisonnement ne dépassant pas 5 ans. Les peines alternatives ne peuvent pas être appliquées en cas de récidive et dans les cas où le mis en cause est condamné pour des crimes en relation avec : • Le terrorisme et atteinte à la sûreté de l'État. • Le blanchiment d'argent. Les peines alternatives ne sont pas applicables dans les cas suivants :

• Le trafic international de drogue, le trafic de psychotropes et le trafic d'organes. • L'exploitation sexuelle des mineurs ou de personnes en situation de handicap.

• La corruption, la concussion et le détournement de fonds. • L'abus de confiance et la dilapidation des deniers publics.

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