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CULTURE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 15 JUIN 2023
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Salwa Zarhane, pour son jeu ne se plaint jamais. Elle est toujours dans son assiette. Et c’était rare qu’elle se déconcentre pendant une prise. Elle persévère pour gérer le contre- choc entre (Salima et Salwa) le per- sonnage et la personne. Un conflit compliqué qui n’est explicite que pour les spécialistes de la dramatur- gie de l’acteur. Je cherchais à com- prendre comment tu tisses la trame de fond propre à chaque séquence. D’ailleurs, j’observais et je méditais sur la méthode de construction du personnage de tout un chacun : le cérébral, l’affectif, celui qui ne se connaît même pas. Je fouille dans les mnémotechniques. Je crois avoir connu l’auditif, le visuel, le kiné- sique. Celui qui est conscient de sa technique et celui qui ne se pose même pas la question… J’essayais par moment de concentration très forte de focaliser toute mon énergie, comme pour pénétrer ton cerveau afin de parer au risque d ‘un éventuel contre-choc/personne-personnage. Toutefois, il est convenu de ne pas intervenir pour le jeu, Alaa s’en charge et il est indésirable d’ajouter aux directives du directeur de nou- veaux paramètres. Si c’est néces- saire, je cherche à avoir son aval. En ce qui te concerne, parfois, ça m’arrive de m’oublier dans la sub- jectivité et mon sens de parenté me submerge, et je rêvais te voir la cadette du benjamin Wail faisant le pas à ton ainé Wassel. Tu aurais partagé avec les deux des moments de méditation et des cures de silence inoubliables. A la belle étoile allongée sur un sable qui a gardé quelque peu de sa tié- deur douce emmagasinée le long d’une journée ensoleillée; cherchant parmi les constellations qui offrent une orgie à l’œil nu la casserole (la grande ourse). La naissance ou la mort d’une vague, écouter le bruit du silence, cultiver un feu, bien observer la danse des flammes au rythme des crépitements, passer la nuit dans l’une des grottes de tabel- koukt, attendre luire l’aube d’un jour nouveau, le temps d’une tempête : pluie torrentielle, vent violent et désorienté, vagues déchainées… Des moments qui ont ressourcé leur dimension artistique. ◆
Exposition
◆ La Galerie 38 de Casablanca présente une riche expo solo-show de l’artiste Youssef Douieb. Exploration éperdue des couleurs. Douieb, l’artiste admirable
là le sceau du génie, vous ébaubir toujours, là même où il est attendu. Youssef Douieb est un artiste admi- rable. Chacune de ses apparitions renforce sa notoriété, provoquant ainsi un écart de grandeur aux conséquences multiples : l'envie, la jalousie, la rivalité sont consubs- tantielles de l'admiration. Les peintures de Douieb se carac- térisent par l'utilisation de tons plus doux et moins fougueux. Son trai- tement des couleurs confère à ses tableaux une luminosité accrue. Son attrait pour la lumière revêt un caractère mystique dans ses dernières peintures, dominées par le noir. Sa peinture est empreinte de douceur et de délicatesse, rejetant tout ce qui est cérébral ou névrotique. Il s'oppose à la rigueur de la construction géomé- trique avec une attitude poliment franche, telle cette gestique tour- billonnante qui trace le mouvement vertigineux d’un imaginaire sans rivage. Aucune droite, courbe ou
perpendiculaire, mais plutôt une vitalité pulsionnelle et une abstrac- tion de plus en plus épurée. Cette épure est si profonde qu'elle par- vient à saisir la nature changeante, vibrante et vivante de la réalité. Autant l'homme est taciturne, autant sa peinture est prolixe, autant il est distant, autant elle est chaleureuse, autant l'un affiche son dédain, autant l'autre déploie sa délicate sobriété. A croire qu'il y a une profonde dissonance entre Douieb et son œuvre. Stendhal disait que le grand artiste se com- posait de deux choses : une âme exigeante, tendre, passionnée et un talent qui s'efforce de plaire à cette âme et de lui donner des jouissances en créant des beautés nouvelles. Et si Douieb se composait seu- lement un personnage, afin de masquer sa viscérale humanité ? Dans ce cas-là, il serait encore plus digne de l'admiration qui lui est portée. ◆
O n ne s'habitue jamais, ai-je lu quelque part, à ceux que l'on admire, tant leur œuvre constamment étonne. J'ai pu apprécier l'exactitude de cette formule lors du solo-show de Youssef Douieb : «Alter ego» Ce sont-là des peintures exécu- tées au doigt et à l’œil que Douieb expose à la Galerie 38. Des toiles, donc, faites comme ça, sans que le peintre ne sache trop a priori ce qu’elles donneront ou quel motif y apparaîtra. Et puis des toiles, où en effet, il met les doigts, sans défini- tivement lâcher le pinceau, comme font les enfants qui s’en donnent à cœur joie. Je croyais connaître l'œuvre de cet artiste, je me suis retrouvé soudain saisi par l'irrésistible beauté qui en émane, comme si c'était la pre- mière fois que pareille jouissance m'était offerte. C'est probablement Par R. K. H.
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