FNH N° 1116

22

ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 13 JUILLET 2023

www.fnh.ma

bablement une faible interaction avec le fondateur et sa descendance directe, ce qui entraînera une diversité relationnelle et cognitive (ils ne partagent pas le même système de valeurs par exemple). En conséquence, l’influence du capital social familial sur le capital social de l’entreprise risque de diminuer au fil du temps.

F.N.H. : Beaucoup d’experts avancent le constat selon lequel les entreprises fami- liales négligent le manage- ment des émotions, alors qu’il s’agit d’un facteur très important pour garantir la pérennité de cette structure.

L’entreprise familiale est spécifique, car elle se carac- térise par la coexistence de deux systèmes qui fonc- tionnent selon deux modes différents, voire même contradictoires.

Qu’en dites-vous ? L. L. : En effet, les deux sphères «Entreprise» et «Famille» s’influencent mutuellement par la dynamique des émo- tions submergées dans chaque sous- système de l’entreprise familiale. Cette dynamique émotionnelle crée souvent un «nexus» des émotions au sein des firmes familiales. Ainsi, les émotions risquent d’influencer significativement la prise de décision au sein des EF. Dans un contexte d’EF, l’on pense que les émotions sont naturellement négatives (jalousie, haine, vengeance, peur, colère…etc.) et sont la cause des stratégies ratées ou même de l’échec du processus de succession. Pourtant, l’on constate également la pré- sence des émotions positives au sein des firmes familiales (affection, respect, confiance, fierté, inspiration, satisfaction, reconnaissance…etc.) qui étaient derrière leur succès. En somme, les émotions peuvent être le moteur principal de crois- sance et de développement de ces entre- prises, comme elles peuvent être une source d’échec. La fierté d’appartenir à l’entreprise familiale, par exemple, peut amener un membre de la famille à être dévoué à l’entreprise. Tandis que la jalou- sie entre les membres de la famille risque de créer des rivalités et des conflits. De plus, la colère, par exemple, risque de pousser les membres de la famille à prendre des décisions insensées, voire risquées pour l’entreprise. Enfin, l’amour entre les membres familiaux est sus- ceptible d’amener le dirigeant à prendre des décisions parfois irrationnelles, juste parce qu’il veille au bien-être des membres de sa famille. En gros, les émo- tions influencent constamment la prise de décision dans les EF. On n’arrive pas vraiment à être neutre et objectif, d’où l’importance de savoir gérer les émotions au sein des EF. ◆

non familiale. Toutefois, les entreprises familiales sont également hétérogènes. Car derrière chaque entreprise familiale, il y a une famille, et puis chaque famille a sa propre histoire, son propre système de valeurs et croyances…etc. L’EF présente des avantages certes, notamment la confiance qui y règne et qui joue parfois même le rôle d’un méca- nisme informel de gouvernance d’entre- prise. Il y a aussi l’état harmonieux qui caractérise la majorité des EF. Cela ne veut pas dire que dans l’EF il n’y a pas de conflits. Bien au contraire, les conflits existent, et parfois ils sont plus accentués dans l’EF que dans l’ENF; surtout avec la mort du fondateur ou encore lorsqu’on arrive à la troisième génération aussi appelée «consortium de cousins», les problèmes et les divergences d’intérêt se multiplient. Toutefois, les membres de l’EF éprouvent souvent de l’affection l’un envers l’autre, ont des obligations et des responsabilités envers la communauté familiale, sont émotionnellement attachés à la famille et cherchent ainsi à préserver l’état harmonieux et mettre à l’écart toute relation conflictuelle. Le principal challenge auquel font face les EF est la transmission. Qui va assurer la succession et la continuité intergéné- rationnelle ? A mon avis, la transmission doit être préparée avant le décès du fon- dateur. Le successeur doit être impliqué activement dans le management et prêt à assurer la pérennité de l’EF. En effet, il n'y a pas que l’entreprise qui doit être transmise, mais aussi le capital social. Aujourd’hui, on ne parle que de la trans-

mission de l’entreprise, mais c’est rare où l’on évoque aussi l’importance de trans- mettre le capital social. Et quand je parle du capital social, je parle à la fois du capi- tal relationnel, cognitif et structurel. Le capital relationnel, c’est tout simplement l’ensemble des liens sociaux que le fon- dateur a pu construire au fil des années. N’oubliez pas que c’est grâce à ce capital relationnel que l’entreprise arrive à saisir des opportunités ou encore à avoir accès à des ressources qui étaient auparavant inaccessibles. Le capital social struc- turel se réfère à l’architecture globale des connexions entre les membres de la famille, notamment la densité et la connectivité. En effet, les interactions sociales entre les membres de la com- munauté familiale permettent de créer un sentiment d’attachement et instaurer des principes et des valeurs au sein de l’organisation, et surtout être réunis, soli- daires et dévoués pour un objectif com- mun. Enfin, le capital social cognitif se réfère à la vision commune et le langage commun. Il permet donc aux membres de la famille de se fixer des objectifs communs et de considérer que la réussite de l’organisation est la réussite de tous. Avoir une vision commune implique une diminution des conflits d’intérêts. Assurer la transmission de ce capital social est primordial, car au fil des années, quand la famille sera plus étendue, d’autres indi- vidus appartenant à d’autres branches familiales (beau-frère, belle-sœur, les cou- sins les plus éloignés…) peuvent être intégrés dans le réseau de la famille et celui de l’entreprise. Ceux-ci auront pro-

La création d’un insti- tut de l’EF au Maroc permettra, entre autres,

de mettre la lumière

sur les défis auxquels ces entreprises doivent faire face, notam- ment en ce qui concerne la gouver- nance et la transmission.

Made with FlippingBook flipbook maker