Finance d'entreprise 6e éd. Extrait

9

Chapitre 1 – Entreprises et marchés financiers

concurrence efficace, le durcissement des règles prudentielles appliquées au secteur bancaire, la définition de normes sociales et environnementales, l’introduction de taxes spécifiques ( principe « pollueur-payeur » ). Ces mesures, sous réserve qu’elles soient suffisamment contraignantes, permettent aux entreprises de poursuivre un objectif de maximisation du profit dans un cadre qui garantit que cela profite à la société dans son ensemble. Pour autant, les attentes exprimées vis-à-vis des entreprises changent, et la société accepte de moins en moins que le seul objectif affiché d’une entreprise soit le profit. Cette évolution culturelle et sociale, symbolisée par la « quête de sens » de la géné- ration des millenials entrant sur le marché du travail, incite les entreprises à mieux prendre en compte les conséquences de leurs activités sur l’environnement et la société. Les questions de « soutenabilité » des activités, d’empreinte carbone et d’impact social deviennent centrales et invitent les actionnaires à réfléchir à la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE, ou CSR pour corporate social responsibility ) : au-delà de la recherche du profit, l’entreprise doit-elle agir en faveur d’autres objectifs ? Si oui, qui doit les définir, et comment ? Telle entreprise doit-elle fermer cette usine non rentable, sachant que la plupart des habitants de la ville voisine y travaillent ? Faut-il mettre en place ce nouveau procédé de production, plus coûteux mais qui réduit les émissions de phosphates dans les rivières environnantes, même si le procédé actuel respecte déjà les normes en vigueur ? Ces questions, complexes, sont traitées en détail au chapitre 29. Mais on peut déjà noter qu’en France la loi PACTE (2019) prend acte de cette évolution des mentalités et modifie la définition de l’objet social de l’entreprise : cette dernière doit être « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Celles dont les actionnaires le souhaitent peuvent même devenir des « sociétés à mission » et définir, en plus de la recherche de profit, un ou plusieurs objec- tifs sociaux ou environnementaux, qui seront contraignants : les décisions prises par l’entreprise devront être cohérentes avec la mission définie.

Zoom sur… Entreprises, conflits d’intérêts et campagnes électorales

En France, la loi interdit aux entreprises tout financement de campagne électorale ou de parti politique. Cette mesure a été prise pour limiter le risque de corruption : de tels financements faisaient craindre des « renvois d’ascenseur » sous forme d’avantages en nature après l’élection. Cette interdiction a également eu le mérite de supprimer un conflit d’intérêts potentiel entre actionnaires, puisqu’il est improbable que tous les actionnaires tombent d’accord sur le candidat ou le parti à soutenir. Remarquons que le mouvement opposé a récemment eu lieu aux États-Unis : la Cour suprême a jugé en 2010 que le premier amendement autorisait les entreprises et les syndicats à soutenir financièrement un candidat ou un parti politique. Ne soyons pas naïfs : tenir compte du bien-être des parties prenantes ou de l’intérêt collectif peut être dans l’intérêt des actionnaires. C’est le cas lorsque les stratégies les moins polluantes sont aussi les plus efficaces, lorsque les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre menées par l’entreprise permettent d’améliorer son image et donc d’augmenter ses ventes, ou lorsque l’amélioration des conditions de travail augmente la productivité des salariés. Il est aisé de décider de telles stratégies

Made with FlippingBook Digital Publishing Software