11
Chapitre 1 – Entreprises et marchés financiers
Performance et incitations du dirigeant Même si tous les propriétaires s’accordent sur les objectifs de l’entreprise, encore faut-il que cette dernière cherche effectivement à les atteindre. Dans le cas d’une société anonyme, comment les actionnaires peuvent-ils s’assurer que le dirigeant de l’entre- prise essaie bien d’atteindre les objectifs qui ont été fixés ? On peut en effet craindre, en raison de la séparation entre la propriété de la société et son contrôle, que le diri- geant n’agisse pas vraiment dans l’intérêt des actionnaires et préfère poursuivre les siens propres. Ce type de problème est qualifié par les économistes de conflit d’intérêts ou de coût d’agence . La façon la plus courante de résoudre ce problème consiste à aligner au mieux les inté- rêts du dirigeant sur ceux des actionnaires, afin de réduire le nombre de décisions dans lesquelles les intérêts des deux parties sont divergents. Pour ce faire, les actionnaires peuvent proposer au dirigeant un contrat de rémunération incitatif 8 : par exemple, en lui promettant des primes liées aux profits de l’entreprise ou à sa valeur boursière. Cette stratégie a cependant ses limites : en reliant trop fortement la rémunération du dirigeant à la performance de l’entreprise, on risque d’inciter ce dernier à prendre plus de risques, quitte à investir dans des projets qui ne vont pas dans le sens souhaité par les actionnaires. En outre, un dirigeant talentueux peut tout simplement refuser le poste si le contrat de rémunération proposé par les actionnaires est, de son point de vue, trop contraignant ou trop risqué.
Crise financière Réguler la rémunération des dirigeants
Les récits à propos de stock-options, de parachutes dorés et de retraites-chapeaux ont souvent fait la une des journaux ces dernières années, et on ne compte plus les articles consacrés aux rémunérations « excessives » des dirigeants d’entreprises. Pour favoriser la transparence et tenter de juguler les excès, la régulation sur le sujet a progressivement été renforcée en France : les sociétés cotées sont aujourd’hui tenues de communiquer le montant des rémunérations totales versées aux mandataires sociaux, elles doivent soumettre à leur conseil d’administration les règles de rémunération des dirigeants et les faire approuver en assemblée générale, et l’attribution d’indemnités de départ aux diri- geants est soumise à des critères de performance. Dernier épisode en date, la loi Sapin 2 (2017) oblige les entreprises cotées à organiser un vote contraignant des actionnaires sur les modalités de rémunération des dirigeants lors des assemblées générales (principe du say-on-pay ). Un autre moyen à la disposition des actionnaires pour que le dirigeant prenne en compte les objectifs qu’ils assignent à l’entreprise consiste à faire pression sur lui : si le conseil d’administration n’est pas satisfait des performances du dirigeant, il peut le remercier. En pratique, il est rare qu’un dirigeant soit poussé vers la sortie à cause d’une fronde de « petits » actionnaires. Aussi, les actionnaires mécontents choisissent-ils souvent de vendre leurs actions (ce que l’on appelle « voter avec ses pieds », par opposition au vote en
8. M. Jensen et W. Meckling (1976), « Theory of the Firm: Managerial Behavior, Agency Costs and Ownership Structure », Journal of Financial Economics , 3, p. 305-360 et J. Core, W. Guay et D. Larker (2003), « Executive Equity Compensation and Incentives: A Survey », Federal Reserve Bank of New York Economic Policy Review , 9, p. 27-50.
Made with FlippingBook Digital Publishing Software