Finance d'entreprise 6e éd. Extrait

17

Chapitre 1 – Entreprises et marchés financiers

Entretien Stéphane Boujnah, président-directeur général d’Euronext

Stéphane Boujnah est président du directoire et directeur général d’Euronext depuis 2015. Quelles sont les activités d’Euronext ? Euronext opère plusieurs marchés au comptant et dérivés en Europe, dont les marchés actions de Paris, Lisbonne, Amsterdam et Bruxelles. C’est une société européenne, indé- pendante et cotée en Bourse, dont l’objectif premier est de permettre aux marchés de capitaux de financer l’économie réelle, notamment en aidant les épargnants qui ont des capitaux à rencontrer les entreprises qui ont besoin de capitaux pour se développer. En ce sens, Euronext contribue au transfert de risques entre acteurs économiques. Ce sont bien les Bourses européennes, et singulièrement celle de Paris, qui ont permis, au xix e siècle, le financement de l’expansion coloniale, du rail, de l’industrie textile, des mines, de la sidérurgie, de la tour Eiffel ou des canaux Freycinet. Aujourd’hui, Euronext est la maison commune de la croissance européenne. Comme toute infrastructure de marché, Euronext « fabrique des prix » : la confron- tation permanente de l’offre et de la demande de titres permet de révéler à chaque microseconde le « prix d’équilibre ». Les marchés gérés par Euronext doivent donc offrir la meilleure liquidité possible pour permettre au propriétaire d’un titre de le vendre aux meilleures conditions, à tout moment, et réciproquement pour offrir la même certitude aux acheteurs. En 15 ans, le paysage boursier européen a été recomposé et de nouveaux concur- rents sont apparus. Quelles sont les conséquences de cette évolution ? Le modèle « un pays – une Bourse » a vécu. Euronext est aujourd’hui en concurrence avec les autres grandes infrastructures de marché européennes, comme le London Stock Exchange ou la Deutsche Börse, mais aussi avec des nouveaux entrants qui opèrent sur des marchés virtuels, comme les dark pools. Ces nouveaux entrants captent une partie des flux, mais ils se spécialisent sur quelques niches rentables, notamment les titres à forte liquidité ou les dérivés. Ils ont donc un périmètre plus réduit que celui d’Euronext qui accueille toutes les entreprises – les PME comme les grands groupes – et tous les investisseurs – les épargnants individuels comme les traders haute fréquence – qui fournissent une liquidité importante au marché. La réglementation européenne devrait progressivement astreindre les nouveaux entrants à des règles plus strictes, à l’image de celles qui s’imposent aux marchés organisés traditionnels, ce qui devrait réduire leur champ d’intervention. Comment voyez-vous l’avenir des entreprises comme Euronext ? Les infrastructures de marché sont soumises à une tension entre réglementation et innovation. Euronext gère une infrastructure critique qui doit être fiable, disponible et robuste. Euronext reçoit jusqu’à 2,4 milliards de messages de trading par jour, plus que le nombre de recherches quotidiennes sur Google, avec un temps moyen de réponse de 80 microsecondes. C’est la capacité à opérer une telle infrastructure en toute sécurité qui demeure notre cœur de métier. La plateforme d’Euronext est donc un objet technolo- gique complexe qui doit évoluer, mais sous le contrôle d’une réglementation exigeante. Si une innovation a démontré son utilité et sa robustesse, et que les responsabilités en cas de dysfonctionnement sont claires, elle sera rapidement déployée sur Euronext. Sinon, des expérimentations seront menées sur des plateformes pilotes dédiées, comme c’est le cas aujourd’hui pour la blockchain .

Made with FlippingBook Digital Publishing Software