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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

DU 21 AU 27 MAI 2020

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Au Maroc, seuls 24% des actifs occupés bénéficient d’une couver- ture médicale. Sur les 76% restants, soit 8,3 millions de personnes, une majorité est non déclarée ou exerce dans le secteur informel. A moyen terme, les orientations économiques pour relancer l’acti- vité sont : • Continuer à investir dans le domaine des infrastructures : nous avons identifié quatre différentes phases au sein de cette crise, avec notamment une phase 3 durant laquelle les politiques de soutien plus orientées sur le moyen terme vont se substituer aux aides de court-terme. • Autre défi, poursuivre les réformes structurelles dans un contexte où l’urgence sociale va requérir plus de fonds au détriment peut-être des mesures qui visaient à améliorer la compétitivité de l’économie. Ceci permettra également de continuer la diversification de l’économie et l’ex- pansion du secteur manufacturier. • Stabiliser la dette publique. Cette dernière est attendue à 66,8% du PIB en 2020. F.N.H. : Que pensez-vous des mesures prises jusqu’ici par le pays ? L. S. : Les autorités marocaines ont réagi à la crise avec une grande efficacité en proposant rapidement des mesures de soutien budgétaire et monétaire à l’économie. Du point de vue budgétaire, la mise en place le 15 mars 2020 du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de Covid-19, doté initialement de 1 milliard de dollars, bénéficiant éga- lement de dons privés, et ayant vocation à soutenir le système de santé, les entreprises (notamment les petites et moyennes entreprises) et les catégories les plus fragiles de la population, a permis de parer au plus urgent. Ce système d’aide financière a été étendu le 9 avril aux citoyens non enregistrés dans le système de santé ou de retraite, extension d’autant plus opportune étant donné le poids considérable du secteur informel dans l’écono- mie marocaine. Le Comité de veille économique, en parallèle avec ce

Fonds, a favorisé en coordination avec Bank Al-Maghrib, la mise en place d’un système de report des échéances bancaires, fiscales et liées aux charges sociales. De ce point de vue, ces mécanismes d’assistance sont similaires à ceux développés au niveau internatio- nal : ils visent à limiter le nombre de défaillances d’entreprises et à préserver au maximum le tissu éco- nomique et social. Sur le plan moné- taire, les mesures prises par Bank Al-Maghrib (baisse des taux d’inté- rêt de 25 pdb et mise en place d’une ligne de crédits aux TPE et PME) étaient dans la bonne direction en vue d’assouplir les conditions de financement en période de crise. F.N.H. : De manière globale, le continent aura besoin de financement pour les pro- chaines années. Comment éviter la fuite des capitaux étrangers en ces temps de crise ? L. S. : Pour éviter la fuite des capitaux, il existe tout d'abord des mesures de gestion de crise, notamment à court terme en cas d'assèchement trop brutal des liquidités. Elles concernent les mesures de gestion de capitaux qui empêchent des sorties trop brutales. Cependant, au-delà de ces mesures d'urgence, les pays doivent mainte- nir un financement de leur économie en développant leur attractivité et en gardant une gestion saine de leurs finances publiques. En ces temps de taux de rendement très faibles dans les pays avancés, il est vraisemblable qu'une recherche de rendements plus élevés réappa- raisse une fois terminés les com- portements de fuite pour la sécurité. Dans ce contexte, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire peuvent attirer des capitaux étran- gers de long terme pour financer des projets générateurs de crois- sance, au travers notamment des IDE, qui assurent le financement de l'économie tout en générant des transferts de technologie. Dans ce sens, le Maroc dispose d’une économie assez attractive grâce au développement de son

secteur manufacturier et sa base industrielle relativement diversi- fiée. Une meilleure mobilisation de l'épargne intérieure peut enfin per- mettre de se substituer partielle- ment aux flux de capitaux étrangers trop erratiques, en développant notamment les systèmes financiers locaux. F.N.H. : Quel sera l’impact du resserrement des condi- tions de financement sur l’Afrique ? L. S. : Le resserrement des condi- tions financières en Afrique peut être néfaste aux économies endettées, en réduisant les flux d'investisse- ments étrangers et la soutenabilité des dettes extérieures et publiques. Le problème de surendettement et de soutenabilité de la dette affec- tera en particulier l’Angola, l’Egypte, le Sénégal, le Ghana et l’Afrique

du Sud. Les émissions obligataires risquent aussi de se retrouver à l'ar- rêt et des renégociations de dettes pourraient être inévitables. A terme, ces tensions financières pourraient générer des crises de balance des paiements et de dettes extérieures, se transformant rapidement en crise de change. Les fortes dépréciations des monnaies domestiques pour- raient créer un renchérissement des produits importés, notamment ali- mentaires ou sanitaires. Cependant, la communauté internationale semble se mobiliser pour apporter une aide rapide et suffisante afin que les progrès récents enregistrés sur le continent ne soient pas mena- cés. La Chine, détentrice d’environ 40% de la dette africaine, sera à l’évidence au centre de ces discus- sions, sachant qu’elle a, jusqu’ici, été très réticente à traiter la ques- tion de façon multilatérale. ◆

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