FNH N_ 1215

ECONOMIE

19

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 13 NOVEMBRE 2025

Afrique Benoît Chervalier déconstruit les visions simplistes sur le continent

comme politiquement. Lorsque Chervalier commence à enseigner la finance, la géo- politique et le «Doing business en Afrique», le narratif était l’Afrique en ascension : le Africa Rising, en anglais, incarné par la Une de The Economist en mai 2010. Entre 2004 et 2013, le continent affiche plus de 5% de croissance annuelle moyenne. L’époque est alors portée par un discours volontariste, don- nant l’image d’un continent en plein décollage. Mais la décen- nie suivante est marquée par une succession de chocs. Il cite notamment celui du pétrole que l’on a trop ten- dance à oublier : au début de l’année 2014, «le baril est à près de 120 dollars» , avant de s’ef- fondrer «à 60 dollars à l’été» , puis «à 28 dollars» début 2016. Pour les économies extrac- tives - Angola, Algérie, Nigeria, Gabon, Tchad -, l’impact est brutal : dégradation des comptes publics, pressions sur la dette, contraction des marges de manœuvre. Dans ce nouveau contexte, l’accès aux marchés financiers inter- nationaux devient plus coûteux et plus risqué. La Zambie en a subi la démonstration. Un livre né du terrain Pour expliquer ces évolutions, Chervalier s’appuie sur un long compagnonnage africain. «Ce livre, j’ai voulu d’abord l’écrire sur la base de mes différentes expériences professionnelles, de mon engagement sur le continent africain maintenant depuis près de 25 ans» , affirme- t-il. Au fil de ces années, il s’est rendu dans quarante pays. «J’y ai également vécu, j’y vais extrêmement souvent. L’idée était de partir du terrain, des réflexions qui sont nourries du terrain, et d’en dégager une réflexion» , fait-il savoir. Cette démarche est soutenue par un parcours particulière- ment varié : ancien haut fonc- tionnaire de la Banque africaine de développement, chef d’en- treprise, banquier d’affaires, acteur patronal et enseignant.

Ancien haut fonctionnaire à la Banque africaine de développement, banquier d’affaires, vice-président Afrique du Medef, président Afrique de Business Europe et enseignant à l’ESSEC à Rabat, Benoît Chervalier est l’une des voix françaises qui connaissent le mieux les dynamiques africaines. Il vient de publier «Ce qu’attend l’Afrique : ressources locales, tensions mondiales (Éditions de l’Aube)», un ouvrage nourri par un quart de siècle d’expérience sur

le terrain. Par R. Mouhsine

L

orsqu’on pose la question au banquier de deux cas emblématiques de pays afri- cains ayant observé des tra- jectoires économiques diver- gentes ces toutes dernières années, il répond spontané- ment: la Zambie et le Maroc. En novembre 2020, la Zambie a fait officiellement défaut sur sa dette résultant d’un endet- tement obligataire excessif et onéreux, dans un contexte économique international dété- rioré. Alors que le Maroc, en septembre 2020, a emprunté sur les marchés de capitaux internationaux à des taux histo- riquement bas (la Zambie avait emprunté, fin 2015, 1 milliard de dollars à 9,625% contre 1,375%/2% pour le Maroc pour le même moment et à maturité comparable). Ce parcours chaotique n’est pas anecdotique. Il sert d’étude de cas au nouveau livre de Benoît Chervalier, «Ce qu’at-

tendance à traiter le continent comme un ensemble uniforme, une région où tout le monde partagerait la même langue, la même histoire, les mêmes icônes. Une erreur récurrente, que Chervalier s’attache à cor- riger en multipliant les angles, les contextes et les exemples domestiques et locaux. Cette diversité est à ses yeux indis- pensable pour comprendre ce qui s’y joue, économiquement

tend l’Afrique : ressources locales, tensions mondiales (Éditions de l’Aube)» , pour illus- trer la diversité des trajectoires africaines et la nécessité d’en finir avec les lectures monoli- thiques du continent. Sortir de la vision uniforme du continent L’une des affirmations du livre est claire : l’Afrique n’est pas un tout homogène. On a souvent

www.fnh.ma

Made with FlippingBook flipbook maker