ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 13 NOVEMBRE 2025
Automobile Comment le Maroc est devenu le nouveau «dragon» du low cost industriel E Face à la flambée des coûts européens et à la recomposition mondiale du secteur, le Maroc s’impose comme le nouvel eldorado industriel des constructeurs. Une stratégie de compétitivité à bas coût, mais à haute ambition. Par Y. Seddik l’Europe» . Plus de la moitié des véhicules badgés Renault vendus dans le monde sort aujourd’hui d’usines hors de France, dont une large part du complexe de Tanger- Meloussa et de l’usine PSA de Kénitra. Mais il faut dire que les faibles salaires n’expliquent pas tout. Le Maroc s’est distingué par une productivité croissante, fruit d’in- vestissements massifs dans les infrastructures et la formation. Les usines marocaines, souvent «greenfield» et ultra-modernes, rivalisent en automatisation avec les standards européens.
péens, confrontés à une pression sur leurs marges et à la transition vers le véhicule électrique, trouvent dans le Maroc une planche de salut. Le rapport d’Oliver Wyman insiste sur la nécessité, pour les «Euro Premiums» (Mercedes- Benz, BMW, Audi, Jaguar Land Rover, Volkswagen) de réduire leur coût du travail d’un tiers pour pré- server leurs marges. Or, comme il est difficile de rogner sur les salaires allemands ou bri- tanniques, la réponse passe par une refonte des chaînes de valeur: externalisation, délocalisation ou construction de nouveaux sites en zones à faible coût. Le Maroc devient alors la destination natu- relle pour absorber cette pres- sion. La proximité géographique, la langue et les accords com- merciaux avec l’Union européenne (accord d’association, absence de droits de douane) achèvent de rendre le pays irrésistible. Reste la question du risque d’épui- sement du modèle. Le succès du Maroc tient en grande partie à ses coûts salariaux faibles, mais ceux-ci tendent à augmenter à mesure que le pays grimpe dans la chaîne de valeur. Le gouver- nement marocain, conscient de l’enjeu, veut repositionner la filière sur la qualité et la durabilité, en incitant les constructeurs à investir dans l’innovation locale et la for- mation d’ingénieurs. Par ailleurs, la dépendance à quelques grands donneurs d’ordre européens peut également poser un risque struc- turel. Une contraction du mar- ché continental ou un change- ment stratégique de Renault ou Stellantis aurait un effet immédiat sur l’emploi local. Le Maroc a donc gagné la pre- mière manche de la bataille mon- diale des coûts. Il est désormais le champion incontesté du «low cost» automobile. Mais l’histoire ne s’arrête pas aux salaires. Pour garder son trône, le Royaume devra transformer cette compéti- tivité brute en avantage durable, fondé sur la technologie, la qua- lité et l’innovation locale. Car si la main-d’œuvre bon marché attire les usines, ce sont les cerveaux qui feront rester les investis- seurs. ◆
n l’espace de quinze ans, le Maroc s’est imposé comme l’un des pôles industriels les plus dynamiques de la planète automobile. Ce qui n’était encore qu’un pari audacieux au début des années 2010 (quand Renault inaugurait son usine de Tanger), est devenu une évidence stratégique. Les constructeurs automobiles, toutes nationalités confondues, se positionnent dans le Royaume. Cet engouement s’ex- plique par un coût du travail plan- cher, une productivité croissante, une stabilité politique enviée dans la région, et une connectivité logis- tique qui relie en quelques heures les chaînes marocaines aux mar- chés européens. Le dernier rapport d’Oliver Wyman consacre la montée en puissance du Maroc dans la hiérarchie mon- diale des sites de production les plus compétitifs. Selon l’étude, le coût moyen de la main-d’œuvre
par véhicule y est tombé à 273 dol- lars, le plus bas du monde devant la Roumanie (305 $) et le Mexique (414 $). Cette performance, longtemps réservée à la Chine, illustre un basculement : «La Chine n’est plus la nation au plus faible coût par véhicule, remplacée par le Maroc et la Roumanie» , note le rapport. L’écart est abyssal comparé aux standards occidentaux, puisqu’un véhicule produit en Allemagne supporte un coût de main-d’œuvre de 3.307 dollars, soit plus de douze fois celui du Maroc. Même le Japon, réputé pour son efficacité, enregistre 769 dollars par véhicule. Pour les constructeurs européens, notamment français, ce différentiel est devenu une bouffée d’oxygène. Les groupes Renault et Stellantis y ont délocalisé une part massive de leur production, transformant le Maroc en véritable «Mexique de
Les constructeurs bénéficient aussi d’un écosystème industriel intégré avec plus de 250 équipe- mentiers, dont Valeo, Yazaki ou Lear, qui alimentent un tissu dense d’exportations. La logistique por- tuaire, dominée par Tanger Med, permet une fluidité d’exportation vers l’Europe que n’offrent ni la Turquie ni la Tunisie. Résultat : le Maroc n’est plus seu- lement un atelier d’assemblage. Le pays s’impose désormais dans des segments à plus forte valeur ajoutée, y compris les véhicules électriques. L’annonce récente d’une gigafactory à Kénitra par le groupe chinois Gotion High-Tech, en partenariat avec le gouverne- ment marocain, illustre cette bas- cule stratégique vers la mobilité électrique. L’effet domino des restructurations européennes Les grands constructeurs euro-
En détrônant la Chine comme pays le plus compétitif au monde sur le coût du travail par véhicule, le Maroc s’impose comme la nouvelle base industrielle des constructeurs européens.
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