FNH N° 1178

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JEUDI 26 DÉCEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

ECONOMIE

Commerce de proximité

de proximité, échappant ainsi au contrôle fiscal. Hassan Edman estime que la modernisation pourrait intégrer une grande par- tie de cette activité dans l’écono- mie formelle. «Cela générerait des recettes fiscales supplémentaires et renforcerait la compétitivité des commerçants», souligne-t-il. Le secteur subit également la pression croissante des grandes surfaces, qui proposent une expé- rience plus rapide et moderne. Ces structures, mieux organi- sées, attirent une clientèle jeune et dynamique, accentuant le déséquilibre en termes de chiffre d’affaires. Alors que les achats en grandes surfaces varient entre 100 et 3.000 dirhams, les transactions dans les «hanouts» dépassent rarement 50 dirhams. La modernisation du commerce de proximité ne se limite pas à un enjeu économique; elle est également sociale. Pour certaines familles, ces commerces repré- sentent la seule source de reve- nus ou un recours en cas de crise grâce aux achats à crédit. Toute transformation doit donc inclure des mesures pour évi- ter de creuser les inégalités. Le ministère prévoit des partenariats avec des institutions financières pour octroyer des crédits à taux réduits, facilitant l’accès aux équi- pements nécessaires. Les axes à prendre en compte Les experts recommandent d’en- cadrer les horaires d’ouverture pour favoriser la complémentarité entre les épiciers et les grandes surfaces, de généraliser les termi- naux de paiement électroniques à des prix abordables et de cen- traliser les achats pour permettre aux commerçants de négocier de meilleurs prix auprès des fournisseurs. Si la modernisation du commerce de proximité est essentielle pour relever les défis actuels, elle doit être progressive. Le gouvernement devra trouver un équilibre entre innovation et inclusion, avec des initiatives ciblées et un accompagnement personnalisé, pour faire de ce secteur un levier de croissance durable et inclusive. ◆

Alors que les grandes surfaces et la digitalisation redéfinissent les habitudes de consommation, le commerce de proximité, pilier de l'économie marocaine et du lien social, amorce une transformation ambitieuse. Une modernisation bénéfique, mais controversée Par C. Jaidani

 La modernisation du commerce de proximité ne se limite pas à un enjeu

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économique; elle est également sociale.

e commerce de proximité, sou- vent incarné par les «Hanouts», est bien plus qu’un simple lieu d’achat dans le quotidien des Marocains. Il représente un socle de lien social et d’activité écono- mique, assurant 58% du chiffre d’affaires du secteur et 36% des emplois, soit environ 1,3 million de commerçants. Pourtant, à l’ère de l’expansion des grandes surfaces et de la digitalisation, le secteur est à la croisée des chemins. Dans ce contexte, le ministère de l’Industrie et du Commerce a lancé un programme ambitieux pour renforcer la résilience et la compétitivité des commerces de quartier. Ce programme inclut la modernisation des équipements, l'octroi de capital circulant pour renforcer la liquidité et des forma- tions numériques. Lors d’une séance des ques- tions orales au Parlement, Ryad Mezzour, le ministre de tutelle, a souligné que le gouvernement s’efforce de renforcer l’intégration des petits commerçants avec le commerce moderne en réseau,

qui compte actuellement 1.000 unités contre 250.000 petits com- merçants. Il a, dans ce cadre, fait savoir que son département a mis en œuvre 70% des recom- mandations du Forum marocain du commerce organisé en 2019, tandis que les 30% restants sont en cours de réalisation. Parmi les mesures phares, la digi- talisation des transactions vise à intégrer ces commerçants dans un écosystème formel, facilitant les paiements et améliorant la traçabilité. Certains de ces épi- ciers participent à un programme pilote de formation aux systèmes modernes de gestion.

d’années, les coûts restent un frein. «Nous sommes poussés à acheter des logiciels et à nous adapter, mais à quel prix?» , s’in- terroge-t-il, déplorant un manque de moyens et de formation pour une grande partie des commer- çants. Hassan Edman, économiste, met en garde contre le risque de fer- metures massives si des mesures adaptées ne sont pas mises en place : «Il faut des subventions, des formations accessibles et une transition progressive pour accompagner les commerçants sans les mettre en difficulté». Il insiste également sur l’impor- tance de concevoir une moder- nisation inclusive. «Les com- merces de proximité jouent un rôle vital dans les zones rurales et les quartiers défavorisés. Leur disparition accentuerait les iné- galités sociales et économiques», avertit-il. L'un des plus grands défis reste la présence du secteur informel, qui représente près de 60% des transactions dans le commerce

Des avis partagés sur la modernisation

Certains commerçants, comme Brahim, boucher à Oulfa, un quartier de Casablanca, voit dans cette évolution une opportunité. «Grâce aux outils numériques, je peux mieux gérer mon stock et fidéliser une clientèle plus jeune» , témoigne-t-il. Cependant, pour Ahmed, épicier depuis une dizaine

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