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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 5 DÉCEMBRE 2024
ECONOMIE
peu efficaces, limitant ainsi leur capacité à s’engager dans des projets structurants. Ce manque de visibilité sur les opportunités réelles renforce leur hésitation. Les entrepreneurs expérimentés partagent également des préoccu- pations majeures : ils estiment qu’il est crucial de posséder un capi- tal financier solide et une expé- rience préalable avant de s’instal- ler au Maroc. La majorité des MRE qui réussissent à entreprendre viennent avec des ressources per- sonnelles et un réseau préétabli. Cependant, beaucoup déplorent le monopole de certains secteurs, le manque de conscience profes- sionnelle et une absence de sou- tien institutionnel spécifique pour les MRE. Ces facteurs créent un environnement où l’initiative indivi- duelle est souvent mise à mal. F.N.H. : Comment le Maroc pourrait-il mieux intégrer la troisième génération des MRE, et quelles initiatives concrètes seraient néces- saires pour transformer les transferts financiers en leviers de développement durable pour le pays ? A. H. : Malgré l’existence d’inci- tations fiscales, celles-ci sont sou- vent perçues comme insuffisantes ou mal adaptées aux besoins spécifiques des MRE. Cela com- plique encore leur engagement, car ils cherchent des solutions qui répondent véritablement à leurs attentes et à leurs réalités écono- miques. Il est essentiel de considérer l’évolution sociologique au sein de la diaspora. La troisième géné- ration de MRE, moins enracinée dans les codes culturels de leurs aînés, a tendance à percevoir le Maroc comme une opportunité économique conditionnelle, plutôt qu’une évidence affective. Cette nouvelle perspective exige une approche proactive pour capter leur intérêt et les intégrer dans les dynamiques économiques natio- nales. Pour surmonter les défis que ren- contrent les Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans leur quête
En 2023, les transferts des MRE ont atteint un niveau historique de 115,15 milliards de dirhams, représentant près de 7% du PIB national.
d’investissement, il est indispen- sable de mettre en œuvre des solu- tions ambitieuses et concrètes. La première étape essentielle consiste à simplifier et digitaliser les démarches administratives. En créant des guichets uniques digi- talisés spécifiquement dédiés aux MRE, nous pourrions centraliser les services administratifs, rendant ainsi les processus plus fluides, rapides et transparents. Ces gui- chets seraient accompagnés d’une banque de projets natio- nale, qui recenserait les opportu- nités d’investissement par région et secteur, fournissant des infor- mations claires sur les retours sur investissement attendus. Cette initiative répondrait direc- tement aux frustrations liées aux lenteurs administratives et au manque d’informations, en offrant un accès simplifié et transparent aux services nécessaires pour investir. En parallèle, il est impératif de développer des mécanismes financiers innovants qui encou- ragent les MRE à investir dans des secteurs stratégiques. Cela pourrait inclure la mise en place de fonds d’investissement spéci- fiques, cofinancés par l’État et le secteur privé, ainsi que la création de produits bancaires adaptés, tels que des prêts à taux pré- férentiels ou des garanties pour réduire les risques perçus. Des incitations fiscales renforcées, comme des réductions d’impôts
pour les investissements dans des secteurs prioritaires tels que l’agriculture durable, les énergies renouvelables ou les technolo- gies innovantes, pourraient égale- ment jouer un rôle catalyseur. Ces mécanismes visent à surmonter le besoin de capital solide et à atté- nuer les craintes liées aux risques, ce qui est essentiel pour encoura- ger les investissements des MRE. Pour attirer la troisième génération de MRE, il est essentiel de mettre en place des campagnes de sensi- bilisation ciblées. Ces campagnes devraient valoriser des success stories d’investissements réussis, mettant en lumière les réformes récentes qui rendent le Maroc plus attractif. Elles devraient également souligner les opportunités uniques offertes par un Maroc en pleine transformation, tout en répon- dant aux attentes spécifiques des jeunes générations. En ciblant spécifiquement cette population, ces campagnes visent à établir un lien émotionnel et à susciter l’inté- rêt d’une génération moins enra- cinée dans les traditions, tout en leur montrant les bénéfices d’un investissement au Maroc. Enfin, le rôle des institutions telles que la Fondation Mohammedia
et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) doit être renforcé. Ces entités doivent devenir des partenaires stratégiques, capables de fournir un accompagnement personna- lisé et de coordonner les efforts nationaux pour maximiser l’impact des MRE. La Fondation pourrait jouer un rôle clé en simplifiant les procédures, en facilitant l’accès à l’information et en créant des passerelles entre les MRE et les opportunités d’investissement. En renforçant ces institutions, on assure un soutien systémique aux MRE, permettant une approche plus intégrée et coordonnée pour répondre à leurs besoins spéci- fiques. En conclusion, il est impéra- tif de transformer les transferts financiers des MRE en véritables leviers de développement pour le Maroc. Pour cela, il est nécessaire d’adopter une approche proactive qui dépasse la simple solidarité et qui valorise l’engagement éco- nomique de cette diaspora. En mettant en place des mécanismes incitatifs adaptés et en créant un environnement transparent, le Maroc peut non seulement mobili- ser les ressources financières des MRE, mais aussi leur expertise et leur réseau. Ce changement de paradigme est crucial pour bâtir un avenir inclusif et durable, où chaque contribution des MRE devient une pierre angulaire du développement national. ◆
De nombreux MRE ressentent une méfiance envers le climat des affaires au Maroc, redoutant une instabilité juridique qui pourrait compromettre leurs investissements.
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