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FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 5 DÉCEMBRE 2024
FOCUS MEDAYS
«Le principal défi est d’accroître la sophistication de l’économie marocaine» Pays émergents
économiques comme Tanger, Kénitra ou Casablanca. Ce qui manque, c’est un tissu dense de PME capables de soutenir ces grandes industries par la sous-traitance spécialisée. Les PME pourraient se spécialiser dans des niches précises, comme fournir des pièces pour l’automobile ou l’aéronautique. Par exemple, une PME pourrait se concen- trer uniquement sur une pièce précise, de la conception à la fabrication, et devenir un acteur clé dans la chaîne de valeur. Pour cela, il est indispensable d’accompagner ces entreprises sur plusieurs fronts : faci- liter leur accès au financement, car l’inves- tissement industriel est risqué; renforcer leurs capacités techniques à travers des formations et des appuis pour monter des dossiers bancables; encourager une meil- leure coordination entre les grandes entre- prises et les PME locales pour développer une véritable symbiose industrielle. Ces PME ont le potentiel de deve- nir, demain, des champions nationaux capables de conquérir d’autres marchés en Afrique et au-delà. F.N.H. : L’économie marocaine repose encore fortement sur les investissements publics. Le secteur privé semble moins dynamique. Comment expliquer ce déséquilibre et quelles solutions proposez-vous ? M. L. : C'est une réalité que l’on observe non seulement au Maroc, mais dans plu- sieurs pays en développement. L’économie marocaine est structurée en trois niveaux : Les grandes entreprises, souvent publiques ou semi-publiques, qui fonctionnent géné- ralement bien. Le secteur informel, para- doxalement très actif mais peu productif. Les PME, qui devraient être la colonne ver- tébrale de l’économie, mais restent sous- développées. Ce déséquilibre s’explique par plusieurs facteurs, notamment une pré- férence marquée des investisseurs locaux pour des secteurs comme l’immobilier, jugés moins risqués. Pour inverser la ten-
Le Maroc est classé en tête des pays émergents d’Afrique, selon l’Indice synthétique d’émergence économique (ISEME) présenté dans le rapport réalisé en 2022 par l’Insti- tut de l’Emergence. Invité d’honneur aux MEDays, Moubarack Lô, président de l’Insti- tut Émergence, Senior Fellow à l’OCP Policy Center du Maroc, auteur de la méthodolo- gie basée sur l’ISEME, revient sur les performances et les défis économiques du Maroc.
Propos recueillis par Désy M.
Finances News Hebdo : Vous êtes actuellement au Maroc, un pays que vous placez en tête du clas- sement des pays africains émer- gents, selon l’ISEME. Quels sont, selon vous, les facteurs clés qui expliquent cette avancée signifi- cative ? Moubarak Lô: Le Maroc se positionne effectivement comme le premier pays émergent en Afrique, devant des nations comme l’Afrique du Sud, l’Égypte ou même l’île Maurice. Cette réussite repose sur quatre dimensions essentielles. Premièrement, la richesse inclusive. Le Maroc a su maintenir une croissance éco-
nomique régulière, même si elle n’est pas très élevée. Cette croissance est restée positive malgré les défis, permettant une augmentation progressive du produit natio- nal. Cette richesse est également reflétée dans l’amélioration de l’espérance de vie, un indicateur que nous utilisons pour éva- luer le degré d’égalité dans une société. Deuxièmement, un cadre macroécono- mique sain. Le pays a su maîtriser son infla- tion et maintenir des finances publiques relativement soutenables, ce qui n’est pas donné à tous les pays émergents. Troisièmement, la transformation struc- turelle. Le Maroc a engagé des efforts notables dans l’industrialisation, bien que son économie soit encore largement domi- née par les services. Cependant, il y a encore du travail à faire pour renforcer ce tissu industriel, en particulier en dehors des zones économiques spéciales. Enfin, l’insertion dans l’économie mondiale. Le Maroc a attiré d’importants investisse- ments directs étrangers (IDE) et s’est impo- sé dans les exportations manufacturières grâce à des secteurs comme l’automobile et l’aéronautique. Cependant, il est crucial d’intégrer davantage de technologie dans les produits exportés pour augmenter leur valeur ajoutée. F.N.H. : Vous insistez sur l’indus- trialisation comme levier clé pour le Maroc. Quels axes spécifiques le pays devrait-il prioriser pour avancer ? M. L. : L’industrialisation est cruciale, mais elle ne peut se limiter aux grandes zones
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