FNH N° 1031

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 15 JUILLET 2021

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ment pharmaceutique est indéniable, et elle a toujours existé. Elle concerne tous les aspects : ressources humaines sanitaires, accès aux soins, infrastruc- tures, etc. L’Afrique, avec une population d’un milliard 340 millions d’individus, soit 17,2% de la population mondiale, ne consomme que 0.5% des médicaments utilisés dans le monde. Cette fracture entre pays riches et pays en voie de

développement a été encore plus grave dans le cas des vaccins de la Covid-19, et ceci pour 3 rai- sons principales. La première est que les capacités de production mondiales des vaccins anti-covid sont très insuffisantes par rapport aux besoins mondiaux. La deu- xième est que la pandémie covid a déclenché une véritable guerre entre les pays pour s’accaparer

Les budgets éta- tiques qui étaient consacrés à la santé étaient insuf- fisants (6% environ du budget général) et loin de répondre aux recommanda- tions de l’OMS.

F.N.H. : A-t-on défini une date exacte pour entamer ce projet de grande envergure ? A. B. : Les avis divergent à ce sujet. Globalement, on peut estimer de 3 à 6 mois la fabrication locale par remplissage et d’au moins une année pour le projet de fabri- cation de la matière première, si le projet est bien accompagné et bien soutenu. Le projet est très complexe aussi bien dans son montage financier et dans la mise en pratique des accords signés que dans les aspects techniques, sans oublier la for- mation du personnel. Il y a de gros défis dans les transferts technologiques, mais le jeu en vaut la chandelle. Dans ce type de projet, il vaut mieux prendre le temps pour faire les choses dans les règles de l’art. D’abord, l’étape fabrication Fill & Finish avant d’envisager la fabrication des Bulks (principes actifs), et importation de vaccins pour immuniser la population en urgence. F.N.H. : Le projet nécessite un investissement global de 500 mil- lions de dollars. Comment sera-t-il financé ? A. B. : D’habitude, les investissements réalisés dans le secteur sont de l’ordre de dizaines de millions de dirhams. Là, on change de dimension et on passe à 500 millions de dollars. C’est énorme et his- torique. Dans un premier temps, c’est le consortium de banques marocaines citées plus haut et le Fond Mohammed VI, mais il n’est pas du tout exclu, vu la dimension du projet, de voir arriver d’autres finance- ments locaux ou internationaux. La prise de conscience actuelle que la santé est le bien le plus cher pour tout Etat et que le monde est encore fortement menacé par

les pandémies qui peuvent tout détruire, y compris les économies, même dans les pays les plus puissants et les plus riches, expliquent l’ampleur des investissements dans le domaine de la santé et la néces- sité de construire des systèmes de santé robustes. F.N.H. : Le Maroc compte produire à court terme 5 millions de doses par mois. Quels sont les objectifs à moyen terme ? Et quand attein- dra-t-on la vitesse de croisière en termes de production ? A. B. : Il est difficile aujourd’hui de don- ner des chiffres. Les acteurs de ce projet restent silencieux; il a une dimension de confidentialité, mais il y a aussi des incer- titudes tant que le projet n’a pas vraiment démarré. Ce n’est qu’au moment où la fabrication aura commencé et qu’elle sera confrontée à des problèmes techniques, logistiques ou administratifs, qu’on aura des objectifs de production plus fiables et plus réalistes. Toutefois, le chiffre de 5 millions de doses par mois reste très réa- lisable, vu le savoir-faire déjà acquis dans la technologie du Fill & Finish. L’industrie pharmaceutique marocaine a déjà montré ses capacités d’adaptation et d’évolution et sa forte résilience face à la pandémie. F.N.H. : Au niveau mondial, le conti- nent africain a reçu moins de 2% de doses du vaccin contre le coro- navirus. Un constat qui démontre l’énorme «fracture sanitaire» qui existe entre les continents. La création d’une souveraineté vac- cinale africaine est-elle possible ? A. B. : La fracture sanitaire et notam-

les ressources sanitaires et les garder pour leurs propres populations au détri- ment d’autres nations. La troisième est économique. L’acquisition de millions de doses est très coûteuse pour les pays les plus pauvres. Ces 3 raisons expliquent pourquoi l’Afrique n’a eu droit qu’à 2% de l’ensemble des vaccins utilisés dans le monde. Dans ce cadre, notre pays fait figure d’exception dans le continent africain. Concernant la souveraineté nationale dans les pays africains, elle n’est pos- sible qu’a travers la coopération Sud-Sud entre les pays africains les plus dévelop- pés en matière pharmaceutique et ceux n’en disposant pas. Mais aussi avec les géants pharmaceutiques asiatiques que sont l’Inde et la Chine qui ont toujours été qualifiées de «pharmacies du monde». Par le passé, ces géants ont toujours été les fournisseurs de médicaments géné- riques accessibles ou des matières pre- mières nécessaires pour les fabriquer. Pour rappel, ces deux pays fournissent 80% des matières pharmaceutiques mon- diales, y compris aux pays occidentaux, sans compter les médicaments à l’état fini. Dans ce cadre, le Maroc qui a tou- jours ambitionné d’être un véritable hub pharmaceutique africain, le deviendra avec ce projet de vaccins anti-covid et ultérieurement pour d’autres vaccins. De plus, en entament la fabrication des bio- médicaments, notre pays ne manquera pas de passer à la vitesse supérieure en accédant à la fabrication des biosimilaires (génériques des biomédicaments) dont les très coûteux anticorps monoclonaux. Aujourd’hui, c’est un rêve, demain ce sera une réalité. ◆

L’Afrique avec une population

d’un milliard 340 millions d’individus, soit 17,2% de la population mondiale, ne consomme que 0.5% des médicaments utilisés dans le monde.

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