revue musée Rops 46

Découvrez la nouvelle mouture de la revue semestrielle du musée Rops, Province de Namur. Davantage axée sur des informations de contenu, elle détaille la programmation des expositions temporaires. Pour l'agenda, rendez-vous sur www.museerops.be ou abonnez-vous à notre newsletter! Bonne lecture!

↘ N°46 MARS 24

Sommaire

BULLETIN SEMESTRIEL D’INFORMATION ↘ N°46 – MARS 2024

ÉDITEUR RESPONSABLE: Province de Namur GRAPHISME : Marie Duval RÉALISATION : Imprimerie Nuance4, Namur Les textes figurant dans ce document n’engagent que la responsabilité de leur auteur.rice.

Expositions 04

«Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecœur» Entretien avec Denis Laoureux, commissaire de l’exposition Activités en marge des expositions

NOUS CONTACTER: Musée Félicien Rops – Province de Namur – Rue Fumal, 12 – 5000 Namur

12 14

Exposition au jardin: Rops & le climat

Conservatrice: Véronique Carpiaux Attachée de presse: Valérie Minten Secrétariat : 081/77 67 55 – info@museerops.be Accueil: 081/77 54 94 – accueil.rops@province.namur.be

 Exposition à venir: «L’Album du Diable. Les tentations de Félicien Rops»

Rops sans réserve 16

EN COUVERTURE: 1 ère de couverture: Félicien Rops, La Dame au pantin II ou La Femme au pantin , 1877, aquarelle, crayons de couleur, rehauts de gouache et esquisse de mine de plomb sur papier, 58 x 40,5 cm. Fondation Roi Baudouin - Fonds Charles Vreeken, en dépôt au musée Rops, inv. FRB D 015. 4 e de couverture: Félicien Rops, La Dame au pantin IV ou La Femme au pantin , 1890, aquarelle, gouache et crayons de couleur sur papier, 38 x 25,5 cm. Fédéra- tion Wallonie-Bruxelles, en dépôt au musée Rops, inv. CFR D 038 - APC 27405.

Une acquisition exceptionnelle Prêts d’œuvres : Rops voyage...

30

La recherche au musée 32

Chronique ropsienne: Les ateliers de Rops [part.2]

Nos partenaires 38

MUSÉE FÉLICIEN ROPS Rue Fumal, 12 – 5000 Namur www.museerops.be www.ropslettres.be www.collections-musee-rops.be

Fonds Rops: une nouvelle présidence

40

Asbl Les Amis du musée Rops: nouvelle acquisition

La boutique et l'équipe du musée 42 La boutique 43 L'équipe du musée

TENEZ-VOUS INFORMÉ.E.S DE L’ACTUALITÉ DU MUSÉE ROPS! ↘

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle sur www.museerops.be Suivez-nous sur Facebook et Instagram (museerops)

Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecœur Exposition ↘ 13.04.24—08.09.24

Le Cercle des femmes peintres est un collectif actif dans le monde de l’art belge à la fin du 19 e siècle. Entre 1888 et 1893, ces artistes vont organiser quatre expositions dans les salles du Musée moderne de Bruxelles, celles utilisées par le groupe d’avant-garde Les XX pour leurs prestigieuses manifestations. Grâce aux catalogues publiés à l’époque, les noms de 88 femmes ont été conservés ; 88 destins féminins liés à la peinture, la sculpture ou le dessin, mais qui, pour la plupart, n’ont pas survécu aux affres du temps… Et pourtant, certaines d’entre elles ont connu un véritable succès commercial de leur vivant, ont été reconnues et encouragées par Félicien Rops, ont été exposées aux États-Unis et enfin, ont vu leurs œuvres acquises par l’État belge grâce au succès rencontré. S’il n’a pas été possible de retrouver les tableaux de chaque membre du Cercle, le musée Rops est cependant en mesure de présenter des œuvres produites par certaines artistes qui ont eu une carrière exemplaire : médailles ou récompenses, articles de presse, sélections dans des expositions ou Salons prestigieux indiquent clairement le niveau de légitimité et de reconnaissance des unes et des autres. Malgré un corpus non exhaustif, l’exposition tente de lever le voile d’invisibilité qui repose sur certaines consœurs de Félicien Rops…

Différents thèmes sont abondamment traités par ces peintres oubliées : les fleurs et les natures mortes, les conditions de vie de leurs contemporain.e.s, les portraits ou encore les paysages. Dans l’exposition, une attention particulière est portée à deux artistes en raison de leur production symboliste : Alix d’Anethan et Henriette Calais. Au fil de l'exposition, la graveuse Kikie Crêvecœur éclaire les œuvres du passé avec ses créations contemporaines. Comme un écho qui perdure à travers les siècles, ses gravures et installations raisonnent autour des mêmes thématiques que celles du 19 e siècle. Avec son regard et son énergie d’aujourd’hui, Kikie Crêvecœur s’entoure elle aussi d’autres femmes artistes et d’écrivaines pour amplifier la portée de son travail.

4

ARTISTE CONTEMPORAINE EXPOSÉE : Kikie Crêvecœur

ARTISTES DU 19 E SIÈCLE EXPOSÉES : Berthe Art, Henriette Calais, Alix d’Anethan, Marie De Bièvre, Nathalie de Bourtzoff, Louise De Hem, Mathilde Demanet, Emma de Vigne, Marie de Villermont, Henriette de Villermont, Mary Gasparoli, Marie Heijermans, Pauline Jamar, Clémence Jonnaert, Rose-Jane Leigh, Félicie Putzeys- Ransy, Alice Ronner, Berthe Van Tilt, Rosa Venneman, Marguerite Verboeckoven

↗  HENRIETTE CALAIS (1863-1951) , Vers la lumière , vers 1835, aquarelle sur papier, 46,5 x 90 cm. Courtesy Galerie Drylewicz, Paris

↗ ROSE-JANE LEIGH (1853-1925) , Ferme en Campine , s.d., 40 x 60 cm, huile sur toile. Collection D. Laoureux

6

↗ ALIX D’ANETHAN (1848-1921), Les Saintes femmes au tombeau , avant 1911, huile sur toile, 109,5 x 147 cm. Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, inv. 3979

↗ MARY GASPAROLI (1856-1900) , Fleurs dans un vase , s.d., huile sur toile, 115 x 92,5 cm. Museum voor Schone Kunsten, Gand, inv. 1911-EH

ENTRETIEN AVEC DENIS LAOUREUX, COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

M.R : Avez-vous fait des découvertes durant la préparation de cette exposition ? D.L : Le Cercle des femmes peintres a organisé quatre expositions en 1888, 1890, 1892 et 1893 à Bruxelles, dans les salles du Musée moderne, exactement là où avaient lieu les fameux Salons des XX. Les catalogues et la presse d'époque nous ont permis de reconstituer la liste complète des artistes qui ont participé à cette aventure. Sur le plan des chiffres, 88 femmes ont présenté environ 400 œuvres. Il y a forcément eu des découvertes, même si l’exposition Femmes artistes. Les Peintresses en Belgique (1880-1914) présentée en 2016 au musée Rops avait déjà fait resurgir des noms. Ces artistes sont aujourd’hui presque toutes oubliées, voire totalement absentes du récit officiel de l'histoire de l'art belge. Parmi elles, on trouve bien entendu des peintres du dimanche, mais on trouve aussi et surtout des professionnelles accomplies, comme Henriette Calais, Rose-Jane Leigh, Rosa Venneman et tant d’autres. Il n’est plus scientifiquement acceptable que leur place soit encore aujourd’hui un point aveugle dans l’histoire de l’art belge. C'est pourquoi le catalogue de l'exposition comprend un dictionnaire où chaque artiste bénéficie d'une notice biographique retraçant son parcours. Certains récits de vie sont véritablement bouleversants. M.R : En quoi trouvez-vous que la graveuse contemporaine Kikie Crêvecœur entre dans la lignée de ces femmes artistes ? D.L : Nous avons convié la graveuse Kikie Crêvecœur avec l'intention de voir ses créations contemporaines apporter un éclairage nouveau sur les œuvres du

passé. L'idée était de trouver des œuvres qui puissent se répondre à travers les siècles pour former une harmonie sensible en termes d’accrochage dans les salles du musée. La présence des gravures de Kikie crée ainsi un jeu d’écho qui traverse le temps et résonne autour des mêmes thématiques que celles du 19 e siècle. Avec son regard et sa sensibilité d'aujourd'hui, Kikie Crêvecœur s'entoure également d'autres femmes artistes et d'écrivaines pour amplifier la portée de son travail. Dans l’exposition, on peut notamment découvrir une série de gravures intitulée Elles viennent dans la nuit , réalisée en collaboration avec la poétesse Corinne Hoex. Il se crée comme une connexion singulière entre celles qui se meuvent dans l’obscurité et les Trois Saintes Femmes au tombeau peintes par Alix d’Anethan (voir p. 7). Le livre Trognes , conçu par Kikie et Caroline Lamarche, fait également écho aux compositions florales peintes par les femmes du Cercle. Ce dialogue entre hier et aujourd'hui met en lumière une facette méconnue de l'histoire artistique belge à la fin du 19 e siècle. Catalogue : Le Cercle des femmes peintres & Kikie Crêvecœur , textes de D. Laoureux, V. Carpiaux, M. Van Uytvanck et K. Crêvecœur, Stichting Kunstboek, 2024, 116 p., 28€ L'audioguide est téléchargeable gratuitement sur l'appli du musée.

Denis Laoureux, professeur d’histoire de l’art à l’ULB et commissaire de l’exposition

Musée Rops : Comment vous êtes-vous intéressé au Cercle des femmes peintres ? Denis Laoureux : Les chercheurs en histoire de l'art étudient les collectifs d'artistes depuis maintenant de nombreuses années. Le musée Rops, par exemple, a présenté une exposition sur la Société libre des Beaux-Arts dont Rops était le vice-président. J’ai découvert l’existence du Cercle des femmes peintres en lisant l’essai remarquable d’Alexia Creusen sur les artistes femmes en Belgique au 19 e siècle. Un paragraphe de ce livre a attiré mon attention sur cette association dont je n'avais jamais entendu parler auparavant alors que je pensais connaître le 19 e siècle belge. J’ai voulu en savoir davantage. En approfondissant le sujet, je me suis rendu compte que le Cercle des femmes peintres avait une ampleur et un niveau d’ambition appelant une étude plus approfondie. En 2017, j’ai ainsi participé à un colloque sur les collectifs féminins organisé par l'association Aware (Archives of Women Artists Research & Exhibitions). Plusieurs intervenant.e.s de ce colloque m'ont incité à concevoir une exposition sur ce collectif. Le résultat de ce travail est présenté au musée Rops.

8

← MARIE HEIJERMANS (1859-1937), Une salle de l’infirmerie de Bruxelles, s.d. , huile sur toile, 57 x 25 cm. Musée du CPAS, Bruxelles

ACTIVITÉS EN MARGE DES EXPOSITIONS

ACTIVITÉS EN MARGE DES EXPOSITIONS

Lundi 22.04.24 → 18h30 Conférence virtuelle de Denis Laoureux, commissaire qui reviendra sur l'histoire du Cercle. Samedi 27.04.24 «Viens ta(musées) - Musée en herbe»: visite «Marmaille & Co» en famille suivie d’un atelier de gravure en relief qui dégomme !

Vendredi 24.05.24 → 18h jusqu’à minuit Nuit des musées dans Namur. Rires

Vernissage festif ! Bloquez le samedi 13 avril

Pour en savoir plus, rejoignez nos conférences-lunchs :

après-midi dans vos agendas ! 13h30 → Après une visite-flash de l’expo, foncez à l’atelier pour découvrir la technique de la gravure à la gomme, «comme Kikie»… 14h30 → visite guidée en compagnie de Denis Laoureux, commissaire.

garantis avec la troupe d’improvisation théâtrale namuroise «O My God !» qui vous plongera dans l'univers fabuleux de l'artiste, à coup de verve et d'imagination. Vendredi 07.06.24 → 9h à 17h Excursion “Sur les traces des ateliers d’artistes à Bruxelles” Dimanche 07.07.24 → 14h à 16h30 «Viens ta(musées) - Sous le soleil des musées»: visite «Marmaille & Co» en famille, thématique à venir. Samedi 13.07.24 → 10h à 17h Workshop pour adultes animé par Kikie Crêvecœur autour de la gravure sur gomme.

Vendredi 26.04.24 → 11h30 Conférence-lunch en compagnie de Kikie Crêvecœur et de Margaux Van Uytvanck, autrice du catalogue. Vendredi 24.05.24 → 11h30 Conférence-lunch en compagnie de Denis Laoureux, commissaire de l’exposition. Vendredi 21.06.24 → 11h30 Conférence-lunch sur Alix d’Anethan par Audrey Broche, historienne de l’art

15h45 → visite-lecture avec la complice de Kikie, l'écrivaine Caroline Lamarche.

Lundi & mardi 29-30.04.24 → 9h à 16h

Stage « ados » (15-18 ans) pour découvrir et expérimenter la gravure à la gomme « comme Kikie ». Du lundi au vendredi 06-10.05.24 → 8h30 à 16h30 Stage de théâtre pour les 10-15 ans proposé par l’Asbl AtArt dans les locaux pédagogiques du musée Rops. Renseignements et inscriptions: https://www.atart.be/

16h45 → visite guidée en compagnie de Kikie Crêvecœur et de Margaux Van Uytvanck, autrice du catalogue.

18h → clôture

10

Du lundi au vendredi 05-09.08.24 → 9h à 16h Stage pour enfants de 8 à 12 ans (thématique à venir).

Autres dates : → du 8 au 12 juillet → du 22 au 26 juillet → du 19 au 23 août

Samedi 10.08.24 → 10h à 17h Workshop pour adultes animé par Kikie Crêvecœur autour de la gravure sur gomme. Dimanche 01.09.24 → 11h à 12h30 Présentation du livre dans la collection «Conversation» entre Kikie Crêvecœur et Pieter De Reuse aux éditions Tandem.

Du jeudi au samedi 09-11.05.24 «Namur en mai» avec la Cie Les Emprunteurs et leur cabinet de curiosités déjanté. Mercredi 22.05.24 → 9h à 11h Conférence «Rops & le climat» au Delta avec François Massonnet, climatologue, Arnaud Ruyssen, journaliste RTBF et les élèves de l’Institut Notre-Dame de Namur. À partir de 14h : ouverture de l’expo « Rops & le climat » au jardin.

Pour toutes ces activités : infos et réservations au 081/77 67 55 ou info@museerops.be

↗ ALIX D’ANETHAN (1848-1921) , Dans l'atelier de l'artiste ou Les Aquarellistes , s.d. 108,4 x 137,5 cm. Courtesy Galerie Ary Jan, Paris.

Rops & le climat Exposition au jardin ↘ 22.05.24—25.05.25

Dès le 22 mai, le jardin du musée Rops servira d’écrin pour l’aboutissement de ce projet scientifique et créatif… Sur des panneaux accessibles gratuitement, vous pourrez découvrir les projections des jeunes ainsi que les dessins des artistes contemporain.e.s. Un guide de voyage « du futur », préfacé par François Massonnet et Pierre Kroll, caricaturiste, sera réalisé pour l’occasion. LES ARTISTES CONTEMPORAIN.E.S QUI PARTICIPENT AU PROJET SONT : Peter Depelchin, Camille Dufour, Émelyne Duval, Milan Jespers et Marc-Renier Warnauts. Merci à eux et elles pour leur enthousiasme et leur disponibilité. Un projet qui a reçu le soutien de l’asbl Les Amis du musée Rops, la Fondation Roi Baudouin (Fonds Solvay) et la Fondation Arnould-Kaisin. Merci à eux !

En mai 2024, le projet pédagogique « Rops & le climat » touchera à sa fin, en fanfare ! À vos agendas… Nous vous avions promis des nouvelles du projet « Rops & le climat » dans notre précédente revue (n°45, p.37). Et vous avez été nombreux.euses à nous suivre sur les réseaux et à encourager notre démarche ! Pour rappel, les jeunes de l’option « technicien.ne.s en environnement » de l’Institut Notre-Dame de Namur avaient comme mission d’analyser 10 peintures de Rops et de les projeter dans le futur, en tenant compte du réchauffement climatique. Suite à une conférence sur le climat donnée au musée par François Massonnet, climatologue à l’UCL et « parrain » de l’opération*, les élèves ont appliqué une grille d’analyse sur les paysages de Rops. En janvier 2024, la classe a présenté le résultat de ses recherches : paysages de la mer du Nord, de la province de Namur, de Hongrie, Danemark ou encore de la Suède, tous ont été étudiés et projetés dans le futur grâce à l’IA… Ensuite, ce fut au tour des artistes contemporain.e.s de prendre le relais : s’appropriant les projections des jeunes et créant, chacun.e dans son style, une nouvelle œuvre, ils.elles ont intégré à la peinture originale les transformations imaginées par les étudiant.e.s.

12

Save the date : 22.05.24 ! Grande clôture au Delta

9h-11h → Présentation et conférence avec François Massonnet, climatologue UCL et Arnaud Ruyssen, journaliste RTBF sur les conséquences du réchauffement climatique. Entrée gratuite. Sur réservation À partir de 14h → Ouverture de l’exposition dans le jardin du musée Rops. Bienvenue à tou.te.s ainsi qu’à toutes les écoles (sur réservation). Possibilité de visites guidées sur réservation. Entrée gratuite dans le jardin du musée. 081/77 67 55 ou info@museerops.be

*Retrouvez l’intégralité de cette conférence sur la chaîne YouTube du musée !

Exposition à venir ↘ 19.10.24—09.03.25 L’Album du Diable. Les tentations de Félicien Rops

Depuis 1998, année du centenaire de la mort de Rops, le musée n’avait plus consacré une exposition temporaire à “son” artiste. Et pourtant, les connaissances autour de son œuvre ne cessent d’évoluer et chaque année, l’équipe scientifique découvre de nouveaux champs de recherches. C’est pour cette raison qu’une rétrospective autour de son projet (non réalisé), L’Album du Diable , a vu le jour… Une belle manière de concrétiser une publication qu’il avait projetée de réaliser à plusieurs reprises dans sa correspondance. À partir de La Tentation de Saint Antoine (1878) appartenant à la Bibliothèque royale de Belgique et d’un dessin inédit prêté par le musée Marmottan Monet (Paris), l’exposition détaillera différents thèmes ropsiens : la présence du Diable, l’animalité, le livre comme objet de perversion, la croix sujette à bien des « détournements », etc. L’exposition sera l’occasion de retracer les lignes de force et d’inspiration de Rops et permettra au public de (re)découvrir des œuvres issues de collections privées, de musées belges et étrangers, mais aussi des dessins et gravures habituellement conservés dans les réserves du musée.

En parallèle, une expo-focus se tiendra dans les collections de référence intitulée Les Vices suprêmes, Félicien Rops et Joséphin Péladan . En collaboration avec L’Atelier symboliste (Bruxelles), une série d’œuvres et de documents pour beaucoup inédits, présenteront la relation ambivalente entre Rops et l’écrivain occultiste de la Rose+Croix, Péladan. Une publication permettra de revenir sur les lettres échangées par les deux hommes.

Auteur : Daniel Gueguen, Atelier symboliste

14

↗ FÉLICIEN ROPS, Le Vice Suprême , frontispice pour Joséphin Péladan, vers 1884, eau-forte réhaussée

Co-commissariat : Philippe Comar & Mony Vibescu

↗  FÉLICIEN ROPS, La Tentation de Saint Antoine , 1878, craie et rehauts de gouache sur papier, 73,8 x 54,3 cm. KBR, Bruxelles, inv. SI 29043

de crayons de couleur, 36 x 28 cm. FWB, inv. PER E0364.1.CF - APC 2058

croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens (1878-1881) que le musée tente de reconstituer depuis les années 1990. De précieuses informations sortiront en outre du nouveau fonds documentaire (archives, lettres et presse du 19 e siècle) acquis par l'asbl Les Amis du musée Rops. Préservées, ces œuvres rejoindront bientôt l’inventaire en ligne du musée mais égale- ment ses cimaises dans le cadre de son projet d’extension ou à l’occasion d’expositions temporaires. Elles contribueront aussi à améliorer la connaissance sur l’œuvre et la vie de « l’infâme Fély », tout en permettant à l’artiste de rester définitivement en Belgique, à Namur, son berceau natal.

Rops sans réserve Une acquisition exceptionnelle !

T. CLEEREBAUT Avec des notices de T. CLEEREBAUT et G. DI STAZIO

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année 2023 s’est terminée sur une excellente nouvelle, aussi bien pour le musée que pour la préservation du patrimoine de Félicien Rops. En octobre 2023, nous vous dévoilions l’acquisition exceptionnelle de près d’une vingtaine d’œuvres et archives grâce aux efforts conjugués de la Fédération Wallonie Bruxelles, de la Fondation Roi Baudouin, de l’asbl Les Amis du musée Rops et de la Province de Namur. Peu de musées sont propriétaires de toutes les œuvres exposées et conservées en leurs murs. Le musée Félicien Rops – Province de Namur ne déroge pas à la règle puisqu’il est dépositaire de certains de ses chefs-d’œuvre les plus prestigieux. C’était notamment le cas de deux des quatre versions des Dames au pantin , série ô combien importante pour l’étude de la période symboliste de l’artiste. Or, que se passe-t-il lorsque ces dépositaires souhaitent récupérer leurs œuvres et les mettre en vente ? Cette question s’est posée il y a quelques mois, lorsque la Province de Namur a appris la décision d’un collectionneur privé de vendre six dessins mis en dépôt au musée Rops, en même temps qu'un lot important d'archives, de gravures, de peintures et d’autres dessins ropsiens.

Peut-on vraiment risquer de laisser partir ce patrimoine belge à l’étranger ? De perdre des œuvres majeures témoignant de l’évolution stylistique d’un artiste ? De priver les générations futures de son héritage culturel ? Pas vraiment. Nul ne représente mieux Namur et l’esprit belgo-wallon que Félicien Rops. Préserver le patrimoine et rendre accessible la culture pour tou.te.s sont également deux des missions prioritaires de la Province de Namur. Grâce au partenariat solide et indéfectible qui existe depuis longtemps déjà entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Fondation Roi Baudouin, Les Amis du musée Rops et la Province de Namur, 12 dessins, 2 peintures et 6 pièces documentaires (à découvrir ci-dessous) ont pu être acquis en octobre 2023 pour être mis en dépôt au musée Rops. Dans le lot, se trouvent notamment La Dame au pantin II , acquise par la Fondation Roi Baudouin (Fonds Charles Vreeken), et La Dame au pantin IV , désormais propriété de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Fidèle à ses grands axes d’acquisition, la Province de Namur s’est quant à elle concentrée sur les dessins et peintures de différentes époques artistiques de Rops, et principalement d’œuvres de la série des Cent légers

Le Crocodile C’est un ensemble aussi bien inédit, rare qu’exceptionnel que l’asbl Les Amis du musée Rops a acquis avec ces 140 exemplaires du journal Le Crocodile , couvrant en grande partie ses trois premières années de publication (1853-1855). Créé le 1 er février 1853 par un groupe d’étudiants de l’Université libre de Bruxelles, ce petit hebdomadaire satirique et politiquement contestataire est non seulement le plus ancien journal estudiantin paru en Belgique, mais aussi l’une des premières productions artistiques connues de Félicien Rops. Le Namurois, étudiant à l’ULB dès 1851, rejoint en effet la Société des Crocodiles et collabore au journal dès juillet 1853, à l’âge de 20 ans: «Le concours d’un habile et spirituel dessinateur nous étant acquis, nous offrirons prochainement à nos abonnés des caricatures sur des sujets d’actualité» ( Le Crocodile n°15 du 17 juillet 1853). Jusqu’en 1855, Rops réalise sous divers pseudonymes la quasi-totalité des lithographies publiées dans cet hebdomadaire, ainsi que son frontispice. Très largement méconnus, ces premiers essais annoncent l’orientation que le caricaturiste donnera à sa future carrière d’artiste. Ces journaux permettront de mettre en lumière cette période, tout en faisant du musée Rops la première institution à proposer cette revue en ligne pour les chercheur.euse.s et le grand public. T.C.

16

↗ Ensemble de 140 exemplaires du journal Le Crocodile , 1853-1855, impressions sur papier. Acquisition de l’asbl Les Amis du musée Rops (inv. PR CRO).

Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires

← FÉLICIEN ROPS , Lucien Namêche ou Les Derniers Arguments , s.d., pastel, crayon de couleur, aquarelle, craie blanche et lavis d'encre brune et grise sur papier, 27 x 23 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 188).

En 1856, fort de son expérience au sein de la revue Le Crocodile , Félicien Rops fonde avec plusieurs amis son propre organe de presse bruxellois: Uylenspiegel , journal des ébats artistiques et littéraires , parodie satirique du Journal des débats politiques et littéraires . Parfois considéré comme le véritable début de la carrière artistique et professionnelle de l’artiste, cet hebdomadaire est richement illustré de caricatures réalisées par le Namurois entre 1856 et 1859/1862. Le musée Rops conservait déjà dans ses collections, propres ou mises en dépôt, l’intégralité des exemplaires des deux premières années de publication (1856-1858). L’acquisition de ce volume relié, couvrant également la majeure partie de la troisième année (1858- 1859), permettra de compléter ce fonds. Numérisé et océrisé avec l’aide du plan PEP’s de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de l’asbl Les Amis du musée Rops en 2023, l’ensemble sera disponible, pour la recherche et la consultation, sur l’inventaire en ligne du musée au printemps 2024.  T.C. Juif et Chrétien De petit format, cette huile sur toile est un ajout particulièrement précieux pour la collection du musée. Félicien Rops a en effet réalisé peu de peintures au cours de sa jeunesse, préférant se consacrer à la gravure et au dessin afin de s’assurer un nom dans le monde de l’illustration et un revenu. En outre, la caricature Juif et Chrétien est connue pour avoir été publiée par Rops dans le journal Uylenspiegel n°16 du 17 mai 1857, puis retirée avec d’autres figures en marge en 1891. La peinture, probablement réalisée à la même époque que la gravure originale, présente toutefois quelques différences, notamment une composition inversée et l’absence d’inscriptions en arrière-plan. Elle rejoint une autre œuvre du même genre, L’Entrée au Bal (inv. PE A2-3), régulièrement exposée au 1 er étage des salles de référence du musée.  T.C.

↗ Ensemble de 82 exemplaires de Uylenspiegel , journal des ébats artistiques et littéraires , 1857-1859, volume relié avec impressions sur papier. Acquisition de l’asbl Les Amis du musée Rops (inv. PR UY).

18

Lucien Namêche ou Les Derniers Arguments On pourrait le croire tout droit sorti d’un film de Tim Burton, et pourtant ce dessin est bien de la main du jeune Félicien Rops ! Typique des caricatures à grosse tête auquel l’artiste nous a habitué au sein du journal Uylenspiegel , Lucien Namêche (1822-1874) était un homme politique et un journaliste namurois engagé. Comme Fély, il était membre de la loge franc- maçonne «La Bonne Amitié» à Namur, qu’il rejoignit en 1844 bien avant lui. Ce conseiller communal libéral entre 1848 et 1872 était aussi surnommé «le Robespierre namurois» ou encore «le diable dans le bénitier» en raison de sa grande détermination et obstination. Profondément anticlérical, il combattit pour la sécularisation de l’enseignement officiel ainsi que celle des institutions de santé et de bienfaisance 1 . On imagine sans peine la sympathie qu’a pu avoir Rops pour ce M. Namêche, dont le portrait-charge est aujourd’hui exposé de manière permanente dans les salles de référence du musée.  T.C.

↗ FÉLICIEN ROPS , Juif et Chrétien , vers 1857, huile sur toile, 32,4 x 25 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. PE 007).

1  Nous remercions M. Bernard Anciaux pour ces informations sur Lucien Namêche, issues de son ouvrage Le Nom des rues de Namur. Chemins d'histoire de la cité mosane paru aux Éditions namuroises en 2023.

La Digue de Blankenberge sous la pluie Qu’il s’agisse de La Plage de Heyst (inv. PE 270), Plage en mer du Nord (inv. PE 144) ou Grandes dunes à la côte belge (inv. PE E002), Félicien Rops était profondément amoureux de la mer qu’il a représentée à de nombreuses reprises et ce, probablement, pour son propre plaisir. Cette huile sur panneau viendra compléter les trois précédentes, en présentant une vue de la digue de Blankenberge sous la pluie, rappelant l’œuvre d’un artiste que Rops influencera des années plus tard: l’Ostendais James Ensor. Qualifiée comme l’«une des premières peintures pré-impressionnistes en Belgique» par le journal La Meuse en 1966, elle fut offerte à l’artiste liégeois Armand Rassenfosse par Claire Rops-Duluc, fille de son ami et mentor. Après un passage dans une collection privée à partir du milieu des années 1960, elle rejoint aujourd’hui les collections du musée et peut-être – qui sait ? – l’une ou l’autre exposition dans le cadre de l’année Ensor en 2024.  T.C.

← FÉLICIEN ROPS , La Femme aux ballons ou La Dame aux bulles , s.d., mine de plomb, crayons de couleur, aquarelle et rehauts à la craie blanche et à la gouache sur papier, 21 x 30 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 189)

20

La Dame aux bulles Dans cette aquarelle non datée, la figure centrale s’ancre parfaitement dans l’univers ropsien, au carrefour de l’histoire, de la mythologie et de l’allégorie. Une «faunesse» coiffée d’un bonnet phrygien souffle dans un phallus en érection afin de créer des bulles qui deviennent peu à peu des planètes. Elle se trouve sur une sorte de mont ou de colline, assise sur une étoffe légère, presque transparente. Le bonnet phrygien est un symbole très fort de liberté en France depuis les évènements de la Révolution de 1789. Historiquement, il tire son nom de son origine présumée des Phrygiens, un peuple indo-européen originaire d’Anatolie. Il est présent dans plusieurs mythes dont celui de Pâris, prince troyen (dont le père Priam est originaire de Phrygie) ou encore le dieu perse Mithra. Dans l’antiquité gréco-romaine, le bonnet phrygien, généralement rouge, était donné aux anciens esclaves, le jour de leur affranchissement. Les êtres hybrides sont très fréquents dans l’univers ropsien. Ils participent très largement à la création d’une mythologie qui est propre à l’artiste. Le faune est un être éminemment érotique que l’on retrouve dans la littérature et les poèmes de l’époque comme chez Guy de Maupassant ou encore Arthur Rimbaud. Par ailleurs, le faune est le symbole d’une libido mâle naturelle et épanouie. Le choix d’une «faunesse» constitue donc un retournement qui n’est pas le fruit du hasard.  G.D.

↗ FÉLICIEN ROPS , La Digue de Blankenberge sous la pluie , 1878, huile sur toile marouflée sur panneau, 28,5 x 40,8 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. PE 187).

Akédysséril Le graveur namurois a réalisé pour Auguste Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889) le frontispice du conte Akédysséril publié en 1886. L’histoire raconte le retour de la souveraine Akédysséril, la jeune triomphatrice des deux rois d’Agra, dans la ville sainte de Bénarès en Inde. Ce conte est publié pour la première fois en 1885 dans La Revue contemporaine et en 1886 dans le recueil L’Amour suprême . Si nous ne disposons pas de la correspondance entre Rops et Villiers de L’Isle-Adam, ils ont pourtant dû se côtoyer puisqu’ils avaient projeté ensemble la création de La Revue internationale des Lettres et des Arts . Rops a réutilisé une eau-forte, L’Amour à travers les âges ou L’Amour dominant le monde, qui servit de frontispice à l’ouvrage d’Octave Uzanne publié en 1885, Son Altesse la Femme . On y voit une jeune femme ailée appuyée sur un candélabre. Dominatrice, elle est accompagnée d’éléments renvoyant à l’amour et à Éros. Les angelots et les petits génies expriment la même idée de domination du monde par l’Éros féminin, thème qui trouve écho dans le conte de L’Isle-Adam.  G.D. Qui aime les japoniaiseries Vendue publiquement en 1893, la collection d’Armand Gouzien, critique et compositeur de musique français, comptait pas moins de 367 eaux-fortes et 22 dessins et peintures de Félicien Rops, faisant de lui l’un des plus grands collectionneurs et diffuseurs de l’œuvre du Namurois au 19 e siècle. Et pour cause, les deux hommes étaient de proches amis. Félicien n’hésitera d’ailleurs pas à rendre hommage à Armand dans des œuvres telles que Fantaisie sur Gouzien ou… Qui aime les japoniaiseries . Ce dessin aura aussi l’avantage de faire avancer la recherche scientifique sur l’un des aspects méconnus de la carrière de Rops: l’influence des arts japonais sur son travail, à une époque où les productions nippones envahissent la capitale française et transforment profondément les sensibilités artistiques. Rendez-vous au musée à l’automne 2025 pour découvrir cette œuvre à l’occasion de l’exposition «Japon(i)aiseries». Fantaisies japonaises au temps de Félicien Rops !  T.C.

← FÉLICIEN ROPS , Accouplement préhistorique , 1889, aquarelle, crayons de couleur, crayon graphite et mine de plomb sur papier, 22 x 15,2 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 191).

↗ FÉLICIEN ROPS , Qui aime les japoniaiseries , s.d., encre sépia et noire sur papier, 23,5 x 15 cm. Acquisition de l’asbl Les Amis du musée Rops (inv. AMIS D 007).

Accouplement préhistorique La sexualité est une thématique forte de l’œuvre de Félicien Rops. Il rend ici hommage à la nature et à la relation homme-femme. La composition met en scène un «accouplement animal» que l’artiste situe à la Préhistoire. Une femme nue est violemment acculée contre un arbre par un homme entreprenant, nu lui aussi. Elle se défend tant bien que mal en plantant les dents dans le dos de ce dernier. Un chien brun participe à la scène en mordant le mollet de la femme. Longtemps considéré comme un érotomane voire comme un pornographe, Rops est fasciné par la vie à l’état pur, symbolisée par une sexualité débridée, presque instinctive. C’est la raison pour laquelle il représente ici l’acte sexuel comme il imagine qu’il devait être aux premiers temps de l’humanité. Jusqu’au milieu du 20 e siècle, conformément aux descriptions des anthropologues et des préhistoriens, les représentations des hommes préhistoriques, même des plus évolués, montrent des êtres techniquement primitifs et violents. Cette image négative est un héritage de l’Antiquité dont des poètes et des philosophes comme Horace – très apprécié par Félicien – ou encore Lucrèce, sont les premiers propagandistes.  G.D.

22

↗ FÉLICIEN ROPS , Akédysséril , 1886, crayon graphite, mine de plomb, craie blanche, rehauts à l'encre noire à plume et estompe sur papier, 30 x 20 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 190).

Le Coffret Dans les années 1860, Rops est encore au début de sa carrière. Il fait ses premières armes dans la caricature de presse, notamment pour son journal Uylenspiegel dans lequel il produit des lithographies. Depuis 1851, le réalisme rencontre un certain succès dans une époque marquée par de profonds changements sociaux, économiques et politiques. Félicien Rops s’intéresse de près à la société et aux mœurs de son temps. On retrouve dans son œuvre un goût certain pour la satire et un degré d’observation presque sociologique. La scène semble anodine: deux femmes sont occupées à regarder l’intérieur d’un petit coffret. Ce qu’elles observent ne semble pas être innocent comme en témoigne le vêtement ample de la jeune femme qui commence à dévoiler sa silhouette. À l’arrière-plan, dissimulé derrière une porte entrouverte, un voyeur observe discrètement les deux curieuses. L’artiste conserve encore un goût pour les sujets légers même si l’époque marque un tournant dans ces choix esthétiques et artistiques puisqu’il effectue de nombreux allers-retours sur Paris à partir de cette période.  G.D.

↗ FÉLICIEN ROPS , Le Coffret , vers 1864, aquarelle et crayon gras sur fond de craie, 38,4 x 28,4 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 196).

24

Affiche publicitaire pour la vente des ouvrages Le Vice Suprême et Curieuse de Joséphin Péladan, illustrés par Félicien Rops La rencontre entre Félicien Rops et Joséphin Péladan fut pour le moins fructueuse. En effet, l’artiste namurois a réalisé pas moins de quatre frontispices pour l’écrivain entre 1884 et 1888 : Le Vice suprême (1884), Curieuse (1886), L’Initiation sentimentale (1887) et À cœur perdu (1888). Cette affiche, qui sera exposée dans le cadre de l'exposition-focus consacrée à la relation entre Rops et Péladan (voir p. 14), date probablement de 1886 puisque l’éditeur A. Laurent a réédité Le Vice suprême et édité Curieuse la même année. Si les deux hommes s’estimaient, leur collaboration n’en fut pas moins houleuse, notamment au niveau des délais importants de livraison des eaux-fortes, comme cela est habituel chez Rops. Néanmoins, Péladan laisse à Rops un choix presque arbitraire pour la composition du frontispice en lui proposant de plier son texte aux eaux-fortes de l’artiste. Sur le frontispice Le Vice suprême , on voit un dandy squelettique qui tient sa tête sous le bras, son chapeau à la main. Une femme-squelette se trouve dans un cercueil ouvert. Elle est habillée en tenue de soirée, un éventail à la main. Des corbeaux volent dans un ciel lugubre où se dessine une coupole. Le couple se tient sur un socle dont le bas-relief représente une louve squelettique qui ne nourrit plus ses petits puisque Romulus et Rémus sont déjà morts. Le frontispice de Curieuse est une reproduction de Vieux faune (1885) dont le dessin original appartenait à Maurice Bonvoisin. Une femme enlace une statue de faune ou du dieu Pan, divinité grecque originaire d’Arcadie. Rops affectionne en particulier le caractère hybride et sauvage de ce dernier, régulièrement en proie à ses pulsions.  G.D.

↗  Affiche publicitaire pour la vente des ouvrages Le Vice Suprême et Curieuse de Joséphin Péladan, illustrés par Félicien Rops , 1886, chromolithographie sur papier entoilé, 57 x 40 cm. Acquisition de l'asbl Les Amis du musée Rops (inv. AMIS DOC 004).

Les Cents légers croquis En 1878, le bibliophile parisien Jules Noilly propose à Rops la réalisation d’une vaste comédie humaine: cent croquis de mœurs qui dénonceraient les hypocrisies bourgeoises de leur temps. La série des Cents légers croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens est née. Toutes les techniques à disposition de l’artiste sont utilisées: crayon, pastel, aquarelle, estompe, gouache, etc. Rops mettra plus de trois ans pour compléter cette série qui compte pas moins de 114 dessins rassemblés par Noilly en deux volumes composés d’un frontispice, d’une postface et de dix dizains, préludes à dix dessins. Dispersés après la mort du bibliophile, les dessins furent vendus à la pièce.

Les Dames au pantin D’un point de vue artistique et esthétique, la série des Dames au pantin témoigne très clairement de l’évolution allégorique et plastique de Félicien Rops. En 1877, dans la seconde version, l’artiste fait délibérément le choix de situer la scène pour entrer dans un décor antiquisant, plus universel. À l’arrière-plan de ce décor incertain, on distingue une sphinge, symbole des mystères féminins dévorateurs. La jeune femme aux charmes assumés tient un pantin désarticulé dans la main gauche, symbole de l’homme vaincu et un éventail dans l’autre main, synonyme de frivolité. La marionnette porte un lorgnon, un haut-de-forme et une canne; des pièces d’or tombent d’une blessure ventrale. La femme fatale est appuyée sur un autel de marbre sur lequel est sculptée une danse macabre de pantins modernes en bas-relief: un militaire, un bourgeois bedonnant, un poète et sa lyre, un banquier et ses deux bourses, le peintre académique et sa palette. Un buste de faune et une face de bouc évoquent des Bacchanales romaines, symboles de débauche et de lubricité. La dernière version qui clôt la série en 1890 constitue en quelque sorte la fin du sacrifice, la femme passant de la séductrice à la prêtresse, en témoigne le couteau ensanglanté porté à la ceinture. L’allusion biblique y est encore plus manifeste avec la table dont le pied est un arbre autour duquel s’enroule le serpent. La vasque semble être le réceptacle de la faute originelle, qui est le commencement et la finalité de la domination de la femme. Au fil de cette série, le discours est de plus en plus saturé de symboles et de références culturelles.  G.D.

Le Massage Rops joue consciemment avec l’ambiguïté de la frontière entre érotisme et thérapeutique. Une jeune femme entièrement nue (exception faite de ses petits escarpins) est allongée sur une table de massage et est entre les mains d’un praticien d’âge mûr en habit. Les vêtements de cette dernière gisent à côté de la table de soin. L’artiste confronte sur cette image le côté sérieux de la science et Le Bibliothécaire La figure de Satan, par extension celle du diable, est présente dans la série. Il relève ici du fantasme et du rêve. La représentation de la femme et de la lecture connaît un certain succès chez les artistes de la seconde moitié du 19 e siècle. Rops prend délibérément le parti de montrer une femme qui se pervertit en lisant les romans à la mode voire même les romans que l’on peut trouver dans les Enfers des bibliothèques. Le Diable, caché dans les plis du rideau du baldaquin glisse ses livres dans le dos de la femme nue allongée sur le lit.  G.D. ← FÉLICIEN ROPS , Le Bibliothécaire. Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, mine de plomb et crayons de couleur sur papier, 22 x 15 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 192).

26

le vertige de la chair. Le 19 e est un siècle qui est obsédé par le sexe et l’hygiène; Rops joue littéralement avec les codes de son temps. 

G.D.

↗ FÉLICIEN ROPS , La Dame au pantin II ou La Femme au pantin , 1877, aquarelle, crayons de couleur, rehauts de gouache et esquisse de mine de plomb sur papier, 58 x 40,5 cm. Acquisition du Fonds Charles Vreeken de la Fondation Roi Baudouin (inv. FRB D 015).

↗ FÉLICIEN ROPS , La Dame au pantin IV ou La Femme au pantin , 1890, aquarelle, gouache et crayons de couleur sur papier, 38 x 25,5 cm. Acquisition de la Fédération Wallonie-Bruxelles (inv. CFR D 038 - APC 27405).

← FÉLICIEN ROPS , Le Massage. Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, encre noire à la plume, crayon graphite et crayons de couleur sur papier, 24,5 x 18 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 193).

Le Muscle du grand couturier Rops est passionné par la femme, omniprésente dans son œuvre. Il va initier un style nouveau en ne déshabillant pas entièrement son modèle, mais en soulignant l’érotisation de son corps par des accessoires de mode ou des attitudes intimes ; c’est ce qu’il nomme lui-même le demi-nu, dont il défend la paternité jusqu’à la fin de sa vie. Ce faisant, l’artiste réagit à sa manière contre le nu académique. Il aborde également dans ce dessin la thématique de la mode, qui au travers du rendu des tissus, rythme un grand nombre de ses dessins. Les nombreuses heures passées dans le magasin de son père, qui était vendeur d’indiennes, – des tissus imprimés par des procédés analogues à ceux de l’impression sur papier –, et la relation qu’il entretient avec les sœurs Duluc, couturières, confirment son goût pour les étoffes auxquelles il est attentif dans ses compositions.  G.D. Souvenirs d’antan Assis devant une cheminée, un vieil homme à l’air mélancolique fume une pipe. Les plaisirs de la chair ou plutôt l’objet de ses désirs semblent occuper toutes ses pensées. La partie supérieure de l’image est peuplée de figures de femmes nues, dans des positions très suggestives, exhibant leurs courbes. Rops explore ici le domaine du fantasme et tend à montrer que la femme a une place de choix dans les pensées masculines quel que soit l’âge de l’homme. Ce dernier a sans doute connu son lot de conquêtes au cours de sa vie de voyageur comme en témoigne sa casquette avec une ancre, la maquette de bateau et le globe- terrestre à l’arrière-plan.  G.D. ↖ FÉLICIEN ROPS, Souvenirs d’antan, Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, pastel, pierre noire, crayon et craie blanche sur papier, 22 x 15 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 195).

Correspondance Sur cette lettre adressée à un destinataire non identifié, Rops a dessiné au crayon une femme à moitié nue assise qui plonge son regard dans ce qui semble être un grand livre. On voit à l’arrière- plan une silhouette de chauve-souris, les ailes déployées. Le ton de la lettre suggère que le destinataire est un proche de Rops; peut-être s’agit-il d’Henri Liesse, un romancier et critique d’art ardennais avec qui l’artiste entretient une abondante correspondance depuis 1872. Sur la lettre, l’artiste écrit « Je ne crois à la vertu des femmes que lorsqu’elles me prouvent le contraire ».  G.D. ↖ Lettre illustrée de Félicien Rops à [inconnu] , s.d., s.l., craie blanche, sanguine, texte au crayon graphite, 20,5 x 16,5 cm. Acquisition de l'asbl Les Amis du musée Rops (inv. AMIS LE 063). Archives diverses Ce lot comprend des archives et un ensemble de lettres. Parmi elles, des écrits de Paul, le fils de Félicien Rops à propos de Charles Baudelaire, mais aussi des critiques littéraires de l’époque, ainsi que des échanges entre Gustave Lefebvre et l’historien Maurice Kunel (1883-1971) qui font état de la création… d’un musée Rops. Ces nouvelles importantes ressources versées au fonds documentaire constituent une mine d’informations importantes pour les recherches à venir sur l’histoire du musée et l’œuvre de son artiste-phare.   T.C. ↖ Deux ensembles de brouillons et archives de Maurice Kunel, Gustave Lefebvre, Paul Rops,…, années 1930-1940. Acquisition de l’asbl Les Amis du musée Rops (inv. AMIS DOC 005 et 006).

↗ FÉLICIEN ROPS , Le Muscle du grand couturier, Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, crayon, gouache et pierre noire sur papier, 22 x 15 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 194).

28

Page 1 Page 2-3 Page 4-5 Page 6-7 Page 8-9 Page 10-11 Page 12-13 Page 14-15 Page 16-17 Page 18-19 Page 20-21 Page 22-23 Page 24-25 Page 26-27 Page 28-29 Page 30-31 Page 32-33 Page 34-35 Page 36-37 Page 38-39 Page 40-41 Page 42-43 Page 44

Made with FlippingBook Ebook Creator