revue musée Rops 46

Les Cents légers croquis En 1878, le bibliophile parisien Jules Noilly propose à Rops la réalisation d’une vaste comédie humaine: cent croquis de mœurs qui dénonceraient les hypocrisies bourgeoises de leur temps. La série des Cents légers croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens est née. Toutes les techniques à disposition de l’artiste sont utilisées: crayon, pastel, aquarelle, estompe, gouache, etc. Rops mettra plus de trois ans pour compléter cette série qui compte pas moins de 114 dessins rassemblés par Noilly en deux volumes composés d’un frontispice, d’une postface et de dix dizains, préludes à dix dessins. Dispersés après la mort du bibliophile, les dessins furent vendus à la pièce.

Les Dames au pantin D’un point de vue artistique et esthétique, la série des Dames au pantin témoigne très clairement de l’évolution allégorique et plastique de Félicien Rops. En 1877, dans la seconde version, l’artiste fait délibérément le choix de situer la scène pour entrer dans un décor antiquisant, plus universel. À l’arrière-plan de ce décor incertain, on distingue une sphinge, symbole des mystères féminins dévorateurs. La jeune femme aux charmes assumés tient un pantin désarticulé dans la main gauche, symbole de l’homme vaincu et un éventail dans l’autre main, synonyme de frivolité. La marionnette porte un lorgnon, un haut-de-forme et une canne; des pièces d’or tombent d’une blessure ventrale. La femme fatale est appuyée sur un autel de marbre sur lequel est sculptée une danse macabre de pantins modernes en bas-relief: un militaire, un bourgeois bedonnant, un poète et sa lyre, un banquier et ses deux bourses, le peintre académique et sa palette. Un buste de faune et une face de bouc évoquent des Bacchanales romaines, symboles de débauche et de lubricité. La dernière version qui clôt la série en 1890 constitue en quelque sorte la fin du sacrifice, la femme passant de la séductrice à la prêtresse, en témoigne le couteau ensanglanté porté à la ceinture. L’allusion biblique y est encore plus manifeste avec la table dont le pied est un arbre autour duquel s’enroule le serpent. La vasque semble être le réceptacle de la faute originelle, qui est le commencement et la finalité de la domination de la femme. Au fil de cette série, le discours est de plus en plus saturé de symboles et de références culturelles.  G.D.

Le Massage Rops joue consciemment avec l’ambiguïté de la frontière entre érotisme et thérapeutique. Une jeune femme entièrement nue (exception faite de ses petits escarpins) est allongée sur une table de massage et est entre les mains d’un praticien d’âge mûr en habit. Les vêtements de cette dernière gisent à côté de la table de soin. L’artiste confronte sur cette image le côté sérieux de la science et Le Bibliothécaire La figure de Satan, par extension celle du diable, est présente dans la série. Il relève ici du fantasme et du rêve. La représentation de la femme et de la lecture connaît un certain succès chez les artistes de la seconde moitié du 19 e siècle. Rops prend délibérément le parti de montrer une femme qui se pervertit en lisant les romans à la mode voire même les romans que l’on peut trouver dans les Enfers des bibliothèques. Le Diable, caché dans les plis du rideau du baldaquin glisse ses livres dans le dos de la femme nue allongée sur le lit.  G.D. ← FÉLICIEN ROPS , Le Bibliothécaire. Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, mine de plomb et crayons de couleur sur papier, 22 x 15 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 192).

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le vertige de la chair. Le 19 e est un siècle qui est obsédé par le sexe et l’hygiène; Rops joue littéralement avec les codes de son temps. 

G.D.

↗ FÉLICIEN ROPS , La Dame au pantin II ou La Femme au pantin , 1877, aquarelle, crayons de couleur, rehauts de gouache et esquisse de mine de plomb sur papier, 58 x 40,5 cm. Acquisition du Fonds Charles Vreeken de la Fondation Roi Baudouin (inv. FRB D 015).

↗ FÉLICIEN ROPS , La Dame au pantin IV ou La Femme au pantin , 1890, aquarelle, gouache et crayons de couleur sur papier, 38 x 25,5 cm. Acquisition de la Fédération Wallonie-Bruxelles (inv. CFR D 038 - APC 27405).

← FÉLICIEN ROPS , Le Massage. Série des Cent légers croquis , 1878-1881, aquarelle, encre noire à la plume, crayon graphite et crayons de couleur sur papier, 24,5 x 18 cm. Acquisition de la Province de Namur (inv. D 193).

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