C « Ce n’est pas un travail ! », s’exclame Gilbert Jenzer lorsqu’on lui demande en quoi consistent ses tâches de surveillant du Jet d’eau de Genève. De fait, si cette fonction comporte d’évidentes contraintes et responsabilités, elle n’est exercée que par des retraités des Services industriels de Genève (SIG), en échange d’une indemnité parfois bienvenue pour compléter une retraite modeste. Au nombre de cinq, ces volontaires accomplissent leur mission avec un sens de l’engagement à faire pâlir d’en- vie un chef d’entreprise. Un coup d’œil à leur planning suffit à mesurer leur investissement pour assurer la visibilité de l’élégant panache rafraîchissant, qui trône au bout de la jetée des Eaux-Vives depuis 1891. Emblématique de la Genève internationale, le Jet d’eau s’illumine régulièrement afin de célébrer un événement spécial. Ses mises en couleur respectent un calendrier précis et ne peuvent pas être liées à des actions privées ou publicitaires. Les autorisations sont octroyées par les SIG et, pour les demandes d’ordre diplomatique, par le Service cantonal du protocole. Géré en partie à distance, le fonc- tionnement de la plus célèbre des attractions touristiques genevoises comprend néanmoins une part manuelle. C’est en pressant sur un bouton que, non sans fierté, Gilbert et ses collègues retraités procèdent à sa mise en eau.
FIN OBSERVATEUR A l’exception des semaines de révision tech- nique, le Jet d’eau prend d’assaut le ciel de la rade tous les matins et jusqu’en soirée. Sauf lorsque le vent souffle trop fort, poussant les embruns sur les quais, ou quand les tempéra- tures avoisinent le zéro degré. Dans ces deux cas, c’est au surveillant de décider de couper le flux aquatique. « Nous sommes les mieux placés pour le faire, car nous sommes toujours dans les environs immédiats du Jet d’eau, note Gilbert Jenzer. Ce n’est pas une décision prise à la légère. En cas d’arrêt, trente à quarante minutes sont ensuite nécessaires avant de relancer le système. » Il s’agit, en effet, de ne pas endommager la station de pompage autonome à l’origine de la puissance de propulsion de l’eau. Installées en 1951, deux pompes projettent ainsi un demi-mètre cube d’eau du lac par seconde à une hauteur de 140 mètres et à une vitesse de 200 km/h. Prochaine amélioration envi - sagée : réduire la soif du Jet d’eau, dont la consommation annuelle équivaut à celle de 1000 ménages. Afin d’éviter les arrêts intempestifs, Gilbert cultive les petites astuces. « J’ai sans cesse un œil sur la météo. Déjà la veille de ma prise de service, je consulte les prévisions du temps. Plutôt que d’exercer ma surveillance depuis notre local technique, je préfère être en ex- térieur. Je peux observer les drapeaux, les bateaux, sentir si le joran ou la bise se lèvent. » Autant d’indications qui facilitent l’évaluation de la situation.
« En quittant les SIG, j’étais le dinosaure. Aujourd’hui, je suis le gamin de l’équipe.» Gilbert Jenzer Surveillant du Jet d’eau
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avril 2025 - èremagazine
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