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FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 15 MAI 2025
L’Afrique face à l’IA Entre impératif d’inclusion et ambition technologique D Plus que jamais, la maîtrise de l’intelligence artificielle apparaît comme une opportunité pour le continent africain de s’émanciper technologiquement dans tous les domaines, à condition de bâtir un modèle propre, équitable et durable. Par Désy M.
préparer à l’IA ?». En posant ces questions, ce dernier a mis en garde contre le risque d’une adoption déséquilibrée de cette technologie: «Il faut une collaboration sincère entre les universités du Sud glo- bal. Il ne s’agit pas uniquement de bénéficier de l’IA, mais d’en fixer les normes et les garde-fous. L’IA a un potentiel immense, mais aussi un revers : elle peut renforcer les fractures». L’IA est de plus en plus présente dans différents secteurs. Le panel a également fait un focus sur son apport dans la révolution des sys- tèmes agricoles et la sécurité ali- mentaire, l‘un des principaux défis qui mine l’Afrique. «La recherche agricole bénéficie déjà des avancées de l’IA, que ce soit dans le phénoty- page des cultures, la surveillance de l’environnement ou l’automatisation du traitement des sols» , a précisé Ram Dhulipala, directeur par inté- rim de la Transformation numérique au CGIAR (Kenya). Il plaide pour la création d’une plateforme agricole mondiale mêlant startups, capteurs, drones et données satellitaires, capable de favoriser des modèles agricoles plus durables et rentables, avec une forte inclusion des petits exploitants. «Mais il faut aussi pen- ser à des règles éthiques fortes pour encadrer cette technologie», alerte-t-il. Tout au long de ces discussions, l’ensemble des intervenants se sont accordé sur le point selon lequel l’Afrique doit construire sa propre trajectoire dans la révolution de l’IA. Pour Steve Ciesinski, professeur à Stanford et investisseur DeepTech, la singularité des innovations de rupture appelle des formes de financement et de valorisation diffé- rentes : «Les DeepTech ne sont pas juste de l’ingénierie, elles viennent de la science, souvent incertaine, donc risquée. Les investisseurs doivent apprendre à penser long terme». Ce panel a souligné l’urgence d’un engagement collectif : celui de construire un écosystème africain de l’IA fondé sur l’éthique, la sobrié- té énergétique, l’inclusion éduca- tive, la souveraineté technologique et la création de valeur locale. ◆
ans une Afrique en quête de souve- raineté technologique, la deuxième édition du DeepTech Summit a lancé un appel fort : penser l’intel- ligence artificielle (IA) non comme un simple outil, mais comme une chance historique de redéfinir le progrès. À travers le panel d’ouver- ture, des experts du domaine ont analysé comment l’IA, appliquée aux DeepTech, peut accélérer des transformations à la fois sociétales, économiques et environnemen- tales, pourvu qu’elle soit inclusive, régulée et ancrée dans les réalités africaines. «L’IA n’est pas seulement une com- modité, c’est un moteur d’espoir. Elle permet de rêver grand», a affirmé Jalal Charaf, responsable du numérique et de l'IA à l’UM6P, intervenant lors dudit panel. Fort de son expérience dans la structura- tion de l’écosystème digital de l’uni-
versité, il a rappelé que « la meilleure manière d’engager un écosystème, c’est de sensibiliser, de pousser les jeunes à expérimenter l’IA pour transformer les processus, créer de nouveaux produits, sans jamais perdre de vue la mission d’autono- miser les esprits». Mais cette révolution technologique peut aussi creuser des inégalités, notamment dans l’accès aux outils. «Le vrai défi est la démocratisa- tion. Nous ne devons pas copier les modèles étrangers, mais bâtir notre propre savoir-faire africain. Ce Sommet doit nous servir à imaginer ces solutions» , a-t-il insisté.
Il faut une vraie intégration du sec- teur privé dès la phase de dévelop- pement» , a plaidé Reshma Singh, directrice du Berkeley National Lab (USA). Insistant sur un modèle reconnu d'incubation technolo- gique, elle a rappelé l’exemple du programme « Radle to Commerce», qui a permis à plus de 300 startups d'accéder à des milliers de brevets technologiques grâce à un écosys- tème mêlant science, business et prototypage industriel. Pour Singh, «l’IA peut aussi accélé- rer la recherche dans les matériaux ou le climat, mais elle consomme énormément d’énergie. Le vrai défi est donc de l’utiliser intelligemment, en réduisant son empreinte environ- nementale» . Au-delà de l’aspect économique de cette innovation, les interve- nants ont soulevé l’importance de repenser l’éducation à l’ère de l’intelligence nouvelle. Sachant que l’éducation est la source de tout système de pensée, il est impératif, au vu de l’essor de l’IA, de remettre également en question les finali- tés de l’éducation. Pour Stavros Yiannouka, CEO de WISE - Qatar Foundation, «il faut aller au-delà de la formation de la main-d’œuvre. L’éducation, c’est «morphosis», c’est-à-dire donner forme à l’être humain. Nous devons aussi ensei- gner à interagir avec cette nou- velle forme d’intelligence, en posant les bonnes questions : comment l’IA peut-elle renforcer l’éducation, et comment l’éducation peut-elle
De la recherche à la mise en marché
Au cœur du débat, la question du transfert de technologies a occupé une place centrale. «Le passage du laboratoire au marché reste difficile.
Panel d’ouverture de la DeepTech Summit 2025.
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