HIGH-TECH
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 15 MAI 2025
Intelligence artificielle Où en sont les banques ?
des questions clés : quels colla- borateurs former sur quels outils d'IA ? Comment nos processus seront-ils impactés ? Quelles nouvelles applications créer ou mettre à jour ? Comment interagir avec notre environnement sur le sujet de l'IA (Salesforce, LinkedIn, Snowflake et nombre de presta- taires qui déploient aussi de l'IA)? Et comment communiquer avec nos clients sur ce sujet ? L'objectif final est d'avoir : • une stratégie claire; • un programme de gouvernance associé; • une roadmap bien construite qui détermine les cas d'usage priori- taires pour déployer des applica- tions créatrices de valeur, ainsi que leur mode de pilotage. F. N. H. : Selon vous, quels sont les plus gros freins à l'adoption de l'IA dans les établissements financiers ? Plutôt technique, humain, réglementaire ? M. M. : Contrairement à l'Europe, le frein n'est pas encore vraiment que réglementaire au Maroc, dans la mesure où le cadre est encore en construction. En effet, le cadre marocain encadre par- tiellement l’utilisation de l’IA dans le secteur bancaire, ce qui pose des défis, c’est davantage : • L’absence d’un cadre légal spécifique à l’IA (les banques s’appuient sur des lois qui ne couvrent pas explicitement les spécificités de l’IA); • Tout l’enjeu autour de la protec- tion des données personnelles. Cela étant, sont en train de se mettre en place un genre de «soft law» autour de l’IA et de bonnes pratiques pour garantir une utili- sation «responsable» de l’IA. On ne peut pas non plus dire que la barrière est principale- ment technique. Sur le plan tech- nique, on ne peut pas parler de frein structurel généralisé, mais la capacité d'intégrer des solu- tions d’IA dépend fortement de l’architecture SI propre à chaque banque. Certaines disposent de socles technologiques modu- laires ou d’interfaces ouvertes qui facilitent l'intégration de briques IA (via API, cloud, etc.), tandis que d’autres, encore très
L’IA s’installe peu à peu dans les banques marocaines, mais l’adoption reste contrastée. Mary Morgand, Manager chez Ailancy Maroc, revient sur les freins, les cas d’usage concrets et les défis à relever pour passer de l’expérimentation à la transformation.
Propos recueillis par K. A.
Finances News Hebdo : Comment voyez-vous l'évo- lution de l'IA dans le sec- teur financier, et plus par- ticulièrement les banques ces dernières années ? Ça avance vraiment ou ça reste encore au stade des tests ? Mary Morgand : On observe aujourd'hui deux mouvements majeurs dans l'intelligence artifi- cielle. D'un côté, l'IA prédictive, qu'on appelle souvent IA tradi- tionnelle, est pratiquée depuis des années. Elle consiste à pro- duire des modèles statistiques capables de prendre des déci- sions. Dans le secteur bancaire, elle a pris différentes formes : calcul de la probabilité de défaut d'un emprunteur pour décider si on lui octroie un crédit, détection des transactions frauduleuses, etc. Ce courant s'est très bien développé dans le monde ban- caire avec un grand nombre d'ap- plications différentes. Depuis novembre 2022 et l'arrivée de ChatGPT, on a démocratisé un nouveau genre d'IA : l'intelli- gence artificielle générative. On a maintenant accès à des modèles qui ne sont plus uniquement pré- dictifs mais génératifs, capables
de créer de nouveaux contenus comme des comptes-rendus de réunion, des présentations, des images, des logigrammes et bien d'autres choses. Pour cette IA générative dans le monde bancaire, l'adoption est nettement plus lente. On a du mal à dépasser le cas d'usage pure- ment gadget - faire des comptes- rendus ou créer des PowerPoint- pour aller vers de véritables appli- cations métier, comme l'analyse d'un dossier de crédit avec justi- fication de la décision. Pour ces applications avancées, on est effectivement encore en phase de test. Plusieurs raisons expliquent cette situation : le besoin de nouvelles compétences pour travailler sur ces modèles, mais aussi le fait que ces modèles sont en constante évolution. Il faut pou- voir les appréhender et adapter la gouvernance et les méthodes de delivery de l'entreprise pour produire ce type d'applications.
F. N. H. : Avez-vous accom- pagné des projets concrets d'IA ici au Maroc ? Si oui, dans quels domaines ? M. M. : Nous travaillons avec plusieurs banques marocaines et notre méthodologie est générale- ment la même. On commence par lancer des programmes d'accul- turation pour le Comex et les col- laborateurs lorsque c'est deman- dé. Le 1 er enjeu c’est l’humain. L'idée, c'est qu'aujourd'hui il est très compliqué de travailler ensemble sur l'IA si on n'en a pas une compréhension com- mune - ses forces, ses domaines d'application et, surtout, ses limites. Cette compréhension partagée passe souvent par des programmes d'acculturation avec des présentations détaillées et des réponses aux questions spé- cifiques des collaborateurs. Une fois ce travail d'accultura- tion fait, nous accompagnons les acteurs bancaires pour déployer une stratégie IA. Nous adressons
Très clairement, une catégorie de profils cherche à utiliser l’IA comme levier d’opti- misation, tandis que d’autres visent à créer des actifs IA réutilisables à long terme.
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