POLITIQUE
33
FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 15 MAI 2025
mémoire qui divise plus qu’elle ne rassemble. Simplement à cause d’un pouvoir algérien qui use et abuse de la «rente mémo- rielle» pour exister et tenter de se légitimer. En cela, les gestes symboliques ne suffisent plus. Les excuses non plus. Dans ce contexte, le rappro- chement entre la France et le Maroc n’est pas qu’une diver- gence de vues sur le Sahara marocain : c’est un reposition- nement stratégique que l’Algé- rie refuse d’accepter. Alger voit Rabat prendre de l’avance, scel- ler des partenariats robustes avec Madrid et Paris et devenir un hub d’investissement africain et un interlocuteur privilégié à l’égard de l’Occident. Et cela irrite. Agace. Il n’est donc plus seulement question de diplomatie. Mais d’une rivalité régionale et d’un jeu d’équilibre qui bascule au détriment d’Alger. Et face à cette réalité, pour un pouvoir algérien obsédé par les avancées indé- niables de son voisin et mû par la volonté de préserver ses privilèges indus, la seule riposte reste le repli sur soi, l’ingérence, l’agressivité et la victimisation permanente... Quand ce n’est pas Rabat, c’est Madrid, l’Al- liance des Etats du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), l’Union européenne ou encore Paris. Conclusion : Alger est adepte de la diplomatie de l’absurde et de la rancune, qui se nour- rit du réflexe de l’affrontement. Une diplomatie qui semble être l’expression permanente d’un contentieux mal digéré. Et dans cette nouvelle esca- lade avec Paris, ce sont les populations des deux pays, qui partagent une histoire humaine, familiale et culturelle bien plus dense et chaleureuse que les communiqués des chancel- leries, qui en payent le prix. Les Français d’origine algé- rienne, les étudiants, les entre- preneurs… sont les premiers otages d’une relation devenue illisible. Une relation prise dans les filets de l’arithmétique poli- ticienne et, surtout, reflet des humeurs et des errements du pouvoir algérien. ◆
Emmanuel Macron
Abdelmadjid Tebboune
L’amour vache Les relations entre les deux pays tournent au règlement de comptes diplomatique, avec de nouvelles expulsions de fonctionnaires français du territoire algérien. En toile de fond : un régime algérien qui instrumentalise continuellement le passé colonial et frustré par le rapprochement franco-marocain. Par D. William A France – Algérie
voir les derniers échanges entre la France et l’Algérie, ou plutôt les derniers non-échanges, on se dit que le dialogue bilatéral n’est pas seulement gelé : il est cryogénisé. Le dernier épisode de cette glaciation s’est joué ce week-end, avec l’expulsion de nouveaux fonctionnaires fran- çais par Alger. Des agents «en mission temporaire», comme les qualifient pudiquement les sources diplomatiques fran- çaises, remerciés pour cause de… formalités non respectées. En langage diplomatique, cela donne : «affectations sans noti- fications officielles ni demandes d’accréditation appropriées». En langage courant : vous êtes venus sans prévenir, merci de refaire vos valises. La France a promis de ripos- ter «de manière immédiate», «ferme» et «proportionnée». Cette énième scène est révéla-
trice d’un état relationnel bilaté- ral particulièrement délabré. Car depuis plusieurs mois, l’Algé- rie et la France s’adonnent à une joute qui montre l’ampleur du désamour croissant : expul- sions, accusations protocolaires, convocations express, diplo- mates virés, rappel d’ambassa- deur, notamment celui de France en Algérie, Stéphane Romatet… Tout y passe, sauf l’apaisement. Trahison ? Mais au fond, que se passe- t-il vraiment ? Pourquoi cette tension permanente ? Pourquoi ce goût prononcé pour le clash diplomatique ? En réalité, tout ce brouhaha n’a rien d’un accident diplo- matique. Il résulte d’un glisse- ment progressif. L’été dernier, Emmanuel Macron avait pro- voqué la colère du président algérien Abdelmadjid Tebboune
en se rangeant du côté de la vérité historique, notamment en apportant un soutien clair et sans ambiguïté au plan maro- cain d’autonomie au Sahara, scellant de facto un alignement stratégique avec Rabat. Une déclaration à haute teneur géo- politique, qui a été perçue à Alger comme une trahison pure et simple. Depuis, c’est l’esca- lade. Aujourd’hui, le torchon brûle sans que personne ne semble pouvoir réellement l’éteindre. Chaque geste est interprété comme une provocation. Même la visite de parlementaires fran- çais à Sétif pour commémorer les massacres du 8 mai 1945, a été regardée avec beaucoup de suspicion. Le passé, décidé- ment, n’en finit pas de jeter de l’ombre sur le présent. Parce que la relation franco- algérienne repose sur une
www.fnh.ma
Made with FlippingBook flipbook maker