FNH N° 1196

BOURSE & FINANCES

7

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 15 MAI 2025

Chèques sans provision Vers une dépénalisation encadrée Le Maroc s'attaque aux chèques impayés : moins de pénal, plus de régularisation, avec le bracelet électronique pour soulager les tribunaux. Cette réforme veut s'aligner sur les pratiques internationales, mais son succès dépendra de l'aide apportée aux entreprises et d'une évolution des habitudes économiques.

ce plancher est encore en dis- cussion, notamment avec Bank Al-Maghrib. S’il permettrait de désengorger les tribunaux des petits litiges, il suscite égale- ment des craintes quant à un potentiel effet d’aubaine pour les mauvais payeurs. Des pistes sont avancées pour en limiter les dérives : mise en place d’un registre des incidents, renforcement de la procédure d’injonction de payer, ou encore sanctions administratives graduées pour les récidivistes. L’idée est de dépénaliser sans affaiblir la responsabilité des débiteurs. Autrement dit, dépénaliser ne doit pas rimer avec dérespon- sabiliser. Pour les PME, souvent vic- times d’impayés et peu outil- lées face à des contentieux civils longs et coûteux, cette réforme ne sera efficace que si elle s’accompagne d’un renforcement concret des juri- dictions civiles : simplification des procédures, digitalisation, renforcement des effectifs et accès facilité aux recours. Sans ces aménagements, le risque est de déplacer la satu- ration du pénal vers un civil déjà engorgé. Au-delà du seul volet judi- ciaire, cette réforme s’inscrit dans un changement de para- digme plus large. Le Maroc entend aligner son droit sur les standards internationaux, où le chèque n’est plus un instrument pénal mais un outil économique, adossé à des mécanismes de scoring, de consultation de données et de régulation préventive. La philosophie de la réforme est donc de rétablir la confiance dans les instruments de paie- ment, sans recourir à l’arme pénale à tout propos. Mais pour qu’un tel changement prenne racine, il faudra aussi transformer les pratiques com- merciales, responsabiliser les émetteurs et renforcer la capa- cité de réaction des créan- ciers. L’État pose le cadre; à la culture économique d’en faire un levier de crédibilité. ◆

Par Y. Seddik

 Le Maroc réforme la justice des chèques impayés en dépénalisant certains cas et introduisant

C

des mesures de régularisation.

est un virage que beaucoup attendaient, et qui pourrait changer la façon dont la justice traite les impayés au Maroc. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a présenté les grandes lignes d’un projet de réforme du traitement judi- ciaire des chèques sans pro- vision. Fini, dans certains cas, les peines de prison automa- tiques. L’objectif est double: désengorger les tribunaux et mettre fin à l’usage parfois abusif du droit pénal dans des litiges économiques ou fami- liaux. Premier changement de cap : les incidents de chèques inter- venus entre époux ne relève- ront plus du pénal. Autrement

dit, un chèque sans provision émis dans un cadre conjugal ne pourra plus servir d’arme judiciaire dans les conflits fami- liaux. Ce repositionnement, salué par plusieurs députés, vise à «désenclaver le droit pénal de situations civiles» et à éviter l’emprisonnement pour des litiges où la mauvaise foi n’est pas toujours évidente. Autre mesure forte : le paie- ment du montant dû, assorti d’une amende de 1 à 5% au profit de l’État, entraînera auto- matiquement l’abandon des poursuites, même en cas de mandat d’arrêt ou de détention préventive. Une inversion de logique, qui fait primer la répa- ration sur la répression. Mais l’innovation qui concentre le plus d’attention reste l’in- troduction du bracelet élec- tronique pour les auteurs de chèques impayés. Le débiteur aura un mois pour régulari-

ser sa situation, période durant laquelle il sera placé sous sur- veillance électronique. Une seconde chance d’un mois pourra être accordée par le plaignant, avant qu’éventuelle- ment les poursuites pénales ne soient réactivées. Ce mécanisme vise à huma- niser le traitement des inci- dents de paiement tout en garantissant une traçabilité, notamment en cas de risques de fuite. Pour Ouahbi, c’est aussi une réponse à la surpo- pulation carcérale : un tiers des personnes détenues pour chèques sans provision le sont encore en attente de jugement. Un seuil plancher encore en débat L’autre point sensible de la réforme est le seuil minimal en dessous duquel les poursuites pénales seraient écartées. Fixé entre 10.000 et 20.000 dirhams,

L’innovation qui concentre le plus d’attention reste l’introduction du bracelet électronique pour les auteurs de chèques impayés.

www.fnh.ma

Made with FlippingBook flipbook maker