FNH N° 1196

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 15 MAI 2025

Chèques impayés Ce qui va changer

F.N.H. : Cette réforme repose en partie sur la promesse d’une jus- tice plus rapide et plus adaptée aux réalités économiques. En pra- tique, pensez-vous que le transfert d’un grand nombre de litiges vers le civil permettra effecti- vement aux entreprises, notamment les PME, de mieux faire valoir leurs créances ? A. B. : Cette réforme vise à moderniser le traitement des incidents de paiement, à désengorger les tribunaux et à renforcer la confiance dans les instruments de paiement. Elle s’inscrit dans une tendance mondiale de dépénalisation des chèques sans provision, tout en tenant compte des spé- cificités du tissu économique marocain. En théorie, le transfert des litiges vers la justice civile peut offrir aux entreprises, notam- ment les PME, un cadre plus adapté et plus efficace pour faire valoir leurs créances, à condition que des réformes structurelles accompagnent ce basculement. Aujourd’hui, les procédures civiles restent souvent lon- gues, complexes et coûteuses, ce qui peut décourager les petites entreprises à engager des actions. Si l’objectif est d’accélérer le règlement des différends, cela suppose un renforcement concret des juri- dictions civiles : simplification des procédures (comme l'in- jonction de payer), digitalisa- tion, renforcement des effectifs et un accès facilité à la justice. Sans ces ajustements, il y a un risque que le transfert ne fasse que déplacer le problème au lieu de le résoudre. Pour que cette réforme tienne ses pro- messes, il faudra veiller à ce que les PME disposent d’outils rapides, accessibles et peu onéreux pour recouvrer leurs créances, sans être désavan- tagées face à des débiteurs mieux armés juridiquement ou financièrement.

Me Aïda Bennani, avocate au Barreau de Casablanca, spécialisée en droit des affaires, décrypte pour Finances News Hebdo les contours et les enjeux de la réforme annoncée du régime des chèques sans provision. Pour l’avocate, cette réforme représente une avancée vers une justice plus adaptée aux réalités économiques, à condition que les garde-fous nécessaires soient mis en place pour éviter les dérives et protéger les créanciers.

Propos recueillis par Y. Seddik

Finances News Hebdo : Le ministère de la Justice a récemment annoncé une réforme visant à dépéna- liser certains incidents de chèques, notamment dans les cas entre époux, et à introduire des méca- nismes de régularisation comme le bracelet élec- tronique. Selon vous, cette approche peut-elle vrai- ment concilier modernisa- tion du droit, désengorge- ment judiciaire et sécurité des transactions ? Aïda Bennani : A titre de rap- pel, le chèque est un titre de paiement à vue, régi par les dispositions du Dahir formant Code des obligations et des contrats (DOC) ainsi que par les articles 239 à 328 du Code de commerce marocain. Il consti- tue un acte unilatéral par lequel une personne, appelée le tireur, donne ordre à un établissement bancaire, le tiré, de payer à vue une somme déterminée à une tierce personne, le bénéficiaire,

ou à son ordre. Le défaut de provision suffisante au moment de la présentation expose le tireur à des sanctions civiles, bancaires et, dans cer- tains cas, pénales (émission de chèque sans provision), confor- mément à la loi n°15-95 formant Code de commerce. Le Maroc s’apprête à réformer en profondeur le régime juri- dique des chèques sans provi- sion, avec une série de mesures visant à alléger la charge pénale, faciliter la régularisation et moderniser l’usage de cet ins- trument de paiement. Les principales nouveautés de la réforme s’articulent autour de quatre changements majeurs (i) la dépénalisation des chèques entre époux : les chèques émis entre conjoints ne seront plus considérés comme des infractions pénales. Ces diffé- rends relèveront désormais du domaine civil, afin d’éviter la criminalisation des affaires fami- liales; (ii) l’abandon des pour- suites en cas de régularisation :

si le montant du chèque impayé est réglé, les poursuites judi- ciaires seront abandonnées, les personnes détenues seront libérées immédiatement et les avis de recherche annulés. Une contribution de 1 à 5% du montant du chèque pourra être exigée en guise d’amende pour l’État; (iii) l’Introduction du bracelet électronique : en cas d’incident de paiement, l’émet- teur du chèque bénéficiera d’un délai d’un mois pour régulariser la situation, durant lequel il sera soumis au port d’un bracelet électronique. Si la dette n’est pas apurée, une seconde période d’un mois pourra être accordée, toujours sous le même dispositif de surveillance; et (iv) le seuil de poursuite pénale en discus- sion : le gouvernement envisage d’introduire un seuil en dessous duquel les poursuites pénales ne seraient pas engagées. Les montants envisagés varient entre 10.000 et 20.000 dirhams, bien que ce point reste à discu- ter avec Bank Al-Maghrib.

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