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BOURSE & FINANCES
FINANCES NEWS HEBDO
VENDREDI 31 MARS 2023
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Abdellatif Jouahri – Aziz Akhannouch
◆ Profondes divergences de vue entre une Banque centrale attachée à la stabilité des prix et un gouvernement qui veut soigner ses statistiques. La guerre froide
mars et de l’impact du taux direc- teur sur l’activité et le crédit. Or, le gouvernement veut améliorer ses statistiques, étant confronté au double défi de la croissance et de l’emploi. Et il semble que la politique monétaire appliquée actuellement par BAM mine ses efforts dans ce sens : l’Exécutif s’éloigne de plus en plus de sa prévision de croissance de 4% en 2023 contenue dans la Loi de Finances 2023. Outre la faiblesse de la croissance, il y a aussi son contenu en emplois, talon d’Achille de l’économie maro- caine. L’élasticité croissance- emploi est, en effet, relativement faible au Maroc, se situant à 0,2 pour la période 2008-2021, c’est- à-dire 12.550 emplois créés, en moyenne, pour chaque point de PIB durant cette période. Pour le gouvernement de Aziz Akhannouch, l’enjeu n’est pas seulement économique, il est aussi politique. Car, ne l’oublions pas, il avait fait une promesse de taille : créer un million d’emplois nets durant son quinquennat, soit une moyenne de 200.000 par an. A l’heure du bilan, il devra donc rendre compte de ses réa- lisations… quand bien même, comme on le dit souvent, «les promesses des hommes poli- tiques n'engagent que ceux qui les reçoivent». De son côté, la Banque centrale est dans un tout autre état d’es- prit. Loin de l’arithmétique politi- cienne, elle n’est mue que par sa mission, qu’elle tente d’exécuter en toute indépendance : mettre en œuvre la politique moné- taire, autrement dit l’ensemble des décisions qu'elle prend dans le but de préserver la stabilité des prix, avec comme point de repère, pour ne pas dire ligne rouge, un taux d’inflation autour
de 2%. A preuve, l’inflation au Maroc s’est située en moyenne à 1,6% durant la période 2015- 2020. Aujourd’hui, avec un indice des prix à la consommation en hausse de 10% en février sur un an, ce seuil est largement dépas- sé. Alors, quitte à miner la crois- sance, BAM tente de ramener l’inflation à ses niveaux standards (autour de 2%). Même si l’on peut se poser des questions sur l’efficacité de la nouvelle hausse du taux directeur, puisqu’elle a elle-même revu à la hausse ses prévisions en termes d’inflation. En ce que sa vision et ses objec- tifs dans la conduite de la poli- tique monétaire s’entrechoquent avec les intérêts économiques et politiques du gouvernement, le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, s’attire forcément des inimitiés. Comme on le verra plus loin, cette forme de collision n’est pas nouvelle dans la scène politi- co-économique marocaine. Nouvelle ère Près de dix jours se sont écou- lés depuis le fameux Conseil de Bank Al-Maghrib. Dix jours durant lesquels aucune com- munication officielle n’est venue pour confirmer ou infirmer les tensions entre Bank Al-Maghrib et le gouvernement. Des deux côtés, c’est silence radio. Et il serait difficile d’imaginer qu’il y ait une communication officielle dans ce sens. Au mieux, elle sera très diplomatique, pour ne pas dire tronquée. Sinon, cela accentuera le malaise ambiant et décrédibilisera le Maroc aux yeux des institutions internationales (FMI, Banque mondiale…) et des investisseurs étrangers. Ces der- niers ont tous les yeux rivés sur le Royaume en ce moment. C’est pourquoi il y a peu de
A. Akhannouch, chef du gouvernement
A. Jouahri, wali de BAM
sa composante sous-jacente se situerait à 6,2%, soit une révi- sion à la hausse de 2 points de pourcentage par rapport à la prévision de décembre dernier et ce, en raison essentiellement de la flambée des prix de certains produits alimentaires qui y sont inclus». Et de poursuivre qu’en 2024, «sous l’hypothèse que les pressions aussi bien internes qu’externes continueraient de s’atténuer, la tendance fonda- mentale des prix se situerait à 2,3%, mais le démarrage pro- grammé de la décompensation des prix des produits subvention- nés devrait maintenir l’inflation globalement à un niveau élevé, soit 3,9%». Chacun joue sa partition La troisième hausse du taux directeur a fini par faire grincer des dents, en ce qu’elle bride la croissance. Une croissance déjà molle, qui était de 1,2% en 2022, et qui devrait se situer à 2,6% cette année et 3,5% en 2024. Des prévisions qui seront sans doute revues à la baisse au vu de la pluviométrie faible du mois de
U ne conférence de presse post-Conseil annulée à la dernière minute, un commu- niqué post-Conseil publié sur le site de la Banque centrale mardi après-midi, puis dépublié le soir, avant d’être republié le lendemain vers midi : il n’en fallait pas plus pour nourrir les interrogations. Qui ont par la suite donné lieu à nombre de conjectures, en l’absence notam- ment d’une explication officielle. Et, de fil en aiguille, il a été établi que c’est en réalité le contenu du communiqué de la Banque centrale qui était problématique. Pour qui ? Pour le gouvernement. Pourquoi ? Parce que pour la troisième fois de suite, Bank Al-Maghrib a procédé à une hausse de son taux directeur, le portant à 3%, soit une augmen- tation de 50 points de base, et ce afin de lutter contre l’inflation. Une inflation qui, selon BAM, devrait rester à des niveaux éle- vés à moyen terme, ressortant en 2023 à 5,5% en moyenne, «et Par D. William
Les faits sont têtus : au Maroc, les gouverne- ments qui se succèdent ont du mal avec les établisse- ments indé- pendants.
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