FNH N° 1102 Full

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

VENDREDI 31 MARS 2023

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chance que BAM et le gouvernement «officialisent» et portent sur la place publique leurs divergences éventuelles sur la politique monétaire. Mais être sourd aux interrogations de l’opinion publique consolide, également, la thèse selon laquelle le gouvernement a voulu interférer dans les décisions du Conseil de BAM et a exercé des pressions pour empêcher une hausse du taux directeur. Ce qui, en soi, est grave, d’autant que cela remet en cause l’indépendance de la Banque centrale. Une indépendance consacrée par le statut de BAM, qui dit expressément : «la Banque définit et conduit la politique monétaire, en toute indépendance. Elle fixe l’objectif de stabilité des prix, en tant qu’objectif principal. Une mission qu’elle exécute en toute transparence dans le cadre de la politique économique et financière du Gouvernement. L’indépendance de Bank Al-Maghrib est consacrée à tra- vers notamment l’interdiction de rece- voir ou de solliciter des instructions de la part du Gouvernement ou de tout tiers. De plus, la loi durcit le régime des incompatibilités pour éliminer toute influence et interdit expressément au Wali, au Directeur Général, au reste des membres du Conseil, ainsi qu’à tous les collaborateurs de la Banque de se retrouver dans des situations de conflits d’intérêts». A l’évidence, quelle que soit l’option choisie par les deux parties (communi- cation ou silence), le mal est fait. Avec le recul, quelles conclusions tirer de tout cet imbroglio ? L’attitude de BAM appelle deux lec- tures : • On peut féliciter Jouahri pour avoir tenu tête au gouvernement. Le gou- verneur de BAM est connu pour son franc-parler et pour être fidèle à ses convictions. Par le passé, il a sou- vent plaidé pour une cohérence et une convergence entre la politique monétaire, la politique budgétaire et le régime des changes, non sans inter- peller régulièrement le gouvernement afin qu’il respecte les contenus des Lois de Finances en matière de déficit budgétaire. • On peut également reprocher à BAM d’avoir mis, enlevé, puis remis le com- muniqué post-Conseil. Tout ce flot- tement est forcément préjudiciable à l’image de l’institution. D’un autre côté, on peut tout autant fustiger l’attitude du gouvernement. Car si le Maroc peut «facilement» sol-

liciter les marchés internationaux, si le Royaume bénéficie de la confiance d’institutions financières comme le FMI et la Banque mondiale…, c’est parce qu’il dispose d’institutions solides et crédibles comme la Banque centrale. Et au regard de ce que stipulent clai- rement les statuts de BAM, il devait s’interdire de s’immiscer… dans sa cui- sine interne, au risque de la fragiliser. Mais les faits sont têtus : au Maroc,

les gouvernements qui se succèdent ont du mal avec les établissements indépendants. Sous le gouvernement Benkirane, le haut-commissariat au Plan a ainsi été souvent pris en grippe à cause de ses prévisions de crois- sance que l’Exécutif de l’époque jugeait trop pessimistes. Pourtant, le HCP jouit d’une «indépendance institutionnelle et intellectuelle dans l’établissement de ses programmes et la conduite de ses

travaux d’enquêtes et d’études». Bref, cet épisode BAM-Gouvernement ouvre une nouvelle page dans les relations entre les deux parties. Une période où la «cohabitation» sera ten- due, comme du temps de la Guerre froide. Avec, d’un côté, un Jouahri atta- ché à la stabilité des prix, et de l’autre, un Akhannouch qui veut soigner ses statistiques. ◆

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