Finances News Hebdo N° 1065

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ECONOMIE

JEUDI 12 MAI 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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◆ Une entreprise placée en redressement ou en sauvegarde au cours de l’exécution d’un marché public est en principe toujours en capacité d’exécuter le contrat qui la lie à l’administration publique. ◆ Il faut tout de même être attentif à la pluralité des sources légales et règlementaires applicables en la matière, ce qui peut créer une certaine confusion quant au régime applicable. ◆ Eclairage avec Selma El Hassani Sbai, professeure universitaire au département de droit privé, Université Mohammed V, Faculté de droit Rabat-Agdal. Une équation juridique à plusieurs variables Marchés publics et entreprises en difficulté

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : Comment est organisée la situation d’une entre- prise chargée de l'exécution d'un marché public qui tombe en difficul- té, et ce en fonction des différentes procédures (sauvegarde, redresse- ment judiciaire, liquidation judi- ciaire) ? Selma El Hassani Sbai : A travers votre question vous abordez une problématique assez fréquente dans la pratique, qui sou- lève une dimension tenant à l’ordre public économique. En effet, il s’agit, d’un côté, de l’exécution d’un marché public qui implique la continuité du service public et la bonne exécution des contrats publics, et de l’autre côté, des procédures collectives qui mettent en jeu la survie d’une cellule économique et sociale essentielle, la cellule entrepreneu- riale avec tous les intérêts qu’elle agrège autour d’elle. Cependant, on ne peut pas répondre à votre question sans apporter quelques éclaircisse- ments préalables, indispensables à la clarté de notre propos. Il est vrai que les procé- dures que vous citez appartiennent tous à la famille de ce qu’on appelle «les procé- dures collectives» . Cependant, ce sont des procédures profondément différentes, voire même divergentes, à la fois par leur but et par les effets juridiques qu’elles impliquent, y compris sur les marchés publics en cours d’exécution. Je m’explique. La liquidation est une procédure de fin de vie, dédiée à la mise à mort organisée de l’entreprise dont la situation est «irrémédia- blement compromise». Elle tend à un seul objectif : assurer la meilleure satisfaction possible des créanciers de l’entreprise à travers la valorisation la plus avantageuse de son actif. Toute idée de continuité de l’acti- vité est ici écartée.

Les hautes compétences

juridiques sont deve-

nues absolu- ment incon- tournables, à une époque où les risques sont exacer- bés et les incertitudes amplifiées.

Le redressement et la sauvegarde sont en revanche des procédures qui manifestent des objectifs radicalement différents et des conséquences plus complexes en matière de conduite des marchés publics. Ce sont essentiellement des procédures de conti- nuation, de protection et de restructuration des entreprises en difficulté. Les entreprises qui en bénéficient conservent en principe un potentiel significatif de maintien de leur activité. Il s’ensuit qu’à l’égard des marchés publics, autant on peut difficilement concevoir qu’une entreprise placée en liquidation puisse arriver à exécuter le marché dont elle est adjudicataire, autant pour une entre-

prise en redressement ou en sauvegarde, la poursuite de l’exécution du marché public semble non seulement possible, mais sur- tout souhaitable, voire même indispensable pour la réussite de la procédure collective engagée. En effet, une entreprise placée en redresse- ment ou en sauvegarde au cours de l’exécu- tion d’un marché public est en principe tou- jours en capacité d’exécuter le contrat qui la lie à l’administration publique. L’argument est simple : si l’entreprise a été mise en redressement ou en sauvegarde, c’est bien parce que le tribunal a jugé objectivement qu’elle conserve suffisamment de poten- tialités économiques, financières et opéra-

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