Finances News Hebdo N° 1065

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ECONOMIE

JEUDI 12 MAI 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Entretien «Il est primordial de valoriser la production de l’huile d’argan localement»

◆ Les projets non encadrés risquent de créer un déséquilibre dans la filière. ◆ Les salons sont des évènements importants pour valoriser le travail des coopératives. ◆ Le point avec Jamila Idbourous, présidente de l’Union des coopératives des femmes pour la production et la commercialisation de l’huile d’argan (UCFA).

que la succession des années de sécheresse a également impacté le rendement de l’activité. Mais le plus important est de lutter contre les opportunistes pour protéger la filière et lui préserver son aspect authentique. F.N.H. : Comment jugez- vous les mesures lancées pour la préservation de l’arganier ? J. I. : Différents programmes ont été lancés émanant des insti- tutions publiques ou des ONG pour renforcer les capacités et la mise à niveau des coopératives. Il s’agit aussi d’initiatives pour faciliter la commercialisation et la promotion des produits afin que la marge soit toujours bonne. Il faut rappeler les mesures en faveur des associations et des coopératives pour les aider à par- ticiper aux salons nationaux et internationaux. Ce genre d’événe- ments permet de faire connaitre leurs produits, de les vendre à leur juste valeur et d’avoir plus de parts de marché. F.N.H. : La transformation industrielle des produits donne-t-elle plus de valo- risation à l’activité ? J. I. : Comme je l’ai dit, l’indus- trialisation risque de porter un sérieux coup à l’aspect original

et authentique de l’activité. Il est donc essentiel de sauvegarder le processus artisanal de fabrication de l’huile d’argan et des autres produits dérivés. Cela permet de préserver le travail des femmes et garder l’esprit de solidarité. Certes, la mécanisation facilite la production mais le travail à la main est privilégié pour assurer la labellisation et la certification des produits. Dans les coopératives, nous veillons à ce que les pro- duits soient bien emballés et bien présentés. Notre objectif essen- tiel est de limiter la vente des produits en vrac car cela réduit leur valeur et leur qualité. F.N.H. : Que faites-vous pour la transmission et la sauvegarde de ce savoir- faire ? J. I. : Notre fédération a pour rôle de préserver le savoir-faire et la promotion des produits de l’ar- gan. Cela passe par la sensibilisa- tion des femmes membres de la filière sur l’importance de la valo- risation de la production locale. Pour cela, il est primordial d’ins- taller des mécanismes dédiés notamment un atelier aux normes et un équipement aussi. Certains organismes comme l’Agence de développement agricole (ADA) aident les coopératives à exposer dans les salons.

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo : Quels sont les défis à rele- ver par la filière de l’arga- nier ? Jamila Idbourous : Chaque filière a ses propres spécificités et ses propres contraintes. Pour l’arga- nier, l’activité devient victime de son succès. Du fait qu’elle génère des marges importantes, elle est devenue la cible des intrus, des intermédiaires et autres opportu- nistes qui profitent amplement de la commercialisation des produits au détriment des femmes qui, elles, font l’essentiel du travail. C’est pour cela que le travail des coopératives et des associations est très important pour regrouper les femmes et valoriser leurs pro- duits et être un bon trait d’union entre l’amont et l’aval agricole. Il faut que l’investissement dans ce secteur soit orienté exclusive- ment vers l’économie solidaire et sociale. C’est une activité fragile et les projets non encadrés risquent de créer un déséquilibre dans la filière. Certains entrepreneurs ont pu ramasser une bonne partie de la récolte et l’ont transformée d’une façon industrielle à l’étran- ger. Du coup, les prix ont flambé et les coopératives n’ont pas pu trouver de la matière première pour travailler. Il faut noter aussi

F.N.H. : Le 10 mai est pro- clamée Journée internatio- nale de l’arganier. Quelle valeur ajoutée apportera cette célébration ? J. I. : La Journée internationale de l’argan est une reconnaissance non seulement de l’arbre mais aussi de toutes ces décennies et ce travail acharné des femmes des coopératives. Ces personnes sont les cueilleuses et les ayants droit qui participent activement à la transformation. Cela leur per- met de gagner leur vie et de prendre en charge leur famille. L’argan est un produit qui crée une dynamique socioéconomique locale et un levier important de développement et de lutte contre la pauvreté, tout en préservant l’environnement. Grâce à l’argan, les femmes sont devenues entre- preneures d’un projet qui leur per- met d’assurer leur dignité et leur fierté surtout que le produit et ses dérivés sont très sollicités notam- ment sur le plan cosmétique. Les forêts de l’argan regorgent d’autres richesses comme les plantes médicinales et aroma- tiques. A côté de l’agriculture, les femmes ont une diversité de sources de revenu. ◆

Les coopéra- tives d’argan créent une dynamique socioécono- mique locale et elles sont un levier important de dévelop- pement et de lutte contre la pauvreté.

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