D O S S I E R
LUC CHENIER: DE KYIV À HAWKESBURY
Suite de l'article de la page 2
compagnies anglophones, de toutes les ambassadeset du gouvernement ukrainien. Mais notre marché, ce n’est pas l’Ukraine. Quatre-vingtpour cent de nos lecteurs sont à Washington,New York, Toronto et à Londres. Parce qu’eux ils veulent savoir ce qui se passe en Ukraine. Parce que l’Ukraine est une région stratégique entre la Russie et l’Europe. De plus, il y a la diaspora ukrai- niennede presque20millionsde personnes, dont 1,400,000 au Canada. Le marché international c’est notre gagne pain. Le tirage du Kyiv Post c’est combien de copies? Le journal version papier commetel, c’est uniquement pour la ville et pour les ambas- sades. Donc un tirage de 7 000 à 10 000 copies maximum.Notre vrai marchéc’est en ligne avec plus d’un million d’impressions par jour, à cause de la guerre. Donc le Kyiv Post est petit, mais il est immenseen même temps. Et cette invasion russe, comment vivez- vous ça personnellement? Personnellementje prendça quandmême assez dur. Imaginez que le Canada a un désaccord avec les États-Unis. Tout à coup, les Américains commencent à poster toute leur armée le long de la frontière. Puis un bon matin, vous vous faites réveiller par des bombes qui explosent un peu partout et près de chez-vous, avec des missiles qui tombent à Ottawa,Toronto, Régina, Vancouver, Montréal. Un missile qui détruit complètement le Chateau Frontenac. C’est pas réel hein? Mais c’est ça qui se passe à Kyiv maintenant.Moi je n’envisageaispas de partir quand j’ai appris que les ambassades déménageaient ailleurs, je me suis dit ah, ils exagèrent. Mais ce matin-là, à 5h18 le 24 février, lorsqu’un missile a frappé près de chez-nous dans un aéroport, tu sautes de ton lit parce tout tremble et que ça fait un bruit d’enfer. Heureusementnos bagages étaient déjà prêts parce qu’on devait par- tir au Canada pour deux mois. Puis nous sommespartis pour un voyage qui aura duré 17 jours avant d’atterrir à Montréal- Trudeau. Pour le moment vous logez tempo- rairement chez une de vos sœurs à Hawkesbury. Quels sont vos plans pour
Iryna et Luc Chénier et leur fille Milena, 1 an, au bureau des Éditions André Paquette à Hawkesbury. —photo Gregg Chamberlain
la suite des choses? J’ai déjà commencé à chercher d’abord
à Ottawa et maintenant à Montréal, où ce serait mieux pour ma femme qui est ukrainenne. L’énergie qui règne à Montréal est quasi semblable à celle de Kyiv, d’autant plus qu’il y a là une importante communauté ukrainienne. Vous continuez, malgré la distance à diriger le Kyiv Post . Comment est-ce qu’on fait ça diriger un journal d’aussi loin? C’est facile et pas facile en même temps. C’est qu’on a tous appris à travailler à dis- tance avec la pandémie. C’est la même chose. Mon équipe est complètement épar- pillée dans le sud, dans l’est, en Espagne, en Hongrie. Tout se fait en ligne. Je parle avec tous mes journalistes, avec mon rédacteur en chef chaque matin, ma comptable, mon associé qui s’occupe de l’administration et avec mon patron, celui qui est propriétaire du journal. Nous avons décidé de donner à nos forces armées ukrainiennes tous les profits que nous réalisons avec nos ventes de publicité. Est-ce que vous comptez retourner vivre à Kyiv éventuellement? Vivre je ne sais pas. Parce que main- tenant ce n’est plus le même pays avec tous les bombardements qui ont semé la
destruction. Mais il faut connaître le peuple ukrainien. Tu peux tout écraser mais tu ne peux pas écraser l’âme de ce peuple. Ils vont reconstruire et ce sera beaucoup mieux qu’avant cette guerre. Les Ukrainiens savent comment se battre pour la démocratie. C’est un exemple pour le reste du monde. Malgré le refus des membres de l’Otan en Europe, au Canada et aux Etats-Unis, le président Volodymyr Zelenski conti- nue de réclamer une zone d’exclusion aérienne, le fameux No Fly Zone, pour éviter une escalade du conflit. C’est quoi votre opinion là dessus? Ce qui me fait mal c’est quand je les entend. Je me dis que l’OTAN ça ne sert plus à grand chose. Ils ont des armes mais ils ont peur de tout faire. Je trouve que c’est honteux de voir un autre pays en 2022, à part 1941, de voir tous les jours à la télé toute une population se faire massacrer. C’est pas humain du tout et ça démontre encore une fois que si t’es pas dans l’ouest, en Europe, au Canada, aux États-Unis, t’es une troisième classe de personne et que ta vie ne compte pas. Pour envoyer l’argent pour appuyer la lutte des Ukrainiens contre l’invasion russe, il faut aller sur Cufoundation.ca.
Publié le mercredi par : La Compagnie d’édition André Paquette Inc. Imprimé par : Imprimerie Prescott et Russell, Hawkesbury, ON # convention : 0040012398
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