FNH N° 1086

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JEUDI 24 NOVEMBRE 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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◆ Selon les estimations actuelles, le cancer du sang touche annuellement 2.400 Marocains. Le coût des soins reste très onéreux, avec une fourchette qui varie par mois entre 3.500 et 60.000 dirhams, voire plus. ◆ C’est pour contrer l’abandon thérapeutique que Dar Al Amal a vu le jour. ◆ Entretien avec Bahija Gouimi, enseignante, écrivaine et présidente de l’Association des malades atteints de leucémies «Amal». «Il était temps de transformer ce combat individuel en un combat collectif» Leucémie

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : L’Association des malades atteints de leucémies «Amal» a été créée il y a 11 ans. Quelle a été votre source d’inspira- tion pour mener à bien cette mission et celles à venir ? Bahija Gouimi : Derrière la création de l'as- sociation «Amal», il y a ma propre histoire. En 2002, j'ai été diagnostiquée d'une leucé- mie myéloïde chronique, qui est un cancer de sang, alors que j'étais enceinte de mon troisième enfant. Je portais cette double souffrance, j'avais peur pour moi-même et pour mon bébé. A l'époque, le traitement n'était pas disponible au Maroc. Il n'y avait pas d'associations de soutien aux patients et familles, pas d'accompagnement ni prise en charge psychologique du patient et de sa famille lors de l'annonce du diagnostic d'un cancer, accentué par un manque d'informa- tions appropriées. En plus, les soins dispen- sés sont centralisés uniquement à Rabat ou Casablanca. Bien sûr, au début j'ai été com- plétement plongée dans le déni, la révolte, le sentiment de culpabilité, la peur, la solitude. Des sentiments intenses me rongeaient de l'intérieur, je refusais ce rôle de victime, ce rôle de patiente, comme si j'ai arrêté d'exis- ter en tant que personne. Il m'a fallu du temps pour entamer ce nou- veau chapitre de ma vie. J'avoue qu'après avoir «fait le deuil», le cancer est devenu pour moi un déclic qui m’a fait sortir de ma trajectoire, d’une femme timide à une femme qui ose, qui prend la parole et entame des initiatives. J’admets aussi que le cancer m’a

Les histoires de vie de ces patients ont été une grande moti- vation pour donner vie à un espace de rencontres pour échan- ger, parler et trouver des solutions.

enseigné que la vie est un défi constant et un combat éternel. Tout au long de mon parcours de soins, j'ai rencontré des patients de toutes les classes sociales, venant de près ou de très loin, avec ou sans couverture sociale. J'ai été témoin de ce qu'ils endurent sur les plans psychologique et matériel, sans accès aux traitements, sans moyens financiers pour affronter les dépenses excessives liées à

leur cancer, aux analyses coûteuses… Ils subissent de longues attentes, des allers/ retours sans cesse, la bureaucratie, les procédures administratives rigides et acca- blantes. Certains abandonnaient faute de moyens, d'autres décédaient avant même de commencer leur première cure. J'avoue que ces histoires et ces patients ont été ma grande motivation pour donner vie à un espace de rencontre pour échanger,

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