FNH N° 1028

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TRIBUNE LIBRE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 JUIN 2021

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de réconciliation nationale, qui a permis de réparer la mémoire collective» avec ce que nous enregistrons comme abus des droits (sociaux et économiques) des journalistes, des militants des droits humains, des popu- lations du Rif et de l’Oriental… Comment peut-on parler de l’apaisement du climat social depuis au moins 2014 ? Le rapport rappelle des problèmes de coor- dination et d’efficacité au niveau du fonction- nement de la justice. Il va jusqu’à accepter que la réforme de la justice est inachevée. Cependant, son instrumentation renforcée au cours des dernières années interroge les dispositions constitutionnelles et sa soumis- sion au pouvoir politique central. Au niveau de la justice, les dysfonctionne- ments relevés sont ramenés à un niveau technique, fonctionnel ou simplement de perception des citoyens. Or, le problème

totalement à ce type de modèle ? Ce modèle se réfère à la Constitution et une certaine interprétation de sa mise en œuvre. Les limites très sérieuses d’une décennie de sa mise en œuvre sont évacuées. Aucune interrogation n’est soulevée sur la cohérence entre les pouvoirs constitutionnels, sur leur équilibre, leur indépendance alors que les pouvoirs du chef de l’Etat sont importants (armée, sécurité, religion, économie, justice, affaires étrangères et de manière horizontale par les nominations …) sans aucun méca- nisme de redevabilité et de reddition. Dans un modèle, quelles sont les implications pour les différents pouvoirs ? • Constitution et responsabilité de la gouvernance La Constitution de 2011 est jugée avant-gar- diste du fait qu’elle consacre «les principes démocratiques les plus avancés». Toutefois, il y a une reconnaissance qu’elle «n’a pas été mise en œuvre dans les délais attendus et n’a pas été relayée par une réponse globale et intégrée en matière de développement économique et social» . L’architecture de la Constitution, les problèmes de fond, les dys- fonctionnements ne sont pas considérés. N’était-il pas au minimum nécessaire d’envi- sager l’hypothèse que le système de gouver- nance puisse être un facteur de blocage du développement ? Et qu’en conséquence, la conception d’un modèle de développement ou des politiques publiques passe par une clarification des attributions constitution- nelles et l’introduction de mécanismes de redevabilité au niveau de la prise de déci- sions majeures qui engagent le pays. Cette attitude dogmatique comporte le risque que l’échec puisse se répéter indéfiniment sans moyens correctifs. En fait, les membres de la Commission du modèle de développe- ment semblent avoir privilégié nettement la poursuite et la consolidation de la monarchie exécutive. A titre indicatif, au sujet de la lenteur invoquée dans la mise en œuvre de certaines dispositions constitutionnelles, on constate au moins deux attitudes : Adoption expresse de la loi de la définition des entités et entreprises considérées stratégiques et du système de nomination qui permet au chef de l’Etat de contrôler l’essentiel du pou- voir économique. Ceci n’est pas le cas de nombreux aspects essentiels pour l’équilibre des pouvoirs constitutionnels. Dans la partie orientations, le rapport sug- gère que l’Etat poursuive ou devienne un Etat stratège, mobilisateur et protecteur. Quelles sont les chances et les conditions pour que l’Etat marocain puisse assurer convenablement ces fonctions ? ◆

est beaucoup plus profond car il concerne l’indépendance de la jus- tice et l’équilibre des pouvoirs. Le système judiciaire qui est dépendant du pouvoir central (notamment par le biais des nominations) n’est pas en mesure de mettre en place ce qui est réclamé par le rapport : «Le renfor- cement des libertés individuelles et publiques et leur protection».

Dans certains passages peu nombreux du rapport, la corruption est abordée sous la forme de distorsions, de rigidités ou elle est asso- ciée principalement avec le secteur informel.

pas : lois électorales taillées sur-mesure, fraude, intervention de l’argent, création de partis politiques et pression sur d’autres… Les techniques ont évolué, mais cet objectif stratégique demeure à l’ordre du jour au présent (la dernière technique trouvée étant l’attribution des sièges selon les inscrits dans les listes électorales). • L’Etat contre la société : le tout sécuritaire sans sécuriser les droits des citoyens Le rôle de l’Etat est supposé neutre par la Commission- souvent positif-, alors que l’histoire du Maroc ancienne et contem- poraine (toute récente) offre l’illustration d’un Etat répressif dont le comportant porte souvent atteinte aux libertés individuelles, collectives, sociales et économiques. Ne sommes-nous pas plutôt face à un Etat qui se comporte de manière hostile vis-à-vis de la majorité de la population ? Dans des passages du rapport de la com- mission, des appréciations, des affirmations sont avancées sans aucun sens critique du bilan des réformes et des responsabilités. En conséquence, le lecteur se trouve face à des constatations multiples non accompa- gnées par les explications indispensables. Comment peut-on concilier ce qui est pré- senté comme des acquis : «le processus

En plus du problème du respect des droits fondamentaux non assurés, se pose la ques- tion de l’orientation et le choix d’affecter de manière permanente des ressources rares de manière prioritaire à la «sécurité» au sens policier du terme, sans parvenir à assurer la sécurité des citoyens comme le reconnaît le rapport de la commission ! Ce qui est qualifié de «nouveau» modèle a été appliqué – dans sa dimension gouver- nance – durant la période de la gestion de la pandémie (2020-21). Le leadership extrê- mement centralisé (… Wali, gouverneurs…) a géré la pandémie de manière unilatérale (confinement très long, dispositif sanitaire prolongé, fermeture totale des frontières, contrôle de la mobilité…) avec des résultats positifs sur le plan du contrôle de la pan- démie et de la santé, mais à un coût socio- économique énorme (récession, impacts sectoriels désastreux…la facture n’est pas encore arrêtée). Ce mode de gestion est qualifié selon les standards internationaux de présidentiel, sans mandat électoral et surtout sans mécanismes de reddition et de redevabilité (MPSRR). Avec ce modèle, les citoyens et l’entreprise (petite et moyenne et l’informel) n’ont aucun mécanisme à leur disposition pour sanctionner ses résultats. L’agilité de la gestion dont parle le rapport sera-t-elle confiée dorénavant pleinement et

Ne sommes- nous pas plutôt face à un Etat qui se comporte de manière hos- tile vis-à-vis de la majorité de la popula- tion ?

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