FNH N° 1048

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

DU 23 & 24 DÉCEMBRE 2021

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F.N.H. : Quelle attitude avoir alors face aux conséquences de ces déci- sions ? M. B. : Si nous naviguons aujourd’hui dans une mer d’incertitudes, nous devons apprendre à vivre avec l’inattendu, et renfor- cer surtout nos investissements en termes de flexibilité et en capacité d’adaptation. Psychologiquement et matériellement. Pour sortir de la crise plus fort dans un monde en mutation. Tous les pays sont en train de tirer des leçons de la crise. La reprise d’activité réelle dépendra du rythme de dé-confinement adopté par notre pays et celui des autres pays. Elle dépendra du temps d’adaptation humaine et psycho- logique pour reprendre confiance et vivre probablement avec les vagues successives et changeantes du virus. Mais, surtout, elle dépendra de l’efficacité et de la vaccina- tion massive de la population…, et proba- blement avec des doses complémentaires successives pour maintenir la vigueur des anticorps. Ceci dit, je ne pense pas que nous aurons en 2022 une croissance similaire à celle de cette année, tout au plus 3,20%. F.N.H. : Vous avez parlé tout à l’heure du programme de réformes struc- turelles engagées par le gouver- nement. Quelles sont les actions économiques que l’on peut mener sur le court terme pour consolider la reprise d’activité dans la perspec- tive de cet Omicron ? M. B. : Dans l’immédiat, on a besoin surtout d’une action énergique sur l’offre. Il ne faut pas oublier que cette crise est une crise d’offre ! Une crise qui se manifeste par une réduction de la production, due au confine- ment, et à d’autres problèmes comme les problèmes d’approvisionnement. L’entreprise est une source de production et de revenus pour les salariés, mais aussi pour l’État. La priorité est la survie de ces entre- prises, dont les équilibres financiers sont aggravés par les impayés. Ce sont les PME et les TPME qui souffrent d’ailleurs le plus, et certaines d’entre elles sont devenues des zombies. Plus le coma économique est long, plus on assistera à des faillites, plus le réveil sera douloureux. Il faut veiller à la pérennité de l’outil de production. Pour cela, il faut injecter massivement des fonds destinés à assurer la survie d’entreprise qui conti- nuent de dépenser sans avoir des rentrées d’argent. Renforcer leurs fonds propres ! Mais il faudrait aussi profiter du moment pour moderniser l’outil de production et le rendre plus compétitif ! En énergie alterna- tive par exemple. C’est en période de crise

s’intègre dans le mouvement de la mon- dialisation. La mondialisation a renforcé les interdépendances entre pays et entre individus. Nous sommes tous reliés les uns aux autres. Une crise sanitaire avec des effets écono- miques ! Alors, que faut-il privilégier ? Pour les uns, la santé évidemment ! Pour moi, aussi ! Mais la médecine coûte cher. Elle a donc besoin d’une économie en bonne santé ! Il faut bien sûr tenir compte des données médicales, mais aussi des données économiques, sociales politiques et humaines ! Le problème, c’est que bien souvent dans nos analyses on procède instinctivement à la fragmentation des phé- nomènes au lieu de les relier. F.N.H. : Mais comment apprécier la responsabilité du gouvernement dans ce dilemme ? M. B. : Le gouvernement a une responsa- bilité nationale sur le plan de la santé, mais aussi sur le plan économique et social. Quelle que soit l’orientation qu’il serait amené à adopter, il sera jugé sur les consé- quences de sa décision, et on dira qu’il a pris une mauvaise décision. La prise de décision est difficile dans la mesure où cette épidémie nous noie dans une mer d’incer- titudes. A ce jour, après des mois et des mois, nous ne sommes pas sûrs de l’origine du virus; nous ne savons pas encore les mutations que subit ou que pourra subir le virus au cours de sa propagation; nous ne savons pas quand l’épidémie régressera et si le virus demeurera endémique; nous ne savons pas jusqu’à quand et jusqu’à quel point le confinement nous fera subir empê- chements, restrictions, rationnement; et sur- tout nous ne savons pas quelles seront les suites politiques, économiques, nationales et planétaires de restrictions apportées par les confinements. Chaque incertitude nous conduit vers de nouvelles incertitudes. Les vagues de pandémie se succèdent en se régénérant à chaque fois, faisant défiler des phases d’espoir suivies de phases de désespoir… Et c’est loin d’être fini. Personnellement donc, je comprends les décisions du gouvernement marquées par un sens aigu de la responsabilité et de la prudence en privilégiant, dans un monde incertain, la santé de la population. Nous ne sommes pas seuls à choisir cette voie. Omicron n’arrêtera pas notre économie ! Elle continuera de fonctionner avec des rythmes différenciés. On l’a vu au cours de cette année qui a enregistré une croissance largement positive malgré les mesures pré- ventives de confinement adoptées.

Avec la crise pandémique, on va assister progressive- ment à un processus de renforcement de la nation, une volonté de relocali- sation et une accentuation de la multipo- larité.

qu’il faut investir ! Les États-Unis et l’Europe l’ont fait pour relancer leurs économies à la suite des crises économiques et financières vécues, avec le «Quantitative-easing». Évidemment, ces pays financent leurs déficits et s’en- dettent avec leur propre monnaie, ce qui n’est pas notre cas. F.N.H. : Mais ne trouvez-vous pas que notre dette a déjà atteint un niveau alarmant ? M. B. : C’est vrai que le déficit du Trésor dépassera les 7%du PIB cette année, venant ainsi alimenter notre endettement public qui a dépassé les 100% du PIB. On peut comprendre que devant une situa- tion exceptionnelle, il faut une stratégie exceptionnelle. Mobiliser l’épargne nationale. Emprunter à l’étranger aussi, quitte à voir ses indicateurs macroéconomiques (déficit du Trésor, déficit courant, taux d’endettement) s’aggraver pendant quelque temps…, dans la mesure où le pays bénéficie d’une bonne crédibilité à l’international, de taux d’intérêt bas avec de longues durées. Mais, à mon avis, le problème ne réside pas dans la dette. Mais de savoir ce qu’on en fait. Si c’est pour investir par exemple dans le capital humain pour améliorer notre productivité, cet investissement générera un cash-flow suffisant pour la rembourser ! Quelle que soit la situation, des entreprises qui ferment définitivement auront un coût pour le pays bien plus élevé.

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