Une approche régénératrice pour le tourisme au Canada
Une réflexion sur comment le tourisme peut soutenir les gens, les communautés et la prospérité, avec études de cas, principes et indicateurs de progrès.
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TABLE DES MATIÈRES
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AVANT-PROPOS DE DESTINATION CANADA
RECONNAISSANCE INTRODUCTION
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POURQUOI UNE NOUVELLE APPROCHE?
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OTTERCREEK WOODWORKS : D’ARTISAN À PORTE-PAROLE DE LA FORÊT QU’ENTEND-ON PAR « REGÉNÉRATRICE »?
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ORILLIA : LE RÉCIT D’UN LIEU
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COMMENT METTRE EN ŒUVRE LA RÉGÉNÉRATION?
PLAYA VIVA (VILLAGE ET COMMUNAUTÉ RURALE)
28 COMMENT SAURONS-NOUS QUE NOUS FAISONS DES PROGRÈS? 32 LAS SALINAS À VIÑA DEL MAR, AU CHILI (VILLE ET RÉGION) 34 QUE POUVONS-NOUS FAIRE MAINTENANT? 37 CONCLUSION 39 À PROPOS DES AUTEURS 40 ANNEXE A 43 GLOSSAIRE 45 RÉFÉRENCES
Le changement est un processus perpétuel, tout comme l’évolution du secteur touristique canadien. Maintenant que le monde émerge des profondeurs de la pandémie de COVID-19, nous avons l’occasion de réfléchir à ce dont nous aurons besoin pour réunir les conditions favorables à l’émergence d’un secteur qui se démarquera à l’avenir par sa résilience et sa prospérité, un secteur capable de contribuer à la régénération des populations, des lieux et de notre épanouissement collectif dans le temps. Les défis que nous devrons relever sont d’une grande complexité. Pour les surmonter, nous devrons adopter une approche systémique plus intégrée, où les personnes, les organisations ainsi que les écosystèmes naturels qui assurent notre subsistance – plutôt que d’être perçus comme des ressources consommables desquelles nous pouvons extraire une richesse – travaillent de concert pour générer cette richesse. Pour ce faire, il faudra toutefois se départir des façons de penser et de faire existantes. Ainsi, le secteur touristique canadien a la possibilité d’incarner le changement auquel le monde aspire. Pour les hôtes qui accueillent des visiteurs dans leurs communautés, le tourisme a le potentiel de servir de catalyseur dans la transformation de l’économie et du tissu social du Canada, en contribuant à ce que le pays s’inscrive dans une trajectoire plus durable, inclusive et prospère de plusieurs façons : AVANT-PROPOS DE DESTINATION CANADA
• Renouer les liens entre les gens — en cultivant le bien commun à travers les géographies, les industries et les cultures; • Rapprocher les gens de la nature — en nous sensibilisant à notre interdépendance au sein d’un vaste système vivant de manière à générer une richesse sans extraction; • Renforcer le rôle des communautés de toutes les tailles — en découvrant leur potentiel inhérent de façon à conjuguer de nouveau les différents intérêts, les lieux, les populations et les profits. De nombreux acteurs du secteur touristique avaient déjà pris conscience de cette réalité avant la pandémie et commençaient à tracer une nouvelle voie axée sur la régénération. Pour consolider cet important travail de fond et réunir les conditions nécessaires à une vaste transformation du secteur, nous aurons besoin du soutien de guides expérimentés et nous devrons compter les uns sur les autres. Cette démarche exigera du courage et de la détermination. Mais c’est maintenant que tout se joue. L’étendue de nos ambitions étant établie, ce guide d’action se veut une invitation à entreprendre ce cheminement ensemble, bien qu’il demandera à chacun et chacune d’entre nous de s’adapter, à tous les niveaux de l’écosystème de l’économie d’accueil. Marsha Walden Présidente-directrice générale Destination Canada
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RECONNAISSANCE
Destination Canada tient à reconnaître les peuples autochtones qui habitent les terres sur lesquelles nous jouons, travaillons et vivons. D’un océan à l’autre, nous tenons à souligner que les Inuit, les Métis et les Premières Nations sont et demeurent les premiers occupants de ces territoires, où ils vivent depuis des temps immémoriaux. Nous réaffirmons ainsi notre engagement et notre responsabilité envers l’amélioration des relations entre les nations, notamment en approfondissant notre compréhension des peuples autochtones et de leur culture. Nous qui portons les histoires canadiennes et représentons le secteur touristique du Canada avons conscience de notre position d’influence et de l’importance de refléter la pluralité des voix et lieux de ces territoires. Ce document a été rédigé dans le souci d’honorer la pensée régénératrice et l’intendance au sein des cultures autochtones d’ici et d’ailleurs. Les modes d’existence régénérateurs sont, de par leur nature, plus holistiques, intégrés et respectueux de toute forme de vie. Ils s’inspirent de la sagesse qui est au cœur des nombreuses visions du monde des peuples autochtones. Les pages de ce document sont porteuses de notre humilité, de notre espoir et de notre désir de voir ce travail contribuer à la réconciliation à mesure que nos points de vue et nos actions convergent.
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INTRODUCTION
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par le développement d’expériences d’accueil et d’infrastructures qui prennent vie grâce aux histoires, aux savoirs et aux attentions d’ordre local; 3. la réalisation de ces actions de manière à favoriser les capacités d’épanouissement et la résilience des populations, des entreprises, des communautés et des systèmes écologiques. Comme les récits présentés dans ce document en témoigneront, ces nouvelles façons de faire permettent aux communautés, aux entreprises, aux écosystèmes et à l’esprit humain de se régénérer – de reprendre vie et de se rétablir. Sur cette base, il s’agit d’une invitation à entreprendre ensemble
Partout dans le monde, et ici même au Canada, de plus en plus de voix s’élèvent en faveur d’un tourisme qui privilégie les communautés et l’environnement. Ces voix, que l’on regroupe souvent comme mettant de l’avant une approche « régénératrice », sont issues de tous les horizons : des communautés, des voyageurs et du secteur touristique lui-même. Destination Canada a d’ailleurs lancé un important cri de ralliement à cet égard dans ses documents stratégiques récemment rendus publics ainsi qu’en appuyant le présent rapport. Pour aller de l’avant efficacement, une compréhension des questions suivantes sera essentielle : • Pourquoi réclame-t-on cette nouvelle approche? • Qu’entend-on par « régénératrice »? • Comment peut-on mettre en pratique la régénération dans le contexte du tourisme? S’appuyant sur des décennies d’expertise dans une gamme de secteurs, sur les recherches effectuées dans le monde et sur les renseignements émergents du secteur, ce document présente une vue d’ensemble et un cadre de base pour la régénération. Autre élément essentiel, il présente des cas réels et inspirants illustrant les étapes et le potentiel d’une telle approche. Il se termine par un glossaire à des fins de référence. En bref, ce document démontrera qu’une approche régénératrice en tourisme se base sur trois éléments : 1. l’établissement d’un rapport délibéré et significatif entre les gens et les lieux; 2. la mise en action de cette volonté partagée
une démarche dans nos propres régions, avec un soutien approprié et porteur à l’échelle nationale et régionale. Pour plusieurs, de nouvelles relations, de nouvelles aptitudes, de nouvelles façons de penser, une nouvelle terminologie et même une nouvelle perspective sur la vie seront nécessaires. Même si cela peut paraître ardu, il semblerait que ce soit exactement ce dont nous avons besoin en ce moment. Comme l’a remarqué l’anthropologue Margaret Mead : « Pour que l’espèce humaine évolue, la conversation doit s’approfondir ».
1. Voir La reconnaissance du tourisme au Canada : notre stratégie de relance et Le grand virage du tourisme : principales tendances qui dessinent l’avenir de l’industrie touristique au Canada.
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POURQUOI – GUIDE ET INSPIRATION : L’objectif principal de ce document est de susciter des réflexions, des discussions et des échanges de découvertes parmi les acteurs du secteur touristique et des secteurs qui ont des répercussions sur celui-ci ainsi que sur l’ensemble des personnes qui habitent les lieux.
POURQUOI UNE NOUVELLE APPROCHE?
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Le besoin d’une nouvelle approche en tourisme À très grande échelle, notre civilisation est confrontée à une myriade de défis : • une économie encore ébranlée par la pandémie; • le racisme systémique et les inégalités structurelles; • un contexte géopolitique divisé et menaçant à l’échelle mondiale; • une division sociale croissante au sein des communautés; • et, surtout, les crises climatiques et écologiques . 2
Dans ce contexte difficile, il est de plus en plus évident que, malgré tout le bien qu’il fait, le modèle sous-jacent en tourisme a besoin d’une transformation . Manifestement, le secteur ne peut plus mesurer son succès seulement en termes de volume et de recettes, aux dépens des populations locales et des lieux qui en subissent involontairement les répercussions nettes sans qu’on en tienne compte. Les communautés sont de plus en plus nombreuses à rejeter le développement incontrôlé du tourisme. Elles estiment que les approches actuelles sont trop souvent extractives et dégénératives, ce qui a pour effet de réduire la qualité de vie des résidents, de nuire à la santé des écosystèmes et d’affaiblir la culture locale et la communauté au profit de l’efficience et d’un gain d’échelle. Par ailleurs, les raisons sont nombreuses de considérer des approches différentes du point de vue des entreprises touristiques. Parmi les enjeux récurrents, notons la pénurie de main-d’œuvre, l’évolution des intérêts des consommateurs, la fragmentation des canaux de marketing, le développement des technologies numériques, la concurrence accrue pour attirer les clients et les investissements, la détérioration des tendances climatiques à l’échelle locale et la vulnérabilité aux
perturbations et aux changements perpétuels. Trop souvent, ces enjeux rendent difficile le maintien d’un objectif de rentabilité pour les entreprises touristiques. Enfin, les visiteurs eux-mêmes sont plus exigeants. Les études sont sans équivoque : il y a une hausse de la demande pour des expériences distinctives et respectueuses de l’environnement, qui enrichissent à la fois le visiteur et la communauté d’accueil. 4
SUJET DE RÉFLEXION : Comment le tourisme peut-il être un moteur ou un catalyseur du changement de cap qui est nécessaire?
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Évidemment, nous devons être honnêtes. Si nous prenons réellement en compte la science, il faudrait alors que chaque industrie et chaque secteur s’adresse au monde en disant avec conviction : « Voici nos aptitudes et nos ressources; comment pouvons-nous être utiles? »
2. Selon le rapport 2022 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « [l]es preuves scientifiques sont sans équivoque : les changements climatiques sont une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Tout retard supplémentaire dans l’action concertée au niveau mondial nous fera passer à côté d’une brève fenêtre nous permettant de garantir un avenir viable » (traduction libre). Objectifs de développement durable de l’ONU; système d’évaluation de bâtiments durables LEED du Conseil du bâtiment durable du Canada; certification « Living Building Challenge » de l’International Living Future Institute; système d’évaluation SITES de Sustainable Sites.
3. Par exemple, voir “Regenerative Tourism: The Natural Maturation of Sustainability” d’Anna Pollock ou Regenerative Tourism: A Conceptual Framework Leveraging Theory and Practice de Loretta Bellato, Niki Frantzeskaki et Christian A. Nygaard.
4. Idem.
Une vision du monde restreinte : une histoire de séparation et de fragmentation La source de ces nombreux problèmes découle en grande partie de la vision du monde qui sous-tend les approches actuelles. Si cela peut sembler abstrait et sans lien apparent avec les aspects les plus urgents et les plus concrets, les perspectives souvent cachées de notre vision du monde agissent comme un filtre par rapport à nos perceptions et, par conséquent, à nos actions. Ces perspectives dictent ce qu’on juge raisonnable et même possible. Elles modulent nos objectifs et, par le fait même, les résultats de nos activités. S’il s’avère essentiel de s’attaquer à la racine de nos défis, il convient d’abord de se pencher sur la vision du monde dominante au sein de la société, et de comprendre les solutions de rechange émergentes. En fait, il importe de reconnaître ce qui suit si nous espérons aller de l’avant : au cours des derniers siècles, et encore aujourd’hui, la société occidentale s’est en grande partie alignée sur une vision du monde qui prétend que nous sommes séparés de la nature et que notre existence n’est que concurrence et consommation. Tout dans le monde fonctionnerait comme une machine. Ce discours dominant laisse entendre que le « tout » n’est rien d’autre que la somme de ses parties et, par conséquent, qu’il est possible de décomposer toute chose en ses éléments constitutifs afin de la comprendre et de la contrôler. Seules la productivité et la rentabilité auraient de l’importance, et un gain d’échelle et une efficience seraient les seuls moyens raisonnables d’atteindre ces objectifs. Ce serait aussi simple que ça, à en croire le paradigme qui nous est enseigné depuis notre plus jeune âge.
L’influence de ce discours sur chaque aspect de la société est évidente. Le secteur touristique n’y fait pas exception, qu’on pense à la terminologie de « produit » et de « consommateur » ou encore à l’accent mis sur le volume et à la tendance au générique au nom de l’efficience et d’un gain d’échelle. Cela ne veut pas dire que la vision du monde dominante et ses approches n’ont rien de bon. Collectivement, nous découvrons toutefois que ce discours a des limites évidentes. Et celles-ci nous condamnent à une accumulation de conséquences dégénératives.
Vision du monde dominante
Le monde en tant que machine
Séparation et fragmentation
Le monde est simple et linéaire
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Commande, contrôle et prévisibilité
Solutions génériques
Intérêts personnels et mode transactionnel
OTTERCREEK WOODWORKS : D’ARTISAN À PORTE-PAROLE DE LA FORÊT (COMMUNAUTÉ RURALE ET PETITE VILLE)
David Schonberger est artisan et travailleur du bois. Il vend des planches à charcuterie et des meubles faits à la main. Jusqu’en 2018, Ottercreek Woodworks, son entreprise située à Tillsonburg en Ontario, n’avait aucune connexion apparente avec l’industrie du tourisme. Lassé de passer ses journées seul dans son atelier, David rêvait de tisser des liens plus personnels et plus profonds avec ses clients et sa communauté. Il avait aussi envie de partager son amour pour l’écosystème forestier de la région. Avec l’aide de Celes Davar, conseiller en expériences touristiques de l’entreprise Earth Rhythms en Nouvelle-Écosse, David a créé l’expérience « From Tree to Table: A Build-Your- Own Board Experience » (« De l’arbre à la table : fabriquez votre propre planche à charcuterie »). Durant cette expérience, il livre un récit ancré dans la tradition, la gratitude et la régénération du lieu. À leur arrivée, les participants se réunissent autour d’un feu de camp. Pendant que du bacon et des saucisses rissolent dans une poêle en fonte, David leur explique l’importance de l’écozone carolinienne du Canada. « Avant de travailler le bois d’un arbre qui a poussé dans cette région forestière, ils devraient d’abord apprendre à mieux la connaître », affirme David. Ils s’aventurent ensuite dans la forêt, où David les invite à toucher et à humer la terre pour découvrir le réseau de mycélium qui y vit depuis des temps immémoriaux. « Cette expérience nous donne l’occasion de retrouver le calme, de nous immerger totalement dans la forêt et de prendre conscience de ce qui nous entoure, ajoute-t-il. Le sentiment de gratitude et de sérénité qui nous envahit alors alimente notre créativité et, une fois de retour à l’atelier, nous pouvons nous
laisser inspirer de ce que nous avons vu dans la forêt. » Pour fabriquer leur planche à charcuterie, les participants choisissent une pièce de bois récoltée dans un rayon de 40 à 50 kilomètres de l’atelier. Ils utilisent une variété d’outils électriques, mais apprennent aussi à manier certains outils d’époque, dont les outils manuels du grand-père de David. « Je leur montre ainsi que je leur fais suffisamment confiance pour leur prêter mes outils. » À l’heure du lunch, les participants se rassemblent autour d’une table en pin blanc de cinq mètres que David a fabriquée spécialement pour l’expérience, où ils discutent et dégustent un repas qu’il a baptisé « the bounty of the county » (« le comté dans toute son abondance »). Au menu : des charcuteries artisanales, des fromages et divers aliments marinés « qui racontent l’histoire de la région ». La journée entière est ponctuée d’émotions et de surprises. Même s’ils sont de parfaits étrangers à leur arrivée le matin, avant la fin de la journée, les participants ont tissé des liens non seulement les uns avec les autres, mais aussi avec l’entreprise et la région. Ils se mêlent ainsi au tissu narratif du lieu. Pour David, l’expérience a mis au jour ses talents de narrateur et de guide. Chaque expérience « From Tree to Table » est unique, car elle lui donne l’occasion d’apprendre de ses invités autant qu’ils apprennent de lui. Elle l’a aussi aidé à mieux cerner sa raison d’être en tant que propriétaire d’entreprise et le motive à opérer un changement positif pour les gens et pour la planète. Il collabore maintenant avec d’autres entreprises de sa communauté, et sa relation avec la forêt est encore plus étroite qu’avant. L’expérience a aussi transformé Ottercreek Woodworks. En diversifiant son offre, l’entreprise
a créé une nouvelle source de recettes qui représente maintenant 20 % de son chiffre d’affaires. Elle a remporté de prestigieux prix, a été mise en vedette dans de grandes publications et est maintenant reconnue comme chef de file de son secteur. Enfin, l’expérience « From Tree to Table » est également transformatrice pour la région. Grâce à un partenariat avec la coalition Carolinian Canada, la vente de chaque billet finance la régénération d’une aire de huit mètres carrés de l’écozone carolinienne fragile. Selon David : « La régénération est la clé de l’avenir, et je crois que les gens privilégieront les expériences qui s’inscrivent dans cette approche lors du choix de leur destination. » Outcomes: • L’entreprise a diversifié sa gamme de produits et a créé une nouvelle source de recettes qui représente maintenant 20 % de son chiffre d’affaires. • L’activité a remporté le prix de l’expérience culinaire ontarienne de l’année 2019, le prix de l’expérience novatrice de l’année 2018 pour le Sud-Ouest de l’Ontario, ainsi que le prix de pionnier de l’année 2021 en matière de durabilité pour le Sud-Ouest de l’Ontario. • La vente de chaque planche aide la coalition Carolinian Canada à régénérer les écosystèmes forestiers fragiles de la région. À ce jour, ce partenaire de l’entreprise a planté plus de 800 arbres et régénéré une superficie de 5 000 mètres carrés.
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QU’ENTEND-ON PAR « REGÉNÉRATRICE »?
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Une vision du monde axée sur les systèmes vivants : une histoire d’intégration et de son ensemble Heureusement, un autre paradigme émerge progressivement. À bien des égards, on pourrait même dire qu’il réapparaît. Selon celui-ci, le monde n’est pas perçu comme une machine, mais bien comme un système écologique vivant dont les humains font partie intégrante. C’est de cette vision du monde que découle le concept de régénération. Après tout, seul le vivant peut se régénérer. Notre corps se régénère, tout comme les écosystèmes. C’est aussi le cas des unions de mariage, qui nécessitent sans cesse un renouveau et une régénération. Cette fonction est au cœur de tout système vivant, y compris les organisations, les communautés et les économies. En fait, la régénération peut être perçue comme synonyme de vitalité renouvelée et d’autoguérison. En plaçant ainsi la vie au centre des préoccupations, ce paradigme alternatif met en évidence l’interdépendance et la complexité inhérentes du monde vivant. Tout existe en relation avec tout le reste. Au lieu de mettre l’accent exclusivement sur des parties séparées, cette vision nous incite à interagir avec des systèmes entiers. Plus que de simples ingénieurs, nous sommes des jardiniers ou des gardiens des systèmes vivants dont nous faisons partie, y compris nos organisations et nos communautés. Sans mettre de côté la concurrence, l’efficience et la perspective, on nous invite aussi à reconnaître l’efficacité de la coopération ainsi que des capacités d’adaptation et de réaction locales. Le concept d’émergence est particulièrement important au sein de ce nouveau discours. Plutôt que de chercher à tout prévoir et à tout contrôler avec précision comme on pourrait le faire à l’aide de rouages et de boutons mécaniques, cette vision du monde nous encourage à être attentifs aux changements continus qui émergent autour de nous et à y répondre. Cette évolution peut se
faire de manière lente et progressive, ou soudaine et complètement imprévue, découlant des changements survenus précédemment. Comme l’a résumé John Lennon : « La vie est ce qui vous arrive pendant que vous êtes occupé à faire d’autres plans ». Quand nous cessons de voir la vie comme étant statique et immuable, nous entrons plus facilement dans une logique de relation, de participation, de développement et d’apprentissage. En fait, ce discours n’est pas totalement inédit. Le passage d’un discours mécaniste à un autre centré sur les systèmes vivants repose sur une prise de
conscience des visions du monde autochtones, lesquelles sont fondées sur de telles perspectives depuis des temps immémoriaux. Dans l’ensemble, la vision du monde qui sous-tend la régénération nous incite à nous considérer comme étant pleinement intégrés dans un monde vivant et évolutif. Dans cette optique, le but de nos activités est de prendre part à la revitalisation et à la guérison des écosystèmes et des relations humaines dont dépendent la communauté, l’économie et notre bien- être collectif.
Transition de la vision du monde
Vision mécaniste
Systèmes vivants
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Le monde en tant que machine
Le monde en tant que système écologique vivant
→
Separation & fragmentation
Intégration et entièreté
→
Le monde est simple et linéaire
Le monde est complexe et non linéaire
→
Commande, contrôle et prévisibilité
Création de conditions favorables et concept d’émergence
→
Solutions génériques
Réponses locales
→
Intérêts personnels et mode transactionnel
Mutualité et réciprocité
→
Le mouvement régénérateur En comprenant l’évolution des visions du monde, nous constatons que les voix qui s’élèvent en faveur de nouvelles approches en tourisme s’inscrivent dans un mouvement régénérateur plus large, apparu au cours des dernières décennies dans une gamme de secteurs comme l’agriculture, les affaires, l’architecture, la mode et l’urbanisme. Parmi ceux-ci, l’agriculture régénératrice est un exemple utile, dans lequel l’objet de la régénération est la vitalité du sol vivant et des écosystèmes élargis de la terre. Cette approche de l’agriculture reconnaît qu’un potentiel de vitalité existe au sein du sol en tant qu’écosystème vivant complexe; le rôle de l’agriculteur est de cultiver ce potentiel local unique, d’y réagir et d’y participer. Par la régénération du sol, la ferme et l’agriculteur peuvent prospérer. Une telle approche holistique et co-évolutive procure une variété d’avantages, notamment : • des aliments ayant une meilleure valeur nutritive;
SPECTRE DES VISIONS DU MONDE ET DES STRATÉGIES
LE MONDE EN TANT QUE MACHINE
LE MONDE EN TANT QUE SYSTÈME VIVANT
RÉGÉNÉRATIF Développement intégré Pensée en termes de systèmes vivants
Diminution de la vitalité, de la résilience et des capacités de production du système DÉGÉNÉRATIF
Augmentation de la vitalité, de la résilience et des capacités de production du système
ZÉRO NET
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Pensée réductionniste Développement en silos
• des coûts à la baisse; • des profits à la hausse;
CONVENTIONNEL
VERT
DURABLE
RÉPARATEUR
PROSPÈRE
• une lutte antiparasitaire naturelle; • une réduction de l’érosion du sol; • une vulnérabilité moindre aux sécheresses et aux inondations; • une restauration de la biodiversité; • une diminution des concentrations atmosphériques de carbone (une solution naturelle dans la lutte aux changements climatiques). Autrement dit, le résultat à terme est un écosystème qui se démarque par sa résilience et son abondance à tous les niveaux, y compris sur le plan économique.
Ce schéma nous aide à comprendre que nous devons continuer à « réduire les dommages » que nous causons. Minimiser les incidences négatives permettra à la vie de s’épanouir plus facilement. Mais ce n’est pas suffisant. Nous devons aussi nous engager sur la voie de la régénération. Cette trajectoire du design écologique illustre la transition d’une vision mécaniste du monde à une vision centrée sur les systèmes vivants. Cette transition peut être représentée par un spectre stratégique. Les approches conventionnelles prédominantes [présentées à gauche] sont les plus nuisibles et ont un effet « dégénératif » qui réduit la viabilité des écosystèmes et des communautés. Avec les approches dites « vertes », nous nous efforçons de minimiser les dommages par certaines actions comme la réduction de la pollution. C’est bien, mais nous continuons à polluer. Au centre du diagramme, les
approches durables, de la façon dont elles sont généralement mises en œuvre, consistent à accroître l’efficience des activités. En théorie, l’un des objectifs de la durabilité est de tendre vers l’absence de dommage. Malheureusement, l’absence de dommage est impossible. Pour cette raison, il est essentiel que nous nous engagions également à réparer les dommages que nous avons causés. Cela nous amène donc à la réparation et à la prospérité, autrement dit à la régénération, tout à droite dans le spectre. Quelle est l’ampleur des réparations nécessaires? Comment pouvons-nous continuer à régénérer notre relation avec les systèmes vivants dont nous faisons partie? Tout dépend de vous et du lieu où vous habitez. L’objectif est l’atteinte d’une saine diversité d’espèces et de relations. Comme la vie change et évolue, il faut régénérer ces relations en pleine conscience.
Une approche régénératrice en tourisme Dans le contexte du tourisme, nous devons régénérer la vitalité des lieux, des populations locales, des entreprises, des communautés et des systèmes écologiques complexes qui les sous-tendent. La régénération vise aussi la capacité du vivant à prospérer dans ces contextes. Comme pour le sol, le potentiel de vitalité existe dans n’importe quelle communauté et dans n’importe quel lieu. Le travail de régénération consiste donc à se concerter pour découvrir et cultiver ce potentiel en prenant soin mutuellement des gens et des lieux. Pour pratiquer la régénération de façon continue, il faut cultiver la communauté humaine et plus qu’humaine tel un terreau fertile afin de favoriser la santé et de générer de nouvelles possibilités. Exploitants d’entreprises touristiques, hôteliers, restaurateurs et résidents ont tous leur rôle à jouer dans la communauté et dans l’écosystème environnant au moyen des actions qu’ils posent déjà. Chaque produit, service ou contribution, tout comme le processus de développement de nouvelles offres novatrices, est une occasion d’approfondir les relations, de mieux se comprendre et d’apprendre à faire preuve de diligence et à faire sa part de manière originale et enrichissante. Il est important de noter que la régénération est une composante des communautés et des systèmes entiers en santé. C’est donc dire : • que le comportement d’un visiteur ne peut pas avoir seul la responsabilité de revitaliser nos communautés. Les communautés et les hôtes ont aussi un rôle à jouer. • qu’elle ne se limite pas non plus à l’offre d’une entreprise touristique en particulier.
La régénération ne peut pas se résumer à une simple action ou à une seule fonctionnalité d’un programme. Au contraire, les approches régénératrices sont l’occasion de former la communauté qui nous nourrira, celle-là même qui attirera et nourrira à son tour les visiteurs. Comme l’a écrit l’autrice et botaniste autochtone Robin Wall Kimmerer : « Tout épanouissement est mutuel ». Tirer parti des stratégies existantes Une telle approche ne vise pas à remplacer ou à rejeter les stratégies d’affaires existantes ou la recherche de profits. Le marketing sera toujours nécessaire, par exemple, bien qu’on puisse le repenser comme une invitation et le remanier de manière à offrir un nouveau degré d’authenticité. Les fonctions essentielles de la gestion d’une destination seront toujours nécessaires, bien qu’elles puissent être intégrées dans le concept plus large d’intendance (« stewardship », en anglais), et la responsabilité de celle-ci peut s’étendre à tous les membres de la communauté. La prospérité des entreprises sera toujours essentielle en raison de leur rattachement et de leur contribution à la richesse et au bien- être des communautés dans lesquelles elles exercent leurs activités, mais il sera nécessaire de la rendre plus délibérée et mieux intégrée. De même, il ne s’agit pas d’abandonner le tourisme communautaire, le tourisme durable ou l’écotourisme. Ces formes de tourisme contiennent toutes une facette du soin envers les populations et les lieux qui est au cœur des approches régénératrices, et elles continueront donc à être nécessaires. On peut toutefois se poser la question suivante : quel niveau d’exhaustivité pouvons-nous atteindre? Pouvons-nous générer efficacement
des avantages nets pour les populations et les lieux? Les approches régénératrices adoptent nécessairement une perspective holistique, ainsi que des principes et pratiques pour gérer collectivement les éléments vivants au sein de nos communautés. Toute approche moins exhaustive risque d’être fragmentée et de ne pas permettre à la communauté de réaliser son potentiel de prospérité. Résultats Comme c’est le cas en agriculture, les résultats d’une telle approche collective et centrée sur le soin porté à l’écosystème touristique sont nombreux et variés. Par exemple, nous constatons ce qui suit : • Chaque communauté d’accueil a le potentiel de développer son propre caractère et d’être cohérente, ce qui se répercute sur les résidents, attire et enrichit les visiteurs, et mobilise des ressources en soutien; • Partout, les gens sont capables de cultiver un accueil chaleureux envers leurs voisins et les visiteurs, même au-delà des différences et des conflits; • L’accueil et la sollicitude peuvent s’étendre à la terre elle-même, étant donné que les gens trouvent un sens à travailler ensemble pour régénérer les écosystèmes environnants et qu’ils en viennent à se sentir soutenus et accueillis par le lieu; • De ce « terreau fertile » émergent continuellement de nouveaux projets novateurs. Comme des plantes dans un sol renouvelé, les entreprises individuelles prospèrent. De plus, les diverses offres sont intégrées afin de multiplier les avantages .
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• À bien des égards, les communautés découvrent que les possibilités se multiplient lorsque l’on travaille ensemble et que l’on conjugue apprentissage, guérison, vitalité et potentiel. • Ainsi, le secteur touristique ne génère pas seulement des recettes brutes, mais aussi un « bénéfice net » pour les communautés, terme auquel elles donneront leur propre définition. Il procure également du bien-être aux hôtes comme aux visiteurs. • Sur cette base, les communautés développent la résilience nécessaire pour résister aux perturbations futures. Chaque lieu devient un chez-soi, pour les résidents et, temporairement, pour les visiteurs.
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ORILLIA : LE RÉCIT D’UN LIEU (PETITE VILLE RURALE)
Adaptation d’un texte de Michael Jones paru dans The Age of Thrivability
Au cours des dernières années, j’ai coprésidé deux tables rondes communautaires à Orillia, un milieu agricole dans la campagne ontarienne à 90 minutes au nord de Toronto, qui fut aussi à une époque un pôle industriel prospère. Nous avions notamment pour tâche de nous pencher sur la revitalisation du centre-ville d’Orillia, son développement économique, la planification événementielle et culturelle, ainsi que la conception d’infrastructures. Nous appuyant sur des discussions avec le public, des projets individuels et le soutien du personnel municipal, nous avons pu mettre l’accent sur le caractère unique de notre communauté et sur la façon de redéfinir notre rôle citoyen.
bien-aimée de Mariposa dans son livre Sunshine Sketches of a Little Town . Au beau milieu des grands bouleversements de la guerre et du développement industriel, Leacock a su donner vie à l’attrait pour des lieux qui ont préservé notre humanité commune. C’est ce qui a inspiré la création des tables rondes, une occasion d’imaginer comment le récit de ce lieu, tel que raconté par Leacock à travers celui de Mariposa, peut servir de référence pour mieux comprendre de nombreux projets communautaires. Nous avons ainsi réimaginé nos propres récits sous nos chapeaux d’anthropologues, révélant les histoires inédites, les artefacts oubliés et les sens cachés qui allaient servir de fondement pour le récit de cette communauté. Notre quête nous a aussi amenés à découvrir un autre récit de la région, plus ancien celui-là : le récit autochtone de Mnjikaning, qui signifie « rassemblement ». Pendant des millénaires, des gens de tous les horizons ont convergé à cet endroit pour discuter et jouir du sens de l’hospitalité des peuples qui y avaient élu domicile. Ils étaient les « gardiens des barrières à poissons », soit des barrages, qui se trouvent toujours à The Narrows. Cet endroit était aussi le point de rencontre entre la plaine calcaire et les lacs à brochets aux eaux chaudes et peu profondes au sud, ainsi que le granit profond et les lacs à truites aux eaux froides du bouclier précambrien au nord. Les peuples de Mnjikaning vivaient sur cette « terre du milieu », où ils devaient être maîtres de deux systèmes écologiques distincts.
L’imaginaire de Mariposa créé par Leacock ainsi que le récit autochtone de Mnjikaning ont forgé le récit narratif évocateur de notre communauté en tant que lieu de rencontre; une destination pour des conversations d’envergure mondiale et une occasion pour les visiteurs de développer leur potentiel créatif en prenant part à des expériences uniques à ce lieu. Notre vision sous-jacente était de créer une éthique et une culture d’accueil local. Cette vision nous a amenés à repenser notre nouvelle bibliothèque publique en tant qu’espace de rencontre et en tant que cœur physique de la communauté, un « lieu commun » où des personnes aux intérêts divers peuvent se rassembler et discuter. Elle nous a également incités à qualifier une partie de notre centre-ville de « quartier des arts », où se tiennent des festivals de musique et d’art. Nous sommes convaincus que l’avenir appartient aux communautés qui sont à l’écoute des récits, font preuve d’empathie, reconnaissent le talent artistique, s’ouvrent aux dialogues, démontrent leur originalité et partagent un sens commun, aspects qui expriment leur caractère unique et leurs forces.
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Ce faisant, nous étions accompagnés – en esprit, du moins – par l’humoriste canadien Stephen Leacock, qui, un siècle plus tôt, avait consigné ses observations sur la population d’Orillia pour ensuite les transposer au sein de la communauté imaginaire
COMMENT METTRE EN ŒUVRE LA RÉGÉNÉRATION?
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La régénération consiste essentiellement à rassembler les gens autour de ce qui leur tient à cœur (et pourrait leur tenir à cœur) dans un lieu, puis à les pousser à agir. Ce qui suit est un cadre de pratique de base avec un nombre de principes qui ont pour but de dynamiser un processus de régénération à n’importe quelle échelle, que ce soit dans un quartier, une ville entière ou tout un bassin versant. Ces principes offrent des « guides d’action » et aident à faire avancer notre objectif commun et à mettre en pratique nos valeurs. Il faut s’attendre à ce que le respect de ces principes soit ardu au début, mais progressivement enrichissant par la suite. Bien qu’il s’agisse d’un processus d’apprentissage non linéaire et itératif, il y a tout de même un point de départ naturel et une progression. Cependant, tout point de départ est un bon début. L’important est de commencer.
PRINCIPES DE LA PRATIQUE RÉGÉNÉRATRICE
4. Faire appel aux talents et aux passions des gens
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Apprendre, célébrer, adapter et approfondir
5. Pratiquer la bonne gestion et la cocréation
3. Cultiver un réseau de relations
2. . Imaginer un lieu comme un écosystème vivant
1. Comprendre l’échelle du lieu et travailler en conséquence
Principe no 1 : Comprendre l’échelle du lieu et travailler en conséquence
Le point de départ consiste à déterminer à quelle échelle se situe votre lieu entier, à la comprendre et à travailler en fonction de celle- ci. Il peut s’agir d’un chez-soi qu’on partage avec ses voisins, avec d’innombrables autres espèces, ainsi qu’avec la géologie, l’hydrologie, l’économie et la culture locales, entre autres. Le lieu est le plus grand système vivant qu’on peut gérer, selon une échelle qui nous est compréhensible et sur laquelle nous pouvons voir notre incidence. Comprendre nos lieux ainsi nous aide à mieux saisir leurs complexités et à mieux travailler avec celles-ci. Plus particulièrement, cela nous aide à voir que des systèmes entiers sont imbriqués les uns dans les autres : une personne existe au sein d’une entreprise, d’un quartier, d’un paysage, d’une ville, d’un bassin versant et d’une région. Tous ces systèmes, petits et grands, interagissent et, idéalement, chacun procure de la valeur et des avantages aux autres. Pour soutenir la capacité d’un système à prospérer et à se régénérer continuellement, il est essentiel de comprendre les avantages que chacun des systèmes imbriqués apporte aux autres. Ensuite, au lieu de se concentrer sur des problèmes isolés et fragmentés, ce qui entraîne inévitablement de nouveaux problèmes et des conséquences imprévues, la régénération nous amène à prendre en compte un contexte plus large avec toutes ses interrelations, donc à travailler de manière holistique.
Alors, comment pouvez-vous définir « l’entièreté » de votre lieu? • Prenez du recul, levez les yeux et scrutez le paysage – au-delà de vous-même, de votre entreprise ou de votre projet – pour avoir une vue d’ensemble du contexte et des relations qui peuvent être en jeu. • Demandez-vous : « Ici, c’est grand comment? » La plupart des gens au sein d’une communauté ou d’un lieu savent faire la différence entre « ici » et « là-bas ». Cette question peut nous aider à orienter notre réflexion sur les interconnexions parties prenantes et aspects du chez-soi. • Identifiez les limites naturelles (comme le quartier, la ville ou le bassin versant) à l’intérieur desquelles existent divers « participants » et diverses « activités », en comprenant qu’il y aura des flux entrants et sortants de ce tout, ainsi qu’une circulation à l’intérieur de celui-ci. Résultat de la mise en œuvre de ce principe : Vous aurez dessiné collectivement les contours de ce lieu. Il n’est pas nécessaire que ce soit parfait; vous pourrez toujours y revenir.
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Principe no 2 : Imaginer un lieu comme un écosystème vivant disposant d’un potentiel unique L’étape suivante consiste à codécouvrir le potentiel de vitalité de votre lieu en fonction de sa nature unique d’écosystème vivant. Il s’agit alors de toujours sur le potentiel inhérent des entités vivantes, lequel est ancré dans leur caractère
• Comme le conseille Anna Pollock, visionnaire en tourisme : « Demandez-vous ce qui, dans ce lieu, vous anime. Qu’est-ce qui vous permettrait de vous épanouir? Qu’est-ce qui permettrait à ce lieu de prospérer? » • Renseignez-vous sur l’histoire sociale, culturelle et économique. Essayez de repérer des tendances dans l’utilisation des terres, dans l’agriculture, dans le transport et dans les pratiques d’affaires. • Faites des recherches sur l’histoire naturelle du lieu au fil du temps, sur ses aspects géologiques, écologiques, culturels, économiques et autres. Penchez-vous sur les données en vous appuyant sur un système d’information géographique et des outils de cartographie des grappes, en plus d’information provenant des archives. Examinez les cartes et les photos aériennes pour voir les changements au fil du temps. Grâce à ce genre de réflexions et de discussions, vous commencerez à déceler l’amour et l’énergie qui existent dans votre lieu. Les gens voient, expérimentent et comprennent de mieux en mieux la façon particulière dont la vie « fonctionne » à cet endroit, et peuvent même « tomber amoureux » du lieu. C’est ce lien relationnel – quand on trouve un lieu auquel on tient et où l’on se sent bien – qui fait en sorte qu’on se sent chez soi dans un lieu. Résultat de la mise en œuvre de ce principe : Vous aurez une histoire succincte du lieu, qui prend racine dans son contexte géographique et culturel unique et qui incarne son essence ou sa nature intrinsèque. Autre aspect important, vous disposerez d’un réseau naissant de membres de la communauté qui connaissent le potentiel de ce lieu et l’évolution de son arc narratif.
unique. Chaque enfant possède un potentiel unique que nous encourageons et valorisons en tant que parents responsables; il en va de même pour le potentiel de nos villes et de nos lieux. C’est d’ailleurs une importante source d’espoir et d’inspiration pour cette approche. C’est ainsi que le concept d’essence s’exprime dans l’avenir. Puis, lorsqu’on œuvre pour assurer la santé de l’ensemble du système, les problèmes tendent à se résorber et à disparaître grâce à des actions porteuses et orientées vers l’avenir. Alors, comment faire pour comprendre le récit et le potentiel uniques de votre lieu? Vous devez rechercher les schémas de vie récurrents, qui définissent votre lieu, qui façonnent les habitants et que ceux-ci façonnent en retour. En fait, c’est comme apprendre à connaître les gens : nous recherchons les schémas récurrents qui révèlent leur tempérament et leurs passions. Selon la façon dont l’ensemble du système (le lieu) a réagi à diverses situations dans le passé, nous pouvons laisser les tendances et horizons plus larges nous orienter, tout en restant attentifs à ce qui peut émerger. Voici quelques façons de reconnaître ces schémas : • Communiquez avec des personnes qui connaissent l’histoire du lieu, notamment les aînés et les peuples autochtones; enregistrez leurs récits. • Posez les questions suivantes : Qu’est-ce que vous aimez de ce lieu? Quelles sont les histoires qui définissent ce lieu pour les personnes qui y vivent? Où emmenez-vous les visiteurs, et pourquoi? Écoutez l’histoire orale.
percevoir, de présenter et de concrétiser la vision de votre lieu dans son état le plus complet, le plus sain, le plus vivant et le plus évolutif. Autrement dit, on cherchera à rallier les parties prenantes autour d’un objectif commun possible et porteur pour ce lieu. Cette étape consiste à réunir des gens pour identifier une « essence » ou un récit qui distingue votre lieu, dans toute sa complexité et dans tout son dynamisme en tant que système vivant. Après tout, il n’existe pas deux lieux pareils. Comment et pourquoi, par exemple, Vancouver diffère-t-elle de Charlevoix? C’est cette façon de soutenir et de régénérer ce caractère unique qui déterminera la qualité de vie des résidents. Et c’est ce qui attirera les visiteurs qui aspirent à se faire accueillir par des gens qui comprennent la valeur de ce qu’ils sont et de qui ils sont. Lorsque nous parvenons à comprendre et à renforcer la nature authentique des personnes, des communautés et des écosystèmes locaux, nous puisons dans le génie propre à un lieu plutôt que de le minimiser en faisant appel à des solutions et des programmes génériques et uniformes. Le concept de « potentiel » est important ici. C’est ce qui n’existe pas encore, mais qui pourrait exister. Le développement du potentiel est une approche très différente de celle de la résolution de problèmes. Nos actions, si elles sont pensées en fonction des problèmes, sont étroitement régies par les décisions prises dans le passé, un peu comme si nous essayions de naviguer un bateau en se fiant à son sillage. Les résultats d’une telle approche ont tendance à être très graduels et à n’améliorer que légèrement ce qui existe déjà. En revanche, les approches régénératrices se fondent
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