Une approche régénératrice pour le tourisme au canada

En ce qui concerne la question de mesures, il est intéressant de noter que la racine du mot « comptabilité » est la même que celle du mot « raconter », soit partager une histoire, rendre compte. Il s’agit non pas de compter, mais plutôt de conter un récit au service d’une compréhension. Les mesures quantitatives ne reflètent qu’une partie de l’histoire, qui n’est habituellement pas la plus importante. Une version plus complète de la question « Comment allons-nous mesurer nos progrès? » est donc « Comment saurons-nous que nous favorisons la vitalité et la prospérité de notre lieu en tant que système vivant entier et dynamique, et ce, à de multiples niveaux? » C’est la question que chaque cercle d’intendance local, initiative communautaire et entreprise doit se poser. Voici un exemple simple de ce que cela peut comporter. AJ Javier, fondateur de CLC Canada, une école de langues basée à Montréal qui accueille des étudiants du monde entier, a noté certaines des manières dont il évalue le niveau de « prospérité » de son organisation : • Quel est le niveau d’attractivité? (« Les organisations prospères ont un certain magnétisme », dit-il.) Attirons-nous des personnes aimables et consciencieuses? • Les étudiants se sentent-ils plus éveillés? Ont-ils un sentiment d’appartenance? Arrivent-ils tôt? Restent-ils tard? Viennent-ils aux événements facultatifs? Ont-ils l’impression de contribuer à la communauté? • Est-il évident que nous valorisons l’équipe? Le personnel se sent-il écouté? Est-il autonome? Les professeurs rient-ils ensemble? Ont-ils des interactions sociales? Si le personnel est épanoui, les étudiants le ressentent.

Voilà quelques-uns des indicateurs qui lui permettent de savoir que les conditions sont réunies pour que la vie prospère à tous les niveaux : pour les élèves, pour le personnel, pour l’école elle-même et pour la communauté. Ce n’est pas un hasard s’il sent un lien étroit entre cet ensemble d’indicateurs et la rentabilité de l’école. Mais surtout, s’il essayait de mesurer ces indicateurs de manière quantitative, il risquerait d’annuler leur effet et pourrait même causer du tort. Imaginez par exemple qu’il tente de faire le suivi du nombre de fois où les professeurs rient ensemble, en consignant et en affichant les résultats chaque semaine. Il faut plutôt un rythme et un processus soutenu et collectif de réengagement, de réflexion et de réévaluation, ainsi que d’observation, d’évaluation et d’adaptation. Autrement dit, il faut se demander si nous vivons bien notre histoire et si nous apprenons quelque chose de ce processus. En effectuant ainsi un suivi quantitatif et qualitatif de notre lieu, nous devons également porter attention aux relations entre les systèmes de petite et de grande envergure. Rien n’existe hors du contexte qui l’entoure; un échange constant de valeur et de ressources fait en sorte que la vie continue. C’est pourquoi nous devons tenir compte de l’effet de nos actions dans des domaines aussi vastes que restreints et sur de nombreuses années. Par exemple, un restaurant peut vouloir obtenir une certification de bâtiment durable (comme une certification LEED); cependant, le bâtiment et les services qui y sont offerts sont interreliés. Nous serons donc aussi amenés à nous demander : d’où viennent les aliments, peuvent-ils être cultivés localement, pouvons-nous soutenir les agriculteurs locaux, les banques locales offrent-elles un soutien aux entreprises agricoles en démarrage, qui peut fournir de l’aide par rapport à la culture du sol et aux techniques agricoles régénératrices associées, comment les aliments sont-ils envoyés au restaurant, etc. Il n’est pas nécessaire de

couvrir tous les liens, mais le fait d’en prendre conscience nous aidera à bâtir une économie, une communauté et un écosystème plus forts et résilients. Soyons clairs, les mesures quantitatives traditionnelles liées au rendement économique et commercial demeurent importantes. Toutefois, l’intendance régénératrice requiert un suivi continu d’un ensemble encore plus riche d’indicateurs, tant quantitatifs que qualitatifs, tenant compte de la dynamique du système dans son ensemble. Ainsi, nous pouvons constater qu’une stratégie régénératrice mise sur la pratique, l’apprentissage et le développement continus. On doit donc repérer les changements de comportement des personnes et des écosystèmes; remarquer les marqueurs de progrès ainsi que les indicateurs précoces qui indiquent que nous ne sommes pas sur la bonne voie; observer les tendances et suivre le rythme des changements; s’appuyer sur de multiples perspectives; et s’ouvrir à la surprise, à l’intuition et à la complexité. Il faut aussi se concerter pour identifier les plus grands facteurs de vitalité, de possibilités et de nouvelles capacités, et emprunter cette voie collectivement. Ainsi, nous pouvons adapter en conséquence nos façons d’améliorer la santé et la diversité de nos lieux et des personnes afin que l’histoire de notre lieu se développe de façon toujours plus cohérente.

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