FNH N° 1030

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 8 JUILLET 2021

www.fnh.ma

Petit aperçu de quelques récentes œuvres de Simohammed Fettaka. A gauche : «Réflexion d'un corps ano- nyme 1», une impression sur papier coton et découpe d'aluminium dibond. A droite (de haut en bas) : des acryliques sur toile, «constat 1» ; «Mechta» ; «La» et le tryptique «Non».

font montre dans l’interprétation de la lumière et le maniement de la couleur. Dans les lieux, s'imposent des œuvres qui démultiplient l'effet d'étrangeté. Ce qu’on voit dans son installation murale «Ceinture 2, 2021», ce qu’il expose et donne en pâture à nous, public, n’est souvent que l’indice, ou le fossile de toute une histoire sous-jacente qui s’est déroulée autrefois. Cette ceinture en cuir avec des sculptures de bananes en céramique, illustre parfaitement celle que Majorelle faisait porter à ses modèles «pour qu’elles dansent avec» . Simohammed Fettaka s’est évertué à extraire l’essentiel, à savoir tous les clichés véhiculés, les mises en scènes douteuses, pour montrer ces choses en tant que telles, séparées du reste. «Sommes-nous toujours ces corps dis- ponibles et fantasmés par l’Occident ? Peut-il encore nous peindre et nous dépeindre comme il le veut, et donc nous voir et nous montrer comme il le veut ? » , se demande l’artiste. D’un étage à l’autre. D’un immeuble à l’autre. Nous nous perdons délibéré- ment entre les couloirs des apparte- ments. Nous avons cru que l’établisse- ment ne commercialisait plus d’explo- sifs, et ce n’est uniquement en ressor- tant que l’on se rend compte que cela a pris une autre forme. Le travail de Simohammed Fettaka est une bombe ! ( à suivre sur : www : fnh.ma). ◆

s’érigeant sur deux immeublesmitoyens de deux étages. En songeant à lever les yeux vers le ciel, nous aperçûmes une enseigne sur laquelle sont ins- crites ces lettres intrigantes: Comptoir des Mines Galerie . Notre curiosité est immédiatement piquée. Satisfaite, aus- sitôt ! Il suffisait d'emprunter l’escalier, pour qu’une belle et jeune dame nous reçoive, le sourire enjôleur, et fasse le pitch rapidement : construit en 1932, il s’y logeait une entreprise spéciali- sée dans le commerce du matériel de construction et les explosifs pour la recherche minière. Abandonné, puis redécouvert lors des Biennales de Marrakech. «L'blassa», comme le sur- nomme Hassan Hajjaj, est aujourd’hui occupé(e) par la Compagnie Marocaine des Objets et Œuvres d’Art (CMOOA) depuis 2016... Soit. Il est incontestable qu’avec son dernier travail, exposé jusqu’au 8 octobre à côté de ses travaux anté- rieurs, Simohammed Fettaka fait souf- fler un vent frais. Et de fraîcheur, il était grand besoin par ces temps caniculaires. Le mec cool et déjanté se déjoue tout naturellement des codes, donne à voir des choses - assez - insolites. Dupe envers un médium, un thème ou un sujet - mais inséparable. Il ne cesse d’explorer les pistes. Les brouiller, même, pour ouvrir le champ des possibles. Il s'exprime

moyennant différentes disciplines : photographie, vidéo, peinture, collages (ouf !). Aléatoirement choisis, treize des quatre- vingt tableaux intitulés Négresses nues de Jacques Majorelle, ont été dépistés, affleurés, sublimés et enfin (ré)enfer- més dans le temps : des miroirs cou- pés, prenant la forme desdites femmes érotisées, capturées dans des postures tellement lascives et affairées - têtes penchées à l’arrière, mains dans tous les sens -, renvoient au regardant que son propre reflet. Les corps affalés, seins dressés, fesses mises à nues peuplant la peinture orientaliste se retrouvent dissimulés, faussés, cachés. Hommage donc à ces femmes, vic- times d’un projet d’une peinture devant faire croire à une représentation « réa- liste» , à la vérité de la mise en scène de l’Oriental farouche ou de la musulmane soumise; victime d’un «Orient» de bric et de broc où le décor ne paraît étran- ger, aux yeux de l’Occidental, que pour mieux cacher ses propres désirs incar- nés. Parmi lesquels : voir les femmes réduites à l’état d’odalisques, passant leur temps recluses dans un harem, ou à se faire belles pour séduire... A la décharge du truquage délibéré, on invoquera volontiers la puissance expressive des œuvres, l’irrésistible sensualité que celles-ci exhalent, puis la virtuosité dont certains peintres

Il est incon- testable qu’avec son dernier tra- vail, exposé jusqu’au 08 octobre à côté de ses travaux antérieurs, Simohammed

Fettaka fait souffler un vent frais.

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