FNH N° 1128

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CULTURE

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JEUDI 9 & VENDREDI 10 NOVEMBRE 2023

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Abdelkader Lagtaâ

◆ Abdelkader Lagtaâ est un cinéaste marocain contemporain dont le travail cinématographique mérite une reconnaissance profonde et réfléchie. À l'occasion de la 23 ème édition du Festival national du film à Tanger en 2023, un hommage a été rendu à ce grand réalisateur qui a marqué le cinéma marocain et international. Portrait d'un cinéaste de la modernité

l'histoire d'un photographe nommé Najib, dont l'amour est entravé par l'autorité paternelle, menant à une impasse tra- gique. Cette thématique de l'oppression se poursuit dans « Face à face (2004) », où Kamal, en quête de mémoire, s'isole mentalement du monde extérieur. Lagtaâ explore la nécessité de l'individu de se libérer de ses propres démons pour accéder à l'émancipation.

Le cinéma de Lagtaâ est une ode à la modernité. Il met en scène des personnages en quête de liberté, d'individualisme et d'universa- lisme. Il illustre la citation d'Alain, selon laquelle « c'est toujours dans l'individu que l'humanité se

Ewa Partum et Abdelkader Lagtaa, Bureau de la Poésie Andrzej Partum, Varsovie, 1973, Archives Andrzej Partum, Galerie Monopol.

retrouve ». Cette philosophie transparaît dans des films tels que « La moitié du ciel (2014) », où des femmes de prisonniers politiques chantent à leur sortie de pri- son, symbolisant une résistance humble et l'humanité au cœur d'un contexte poli- tique difficile. Cependant, le chemin vers l'émancipa- tion est semé d'embûches. Lagtaâ sou- ligne que l'individu doit surmonter non seulement les barrières sociales, mais aussi celles de sa propre idiosyncrasie pour atteindre l'émancipation. Le per- sonnage de Saïd dans « La porte close (1998 )» incarne ce dilemme : malgré son évasion de l'emprise de sa belle-mère, il demeure prisonnier de ses propres choix. Ce conflit entre l'individu et la société est le fil conducteur de l'œuvre de Lagtaâ. L'artiste explore la modernité à travers le prisme du désenchantement du monde. Ses personnages sont marqués par des cicatrices et des blessures, évoluant dans un univers en quête perpétuelle. Ses films ne cherchent pas à résoudre les problèmes de manière définitive, mais à ouvrir des voies de réflexion. C'est particulièrement évident dans la scène finale de « La moitié du ciel », où Jocelyne retourne vers son mari fraîchement libé-

la revue «Souffles» fondée par Abdellatif Laabi en 1966. Son corpus cinématographique com- prend six longs métrages, un docu- mentaire sur la liberté d'expression au cinéma, ainsi que des courts métrages thématiques dédiés à la peinture, entre autres. Bien que chacun de ses films ait une intrigue distincte, une cohérence sous-tend toutes ses œuvres : la tra- gédie existentielle urbaine. Ses films plongent profondément dans la condi- tion humaine, explorant la complexité des vies individuelles confrontées à une société imprégnée de compromission, de mensonges et d'hypocrisie. Réalités humaines Le désir d'émancipation individuelle constitue un thème récurrent dans le travail de Lagtaâ. Ses films révèlent com- ment l'individu est souvent opprimé, que ce soit par des contraintes socio- politiques ou par des normes familiales patriarcales. Son premier long métrage, « Un Amour à Casablanca (1991) », narre

A bdelkader Lagtaâ est un artiste polymorphe dont l'influence s'étend sur les domaines du cinéma et de la poésie. Né à Casablanca en 1948, il est reconnu comme l'un des cinéastes et poètes les plus novateurs du Maroc contemporain. Sa carrière artistique s'étend sur des décennies, révélant une créativité multidisciplinaire remarquable. À travers un corpus ciné- matographique réduit mais puissant, il a capturé la complexité de la condition humaine dans un monde en mutation. Lagtaâ a amorcé son parcours en étu- diant le cinéma à Lodz, en Pologne, devenant ainsi le premier Marocain à intégrer l'École nationale de cinéma de Lodz en 1968. Cette étape a marqué le début d'une carrière cinématographique exceptionnelle. Au fil des années, il a exploré diverses facettes de l'art, deve- nant tour à tour scénariste, cinéaste, écrivain, poète, et même contributeur à Par R. K. Houdaïfa

À travers un corpus

cinématogra- phique réduit mais puis- sant, Lagtaâ a capturé la complexité de la condi- tion humaine dans un

monde en mutation.

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