Ère magazine édition août 2025

I Il est à peine assis qu’il a déjà allumé son ordinateur. A l’écran apparaissent des tableaux, des graphiques, des cartes qui racontent en chiffres son incroyable aventure débutée en 2013 : La Vie en Jaune. En ce 28 mai 2025, Pascal Bourquin a déjà effectué 29 957 km, soit 45 % de son projet consistant à parcourir tous les sentiers pédestres balisés de Suisse : « J’ai un peu d’avance sur mon planning, mais je pré- fère avoir de la marge en cas de pépin », précise ce journaliste jurassien pour qui l’exactitude n’est pas un vain mot. Et des pépins, il en a eu quelques-uns... Il y a dix ans, un cancer de la thyroïde le freine durant trois semaines. En 2022, une opéra- tion à cœur ouvert le contraint à un mois de réadaptation à la clinique spécialisée Le Noirmont. « Je montais deux marches et j’avais l’impression de gravir le Mont-Blanc. J’ai perdu 400 km sur ma moyenne annuelle de 2500 km », glisse-t-il comme s’il évoquait le souvenir d’un mauvais rhume. Habitué à une discipline exigeante, Pascal Bourquin réalise encore davantage l’importance de soigner sa condition physique. LA RETRAITE POUR FINALISER Entre son emploi à 100 % sur quatre jours au Quotidien Jurassien et son quadrillage du pays, à pied, deux jours par semaine, Pascal Bourquin a peu de place pour d’autres activités. C’est pourquoi, à 59 ans, il se prépare à prendre une retraite anticipée. Mais pour ce suractif aux ten- dances Asperger assumées, quitter le monde du travail ne s’envisage qu’après s’être assuré de le faire dans de bonnes conditions. « J’ai fait mes calculs pour être certain que mon choix n’impactera pas négativement mes finances. Sans cela, je serais trop angoissé pour mener à bien mon projet », confie le futur jeune retraité qui se définit lui-même comme une personne très carrée, anxieuse et amatrice de défis.

▲ Une certitude pour le Jurassien qui veut explorer tous les chemins pédestres du pays : son prochain passage à la retraite se fera en marchant.

Autant de caractéristiques qui se révèlent être des qualités dans la réussite d’un parcours de vie atypique, qui n’a pas échappé à des décep- tions personnelles et professionnelles. « J’en ai eu dans chacun de ces domaines », évoque- t-il en soulignant que sa pratique intense de la marche et son contact avec la nature l’ont énormément enrichi. « J’ai compris que j’avais le droit d’exister sans réaliser d’exploits. Dans toutes ses imperfections, la nature s’inscrit au présent. C’est très inspirant. » Et la vitesse à laquelle l’environnement change n’échappe pas non plus au regard perspicace du résident de Moutier, qui s’en émeut. ADAPTER SON REGARD Au fil des ans, la motivation de Pascal Bourquin a évolué. Envisagée à l’origine comme un pur challenge sportif, son aventure s’apparente dé- sormais davantage à une suite de rencontres vivifiantes, que ce soit lors des conférences qu’il donne, ou à travers les échanges qu’il entretient avec les quelque 25 000 fans qui le suivent sur les réseaux sociaux. S’il publie volontiers des photos de ses randonnées, ne lui demandez surtout pas laquelle il préfère. L’essentiel pour lui réside dans l’effet « wow ». Son regard décalé capture à merveille le petit truc en plus saisi sur le vif. Souvent, celui-ci se manifeste lorsqu’on s’y attend le moins, lorsque les conditions météorologiques sont les moins favorables comme sur ce souvenir pellicule du Zwischbergental, au-dessus de Gondo. « Il faisait franchement moche, mais ce que j’ai ressenti à cet instant était lumineux. »

« J’ai un peu d’avance sur mon planning, mais je préfère avoir de la marge en cas de pépin.» Pascal Bourquin Marcheur amoureux de la nature

22 août 2025 - èremagazine

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