Finances News Hebdo N° 1052

JEUDI 27 JANVIER 2022 /

FINANCES NEWS HEBDO

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SPÉCIAL BANQUES

on prend une définition élargie, à savoir tout opérateur appliquant la technologie à la finance, des acteurs internationaux comme Visa et Mastercard ou locaux comme le CMI ou M2M, qui offrent des solutions en B-to-B- to-C, en sont une parfaite illustration. La rela- tion entre les banques et ce type d’opérateur est vouée à s’accélérer de façon significative dans les prochaines années. Leur expérience mondiale, leur savoir-faire et la panoplie innovante de services et de produits qu’ils proposent, peuvent permettre aux banques marocaines de moderniser leurs offres et d’élargir leur spectre d’action. La toute jeune plateforme de paiement par smartphone «CIH Pay», construite sur la technologie de «tokenisation» de MasterCard, est un cas d’usage qui va s’intensifier. F.N.H. : Selon vous, l’arrivée des banques 100% digitales ne consti- tue-t-elle pas une grande menace pour les établissements bancaires classiques ? Y. F. : Je ne vois pas une banque digi- tale «indépendante» voir le jour d’ici peu au Maroc. Les barrières réglementaires sont trop importantes, la licence bancaire est à la fois contraignante et coûteuse et, si vous couplez cela à une petite taille du marché, le business model s’écroule. En revanche, ce qui est plus plausible, c’est de voir une banque majeure de la place créer une banque purement digi- tale semi-indépendante, proche de l’exemple de Hello Bank (BNP Paribas) en France. La banque majeure en question capitalisera sur son savoir-faire, tout en misant sur l’inno- vation technologique et un portefeuille de clients existants. Ce qui permet de créer une culture d’entreprise agile et digitale-native, en offrant des services fluides ou encore en se focalisant sur une cible sociodémographique précise. Ainsi, on pourrait voir la naissance d’une banque digitale «made in Morocco». Connaissant le succès de nos groupes ban- caires en Afrique, ils pourraient se servir des canaux existants pour «scale» (monter en échelle) la banque digitale sur d’autres géo- graphies du continent. Encore faudrait-il en avoir l’audace et la vision. Ceci nous ramène à la question plus fon- damentale du rôle des banques dans le déploiement d’innovation en B-to-C à l’échelle stratégique. Les banques tradition- nelles consommatrices de technologie, mais de là à ce que l’innovation fasse partie de leur ADN, ceci est une autre histoire. C’est l’une des raisons pour lesquelles les fintech, sur les marchés plus ouverts, ont réussi à

La relation entre une Fintech et le secteur bancaire est déterminée par sa nature.

concret s’impose. Le Maroc sera scruté de très près sur sa posture et sera perçu soit comme avant-gardiste ou conservateur dans sa vision crypto; il devra osciller entre progrès technologique et stabilité économique, ce qui n’est pas chose aisée. Quant au sujet des CBDC, pas besoin de regarder loin pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. De la Chine au Nigeria en passant par le Ghana, des CBDC sont soit déjà lancées ou à un stade avancé de déploiement. En ce sens, le Maroc aurait tout intérêt à accélérer leur développement et ce, pour les mêmes raisons que les autres Banques centrales à travers le monde : le cash coûte cher ! Hormis ce qui échappe au fisc, toute la chaîne de valeur liée au cash est problématique : il faut imprimer les billets (papier, machines, maintenance, main-d’œuvre), les entreposer, les déplacer, les sécuriser, parer la contrefaçon etc., le tout pour la bagatelle de près de 1% du PIB. Ceci n'inclut pas le coût économique et sociétal difficilement mesurable des trafics en tout genre qui se rémunèrent en liquide. Une mon- naie digitale peut être relayée en une fraction de seconde, utilisable avec un smartphone et surtout contrôlable. Reste alors la question de son usage. Il faudrait que le gouvernement, avec l’aide de la Banque centrale et des acteurs privés, puisse trouver un juste milieu entre des mesures incitatives d’envergure et une politique plus restrictive sur le cash. Bank Al-Maghrib est notoirement connue pour ses compétences et elle peut se rapprocher de partenaires technologiques pour monter ceci en un temps record. L’adoption d’un Dirham digital n’est alors qu’une question de volonté politico-économique, qui doit être pensée dans un contexte transnational pour profiter au développement du pays. ◆

prendre des parts de marché à une vitesse vertigineuse. L’agilité de ces opérateurs d’un nouveau genre, la rupture qu’elle engendre, leur accès massif aux capitaux et leur culture technologique, pour ne citer que quelques attributs, ont complètement pris de court les banques qui, structurellement, prennent plus de temps à s’organiser pour saisir (ou créer) de nouvelles opportunités. L’investissement dans les nouvelles technologies, leur réorga- nisation ou encore les acquisitions de start- up sont devenues pour elles une question de survie. Nous ne sommes pas dans cette configuration au Maroc, notamment à cause de la barrière réglementaire, mais ceci devrait tout de même pousser les banques de la place à se repenser et à offrir aux citoyens et aux entreprises marocaines des services financiers à la pointe de la technologie. F.N.H. : Dans la même veine que l’in- térêt national porté aux Fintech, que pensez-vous de l’avenir des crypto- monnaies au Maroc et de l’adoption un jour d’une devise électronique de la Banque centrale ? Y. F. : Il ne faut pas confondre cadre régle- mentaire des crypto-monnaies avec la mise en place d’une monnaie digitale de Banque centrale (Central Bank Digital Currency/ CBDC), même si les deux sont souvent liées. En ce qui concerne le premier sujet, l’annonce de la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a créé une onde de choc dans la communauté crypto. Il faut dire que les chiffres sur le taux de pénétration du Bitcoin au sein de la population maro- caine sont devenus trop importants pour être ignorés. Avec plus de 1% des Marocains qui disent en détenir, pour l’État un encadrement

Il ne faut pas confondre cadre régle- mentaire des cryptomon- naies avec la mise en place d’une mon- naie digitale de Banque centrale.

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