Finances News Hebdo N° 1052

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 27 JANVIER 2022

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La Russie a-t-elle les finances pour faire la guerre ?

Mais ce que l’histoire nous apprend, c’est que la guerre ce n’est pas simplement les obus et les munitions; la guerre c’est d’abord une histoire d’argent. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Alors, la Russie a-t-elle les moyens financiers de se permettre une guerre ? La question est d’autant plus importante que les Occidentaux ont clairement déclaré qu’ils n’interviendraient pas militairement pour défendre l’Ukraine. En cas d’invasion, ils ont promis de rétorquer en lançant des «sanc- tions économiques massives sans précédent» , selon les dires de Boris Johnson. Cela rend la question encore plus légitime : la Russie a-t-elle les reins solides pour supporter ces retombées financières ? Force est de reconnaitre que l’économie russe se porte plutôt bien. La Russie a en réalité ren- forcé son indépendance économique depuis 2014 (date à laquelle une première série de sanctions économiques avait été imposée suite à l’invasion de la Crimée). Preuve en est la résilience du pays pendant la crise du Covid, avec un PIB réel qui n’a reculé que de -2,9% en 2020. L’inflation est maîtrisée à 4,8% en 2022. La Russie poursuit une poli- tique budgétaire très prudente : un excédent de 3% du PIB en 2018 et de 2% en 2019, un déficit de -4% en 2020 et de -0,5% en 2021, et à présent un nouvel excédent budgétaire de 0,1% du PIB attendu pour 2022 (prévu avant l’emballement militaire que nous vivons). Cette politique budgétaire a permis à la Russie de contenir sa dette publique, qui s’élève à seulement 18% du PIB. Non seulement l’Etat est peu endetté, ce qui lui laisse une grande marge financière, mais la part détenue par les investisseurs étrangers a baissé de 35% en 2020 à 20% aujourd’hui. Cela rend le pays moins dépendant de l’étranger. Grâce à l’en- volée du prix du pétrole, le fonds souverain a renforcé ses actifs, passant de 60 milliards de dollars en 2019 à 190 milliards aujourd’hui. Les réserves de change détenues par la Banque centrale ont progressé de +70% depuis 2015 pour atteindre 620 milliards de dollars. La balance courante du pays est excédentaire à 4,4% du PIB. La Russie a donc de solides atouts financiers dans son jeu. Les marchés financiers russes se sont naturel- lement alarmés. Le marché boursier a baissé de -18% depuis début janvier, et de -31% depuis 3 mois. La courbe des taux s’est inversée : les taux sur le court terme sont supérieurs aux taux sur le long terme, ce qui

dominé par les Chinois, et l’axe d’Europe orientale dominé par les Russes. Dans la conception russe, ce nouvel ordre requiert que chaque puissance respecte les limites de l’autre, et ne tente pas d’influer sur sa zone. La Russie tente ainsi d’inscrire un précédent : faire respecter sa zone d’influence. Si la Russie réussit cela, cela marquera une progression sans retour vers ce monde multi- polaire. Demain, la Chine sera tentée de suivre la même démarche musclée pour régler le dif- férend autour de Taiwan. Le Japon et la Corée du Sud, longtemps alliés des Américains pour assurer leur protection, changeront certaine- ment de camp en se rapprochant de la Chine, faisant basculer l’axe pacifique. La Russie dispose de moyens militaires impressionnants. Avec 1 million de soldats et 2 millions de réservistes, 1.531 avions de chasse, 538 hélicoptères de combat, 13.000 chars, 214 vaisseaux de guerre (dont 64 sous- marins), l’armée russe est sans aucun doute, l’une des plus sophistiquées au monde. De l’autre côté, l’armée ukrainienne s’est profes- sionnalisée depuis l’invasion de la Crimée en 2014, en recevant de la formation et 2,5 mil- liards de dollars d’aide des Américains, ainsi qu’en armant les civils en vue d’une guérilla urbaine. Les Ukrainiens promettent qu’ils ne jetteront pas l’éponge en 4 jours, comme ce fut le cas en 2014.

L’ Europe est sur le point de s’em- braser. La Russie a amassé plus de 100.000 hommes à sa fron- tière avec l’Ukraine, et demande des engagements concrets pour freiner l’expansion de l’OTAN. Cette organi- sation créée pendant la guerre froide pour protéger le continent d’une invasion russe, a embarqué progressivement de nouveaux membres. Mais la Russie est sérieusement dérangée par la poursuite de cette expansion. Elle demande clairement que l’Otan s’engage à ne jamais intégrer l’Ukraine. Les Américains et les Européens sont tiraillés, entre accep- ter les demandes russes pour amorcer une désescalade militaire, et soutenir un ex-pays de l’URSS qui souhaite échapper à l’influence russe. Pourquoi cette confrontation est dan- gereuse et aucun camp ne semble céder du terrain ? Car elle amorce ce que sera le nouvel ordre mondial. En effet, les Etats-Unis, hyperpuissance glo- bale du XXI ème siècle, sont en repli, incapables de jouer encore le premier rôle omniprésent que tous les empires finissent un jour par abandonner. Le nouvel ordre mondial qui se dessine est un ordre multipolaire, avec des zones distinctes d’influence. L’axe atlantique dominé par les Américains, l’axe pacifique Par Omar Fassal *

La politique budgétaire a permis à

la Russie de conte-

nir sa dette publique, ce qui lui laisse une grande marge finan- cière.

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