Finances News Hebdo N° 1052

T RIBUNE LIBRE

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JEUDI 27 JANVIER 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Partie 3 : Les conditions ne sont que partiellement réunies pour un flottement du Dirham Quels prérequis pour un régime flottant et sont-ils remplis par le Maroc ? A près avoir passé en revue dans le premier article de la série les conditions générales à remplir par une économie avant de passer à un régime flot- tant, et abordé dans le second article le cas du Maroc, en examinant sa situation économique, Par Amine El Bied, MBA, PhD Économiste, Expert en Finance et Stratégie Cet article est le troisième d’une série sur les prérequis du régime flottant

pour un passage à un régime de change flottant ne sont que partiellement réunies. Pas tous les prérequis sont aujourd’hui satisfaits. Il y a encore des faiblesses intrin- sèques à l’économie marocaine, comme la trop grande dépendance au secteur agricole, aux aléas du climat, le caractère structurel du déficit de la balance commerciale, le poids des produits énergétiques dans les importations, la dégradation récurrente du déficit budgétaire, le niveau élevé de la dette publique par rapport au PIB, le déficit de liquidité bancaire, le manque d’assimilation des réformes par les opérateurs et leur manque de connaissances des instruments de couverture, la dégradation du marché de l’emploi et la montée du chômage.

nous dressons dans ce troisième article un constat : les conditions pour un flottement du Dirham ne sont que par- tiellement réunies. Pas tous les prérequis sont aujourd’hui satisfaits par le Maroc pour l’instauration du régime flottant.

Synthèse des conditions remplies ou non par le Maroc

Une autre condition, externe au Maroc, et qui n’est pas non plus remplie aujourd’hui

La croissance économique au Maroc montre une certaine stabilité, mais l’économie reste dépendante du secteur agricole et des aléas du climat et de la pluviométrie. Bien qu’elle ait été impactée par la crise sanitaire en 2020, l’économie s’est montrée résiliente, grâce à sa diversifi- cation et aux réformes structurelles qui ont été menées. La progression du PIB serait de 42,73% d’ici 2026 selon le FMI. L’inflation de son côté est restée sous contrôle et à un niveau bas, malgré la crise sanitaire. On pouvait s’attendre aussi dans ce contexte à une dégradation de la balance des paiements, mais cela n’a pas été le cas, grâce notamment à la baisse des importations liées à la baisse des cours des produits énergétiques, et à la résilience des transferts MRE. Mais bien que le déficit de la balance commerciale se soit allégé, il reste structurel. La crise a eu en revanche un impact sur les recettes touristiques à cause de la chute de la demande étrangère. Le flux net des investissements directs étrangers au Maroc a été, quant à lui, quasiment stable. Les postes de la balance de paiement sont donc assez irréguliers, même s’ils montrent, à part les recettes touristiques, une certaine résilience face à la crise. Le déficit budgétaire s’est dégradé en 2020, mais est resté maîtrisé si l’on tient compte du contexte de crise. Cette dégradation est cependant récurrente dans l’histoire économique du Maroc. Le Maroc a aussi toujours cherché à maîtriser sa dette extérieure, mais avec cette crise sanitaire, il s’est retrouvé avec une dette publique de près de 80% du PIB (77,6% du PIB en 2020), ce qui laisse peu de marge pour une levée supplémentaire de fonds ultérieurement. La situation des réserves en devises est confortable et au mieux, ce qui permet de soutenir la résilience extérieure du royaume. Le secteur bancaire et financier est solide. Les banques marocaines ont fait preuve de résilience durant la crise. On

Il y a une autre condition qu’on n’a pas encore évoquée et qui n’est pas remplie non plus aujourd’hui. C’est le contexte macroéconomique mondial. On a, en effet, parlé des condi- tions macroéconomiques nationales, mais le Maroc n’est pas isolé; il s’inscrit dans un environnement international, interagit avec les autres pays, et son économie est ouverte sur l’extérieur. On a dit que le passage au régime flottant devait se faire sous conditions. Le pays en question doit d’abord s’assurer qu’il dispose de fondamentaux macro- économiques répondant à certaines exigences et que les taux de change de sa monnaie sont en adéquation avec ces fondamentaux. Mais même si toutes ces conditions internes sont remplies pour le passage à un régime flot- tant, ce qui n’est pas tout à fait le cas, comme on a pu le constater précédemment, il reste une dernière condition, qui n’est pas des moindres et qui ne dépend pas du pays en lui-même : c’est l’absence de crise économique mon- diale. Il faut en effet un environnement macroéconomique sain, non seulement au niveau national, mais aussi à l’international. Ce qui veut dire qu’en ce temps de Covid-19, tout projet de libéralisation du régime de change doit être totalement exclu. Il y a déjà une crise sanitaire et une crise économique mondiales qui risquent fort de durer; ce n’est pas le moment de risquer en plus une crise monétaire ! En supposant que toutes les autres conditions internes soient remplies, il faut encore dépasser la crise économique et sanitaire actuelle, et que ses effets soient derrière nous, avant d’envisager d’aller plus loin dans le processus de flexibilisation de la monnaie. Or, aujourd’hui, on est toujours en pleine crise sanitaire. Bien que le FMI soit favorable au passage à une nou- velle étape dans l’assouplissement du régime de change, les autorités monétaires marocaines temporisent, à juste

observe cependant un creusement du déficit de liquidité bancaire. La Bourse des valeurs de Casablanca a également subi un choc en 2020 à cause de la pandémie, mais il y a depuis une reprise de confiance dans les marchés boursiers. Le développement des marchés et des instruments finan- ciers doit s’accompagner d’une réglementation adéquate, d’une assimilation des réformes et d’une bonne maîtrise des produits de couverture par tous les opérateurs. Avec les mesures de confinement et de restrictions sanitaires, et une mauvaise campagne agricole, le chômage a connu une nette augmentation et s’est accompagné d’une importante destruction de postes sur le marché de l’emploi. La popu- lation active en chômage s’est accrue. Le pouvoir d’achat des ménages a toutefois été soutenu grâce aux aides étatiques et aux transferts MRE. On peut se demander à présent si le Maroc remplit ou non aujourd’hui toutes les conditions pour un passage à un régime de change flottant. Le FMI et les agences de notation soutiennent que le pays réunit les prérequis pour une flexibilisation du Dirham. En avril 2021, et selon BMI Research, filiale de l'agence de notation Fitch, «Le Maroc est en bonne position pour introduire graduellement une plus grande flexibilité du taux de change, car il bénéfi- cie de fondements financiers solides et d'un niveau de réserves confortable». En examinant de près la situation de l’économie marocaine, on s’aperçoit que si le cadre macroéconomique est relativement stable, il existe tout de même un certain nombre de déséquilibres qui sont en défaveur d’une plus grande flexibilisation. Les conditions

Des déséqui- libres macro- économiques nationaux en défaveur d'une plus grande flexi- bilisation.

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