Vision_voeux_2014

en la magie de Noël Noël au champ d’honneur, il y a 100 ans

À l’automne, 1914, la Grande-Bretagne, la mère patrie, fait appel aux jeunes Canadiens pour se défendre contre l’Al- lemagne. Confiants et enthousiastes, ils s’embarquent par milliers pour l’Europe. Les dirigeants sont convaincus que la guerre ne durera que trois mois. Quelle aventure: visiter et protéger l’Europe, rentrer au pays pour Noël! Parmi ces jeu- nes beaux et forts, Frank St-Denis, 19 ans, originaire de Plantagenet. Des extraits de ses lettres, où il camoufle les atrocités de la guerre, donnent un aperçu de la vie, des Noëls au champ d’honneur. DÉBUT DÉCEMBRE 1914, ANGLETERRE. Nous complétons l’entraînement à Salisbury. Ensuite nous passerons en France pour repousser les Allemands. Nous ne rentrerons pas pour les Fêtes, mais la paix sera rétablie. Avec ça en tête, on accepte mieux les sacri- fices. Je songe à vous tous, à vos tourtières, Maman, au ragoût de pattes, au gâteau aux fruits. 26 DÉCEMBRE Beau Noël malgré tout. D’abord la messe de minuit en français avec le Minuit, chrétiens et autres chants de chez nous. Des bienfaitrices nous ont apporté des gâteries. Les Anglaises font du plum-pudding ; ça ressemble à notre gâteau aux fruits. On a eu des sapins décorés, des bons repas, de la musique pour Noël. Les chanceux comme moi ont ouvert leur cour- rier. Merci Maman, pour le sucre à la crème.

Merci à tous pour les lettres, les nouvelles. Plusieurs gars n’ont rien reçu. Il y a eu des larmes. Ce premier Noël loin des nôtres est pénible. L’an prochain on sera chez nous. FÉVRIER 1915, FRANCE Parfois j’écris pour les soldats qui ne savent pas écrire. Certains ne reçoivent jamais rien de leurs familles. Après Noël, ils étaient déprimés. Une nouvelle organisation est née: les marraines de guerre. Leur mission: écrire aux soldats seuls, leur envoyer des colis. Cela remonte le moral. La vie dans les tranchées est difficile. Je continue pour qu’Alex, Bessy, Aurèle, Ernest et tous les enfants du monde aient la chance de grandir dans la paix. Ici la guerre fait souffrir beaucoup d’enfants. MAI 1915 On a fait nos preuves à Ypres et à St-Julien. On est en train de bâtir une réputation de redoutables soldats canadiens. Les généraux anglais qui nous commandent ont du respect pour nous. Je rentrerai bientôt à la maison. Maman, j’ai tellement faim de pouding chô- meur. Vous m’en ferez pour mon retour?

poème pour les soldats morts, mais nous, nous sommes vivants et nous portons le flambeau. Nous espérons la fin prochaine de cette guerre. Après celle-ci, qui devait durer seulement quelques mois, le monde com- prendra qu’il ne faut jamais en recommencer une autre, qu’il faut que le respect, la paix, l’amour règnent partout. Je pense à vous très fort. Que Dieu vous bénisse tous! Votre Frank qui vous aime. Avant même que les parents de Frank reçoi- vent cette lettre, une triste missive leur par- venait: Votre fils Frank St-Denis est mort au champ d’honneur le 21 juin 1916. Comme des centaines d’autres jeunes, mon grand-oncle Frank n’a connu que deux Noëls au combat. Des soldats en vivront quatre ou cinq. En ce centenaire de la Première Guerre, il me semble juste d’honorer ces braves qui ont souffert l’exil, qui ont sacri- fié leur vie au cours de trop nombreuses guerres. Frank parlait de résurrection, puis du devoir de porter le flambeau. Pour trans- mettre ce flambeau, pour rendre hommage à tous les militaires, je leur consacre quelques chapitres dans mon dernier roman historique Les sillons de mon père. À tous nos lecteurs, je souhaite un monde fraternel, sans hosti- lités et conflits, un Noël de paix, de joie et d’amour, un Noël qui dure toujours. — Colette St-Denis

NOËL 1915. Quelle merveilleuse trêve! Nous avons célé- bré et fraternisé avec les soldats d’autres pays, même avec les Allemands, comme si nous étions une grande famille. La musique et la paix ont remplacé les bombardements… qui vont recommencer demain. Pourquoi ne peut-on pas toujours vivre dans l’harmonie? J’étais avec vous de cœur. J’ai hâte de vous revoir. Des dames nous ont tricoté des cen- taines de paires de bas. Avons apprécié les gâteries, les cigarettes, le vin, la musique. Merci Papa, d’avoir pensé à moi en donnant la bénédiction paternelle au jour de l’An. JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE AU MONDE ENTIER! AVRIL 1916 Le printemps nous apporte beaucoup d’es- pérance. On avance avec courage. Notre aumônier nous a chanté une belle messe de Pâques. Il nous parle de la résurrection du Seigneur, de la résurrection de la paix. Il faut que la paix revienne, que la guerre finisse. Frank qui vous aime.

FIN MAI 1916 Je vous envoie le très beau poème In Flanders Fields, de notre ami John McCrae, inspiré par nos champs de coque- licots. John a écrit ce

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