SOCIÉTÉ
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 20 FÉVRIER 2025
Droit de grève Un texte qui ravive les tensions sociales
lant à la grève ou l'interdiction de catégories de travailleurs à employer le mécanisme de la grève pour défendre leurs sta- tuts et intérêts. Il est inconce- vable que le degré de pénibilité du travail des policiers, des pro- cureurs et des magistrats les empêche d’exercer leur droit légitime au syndicalisme, à l’ins- tar des pays de l’Union euro- péenne. F. N. H. : Comment ce projet de loi redéfinit-il l’équilibre entre l’exercice du droit de grève et la continuité des activités économiques, tout en pro- tégeant les intérêts des employeurs ? Me O.M.B. : L'intérêt de l'em- ployeur est toujours assuré par la détention de l'outil de pro- duction, du capital, du bénéfice et même de la production intel- lectuelle s'il y en a. La classe salariale ne prétend pas à ren- verser ces formes de propriété, mais d'améliorer ou de protéger son niveau de vie qui s'inscrit dans la dignité et la justice. C’est d'ailleurs une condition économique pour la croissance et le développement. Ainsi, l'équilibre se fait entre la créa- tion de la richesse et la rémuné- ration du travail et sa protection, non entre le droit constitutionnel de la grève et le fonctionnement du mécanisme de production qu'est l'entreprise ou le service public. F. N. H. : Quelles nouvelles obligations incombent aux salariés en grève, notam- ment en termes de préavis ou de service minimum, et quelles en seraient les conséquences en cas de non-respect ? Me O.M.B. : C’est une volonté de ce gouvernement de se
Le projet de loi sur le droit de grève, récemment adopté, suscite des débats sur son impact sur le dialogue social et les droits des travailleurs au Maroc. Les amendements apportés soulèvent des questions sur l’équilibre entre la protection des intérêts des employeurs et l’exercice des droits constitutionnels des salariés. Entretien avec Me Omar Mahmoud Bendjelloun, docteur en droit international du développement et avocat international.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Quels sont les principaux amendements appor- tés au projet de loi sur le droit de grève, et en quoi répondent-ils aux enjeux actuels du dialogue social ? Me Mahmoud Bendjelloun : Il s’agit de plu- sieurs aspects qui transforment l’esprit du droit constitutionnel de grève. Bien que certains points se déclarent en faveur des travailleurs et salariés, ces dispositions légales tendent à restreindre ce droit, au détriment du travail et de la paix sociale, et au profit de l’employeur ou de l’autorité publique. Omar Les mécanismes de protection du salarié contre la réaction vengeresse de l’employeur ou l’étendue du droit de grève aux travailleurs indépendants sont intéressants. Cependant, la réduction des sources appelant
à la grève, la bureaucratie y afférente, les délais de préavis limitent l’exercice de ce droit. L’apolitisation du droit de grève, l’ingérence de la justice dans la substitution des salariés, le manque de précision concep- tuelle sur les services vitaux ou les mécanismes de négo- ciation…, soulèvent également des questions. Ces aspects font défaut d’un point de vue de conformité constitutionnelle et de démocratie légistique. F. N. H. : Malgré son adop- tion à la majorité, ce texte suscite encore des débats. Quelles sont les princi- pales critiques formulées et comment y répondre ? Me O.M.B. : Une majorité, c'est d'abord le nombre des repré- sentants présents et le quo- rum représentatif au sein d'une institution. Il est dommageable de constater que la séance plé- nière a été désertée par les «représentants de la nation» et
qu’à la fin, seulement un peu plus de 80 voix ont adopté une loi organique aussi fondamen- tale pour la vie politique, écono- mique et sociale de notre pays. Il y a là une crise de confiance entre la société et les institu- tions politiques de notre pays en terme de représentativité. C'est en soi une critique préli- minaire à cette loi organique, à savoir sa légitimité. Ce texte comporte aussi des mesures bureaucratiques, restrictives et répressives en matière du droit de grève qui est un droit consti- tutionnel, consistant à vider son potentiel d'influence sur les décisions économiques et poli- tiques en rendant la grève inerte par des blocages administra- tifs et ses pratiquants menacés dans leur liberté. Aussi, l'inter- diction de certaines formes de grève comme celles relatives à la solidarité notamment poli- tique, ou encore l'occupation du lieu de travail, ainsi que la restriction des sources appe-
Les mécanismes de protection du salarié contre la réaction vengeresse de l’employeur ou l’étendue du droit de grève aux travailleurs indépendants sont intéressants.
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