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Selon la métaphore de Freud, le Ça est « [lieu de] chaos, marmite pleine d’émotions bouillonnantes. » (Freud, 1933 p. 73). Faisant contraste au Ça, le Moi a été utilisé tout au long des écrits de Freud, mais raffiné davantage au cours du développement de sa pensée, sur la base de sa précédente présentation des concepts de narcissisme et d'identification (Freud, 1914). Parmi les changements substantiels portés à l'organisation du moi en 1923, figure la reconnaissance complète du fonctionnement inconscient du moi , dont les racines remontent à 1895. C'est ensuite que Freud a évoqué l'image de ‘l'infiltrat’ pour décrire la difficulté de distinguer la frontière entre le moi lui-même de ‘l'organisation pathogène’ en précisant que « L’organisation pathogène n’agit pas réellement comme un corps étranger, mais plutôt comme un infiltrat. » (Breuer & Freud, 1893- 1895, p 290). De même, la résistance est considérée être de l’ordre de ce qui infiltre. Dans le nouveau modèle structurel, de nombreux mécanismes de défense identifiés auparavant (l'identification, l'incorporation, la projection, l'introjection, la formation réactionnelle, l'annulation (rétroactive), la régression, etc.) soit différents, ou/et en plus, du refoulement, sont davantage stigmatisés et clairement localisés dans le moi inconscient. La potentialité d'autres formes de défense a été une longue histoire depuis les années 1890. A cette époque, Freud (1894, 1896) avait présenté un type de mécanismes de défense porteurs d'implications pathogéniques régressives plus radicales pour l'équilibre psychique que la répression observée chez les patients névrosés. Cette intuition s'est avérée plus explicite lors de l'étude par Freud (1911c) du cas Schreber, quand y apparait le mécanisme de ‘ répudiation’ ou de ‘rejet’ par le moi ( Verwerfung) , un processus radical pour lequel Lacan inventera le terme de ‘ foreclusion ’ . Ce mécanisme non-névrosé de défense a été repris dans l'Homme aux loups (Freud, 1918) et posé comme processus d'éradication ou de suppression de la capacité psychique de représenter. Ce processus se situe bien au-delà de la répression ou de la censure, il s'agit plutôt de suppression des représentations qui ont pour effet de créer un trou ou un vide dans l'esprit. Cette ligne de réflexion s'est enrichie quand Freud a proposé en 1925 (1925h) le mécanisme de (dé)négation [ Verneinung ] et plus tard en 1927 (1927e) quand il décrit le clivage du moi [ Ich Spaltung ], concept qu'il reprend de nouveau dans « Splitting of the Ego in the Process of Defense » (1940 [1938]) (« Le clivage du moi dans le processus de défense »). Tant que Freud travaillait selon le modèle de l'inconscient comme système, dans ses tentatives de dévoiler le refoulé par des actes d'interprétation, l'inconscient était considéré sous sa forme ‘positive’ de contenus tels que les fantasmes, les désirs, pensées, etc. Par l'arrivée des formes ‘négatives’ de défense, la vision du moi de Freud s'est substantiellement modifiée. En même temps que les troubles sexuels de la névrose, il y ajouta une forme potentielle de perversion des fonctions du moi. Il s'agit des troubles que l'on peut observer, c'est-à-dire « les incohérences, les excentricités et les folies des hommes » (1924, p. 153). Ce sont principalement les auteurs postfreudiens qui ont démêlé le principe du ‘négatif’ comme postulat de base de tous les écrits de Freud. Bion (« la capacité négative »), Lacan (« le mot est le meurtre de la chose »), Green (« Le travail du négatif »), Zaltzman (« l’impulsion anarchiste ») et d'autres, ont reconnu que l'inconscient n'est pas uniquement une présence cachée en quête de représentation mais qu'elle est également constituée de formes puissantes d'absence, des indications aussi bien protectrices que destructrices.
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