Le Dictionnaire Encyclopédique de la Psychanalyse

Retour vers le menu

Depuis le concept de la barrière de contact découle celle de ‘ vision binoculaire’ : une capacité fondée sur une double focalisation qui favorise la coopération entre les fonctions mentales conscientes et inconscientes (Reiner, 2012). Bion s'y réfère, quand il ajoute qu’une sorte de vision mentale binoculaire nous est nécessaire : un œil aveugle [au monde sensuel], l'autre doté d'une vision suffisante (Bion, 1975, p.63). La vision binoculaire apporte une profondeur et une résonnance à l'expérience, Grotstein (1978) la considère comme une ‘voie qui suit un chemin parallèle’, qui facilite l'appréhension des phénomènes qui ont lieu au cours d'une analyse. Les systèmes Ics et Cs peuvent être considérés comme les deux yeux ou les deux hémisphères cérébraux réceptifs aux intersections de ‘O’ en constante évolution, depuis leurs points d’observation respectifs (Grotstein 2004). Une telle vision binoculaire permet à l'analyste de prêter attention et de tenter de comprendre ce qu'il voit, depuis une perspective réversible: une consciente et une autre inconsciente qui à son tour favorise une façon de voir les choses depuis des perspectives différentes (De Bianchedi, 2001). Bion considère qu'en qualité d'analyste, nous devrions utiliser à la fois notre esprit conscient et inconscient pour être réceptif à ‘O’ « comme Vérité Absolue (au sujet de) la Réalité Ultime » (Bion 1970, p.88). La théorisation de l'inconscient, en tant que système, dérive de ce concept, qui coïncide partiellement avec ‘O’, ce qui est inconnaissable et inconnu puisqu'il reste en dehors de la conscience réflective. La seule façon d'y accéder s'effectue par la résonance en ‘O’ avec celui-ci. En présentant le concept de ‘O’ et en le reliant à la chose en soi et ‘l'infini’, Bion propulse le concept de l'inconscient dans l'ère postmoderne de la compréhension, qui est ainsi relié à l'infini, le chaos et la théorie de la complexité, la théorie de la catastrophe et de la spiritualité (Grotstein 1997). Il convient de souligner qu'une forte corrélation entre l'environnement primaire et la possibilité de contact avec ‘O’ existe : la qualité des objets primaires et les interlocuteurs (et, en analyse, la qualité de la position analytique de l'analyste) déterminent la capacité de l’enfant/patient à tolérer la rencontre avec ‘O’ (Gaburri & Ambrosiano, 2003) et avec la réalité émotionnelle qui l'accompagne. Pour Bion, ‘O’ est le domaine de ‘l'objet psychanalytique’, le véritable nord vers lequel la question analytique devrait être dirigée, même si elle ne peut jamais être véritablement ‘connue’. Cette perspective selon laquelle quelque chose est là mais qui ne peut que ‘devenir’, ou être appréhendée intuitivement, parce qu'elle ne provient pas ‘de la sensorialité’, est réminiscente, dans son sens épistémologique du terme, à la pensée de Platon, de Kant et de différents mystiques. Dans la mesure où les éléments, ou ‘faits’ du O de notre existence ne peuvent jamais être complètement connus ou verbalisés, la dimension ineffable de l'être est par définition ‘ inconsciente’ . Cependant, la partie ‘inconsciente’ inconnaissable de O n'est pas l'inconscient dynamique freudien du refoulé. Elle est plus proche des plus profondes strates du Ça freudien, quelque chose qui est en train d'émerger, de non structuré, pas encore constitué. Si l'on peut ainsi parler ‘d'éléments’ dans le domaine de O, l'on peut dire qu'ils consistent en des perturbations ou des turbulences qui ne sont pas encore psychiques (‘ pré-psychiques’ ou ‘proto-psychiques ’). Bion n'a jamais désigné les contenus de O, mais en a décrit les phénomènes prépsychiques, protomentaux qu'il a qualifiés d' éléments bêta , qui ne peuvent être pensés ou que l'on ne peut penser, sauf si, ou au point où, ils sont transformés par une sorte de ‘travail du rêve’ psychique. Il a attribué à cette dernière activité le terme de ‘ fonction alpha’ et

222

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker