Le Dictionnaire Encyclopédique de la Psychanalyse

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III. Fec. L’après-coup et l'art Le processus circulaire bidirectionnel de l’après-coup se révèle dans certaines œuvres d'artistes sous forme condensée (Marion, 2011) ou au fil du temps (Wilson, 2003). Paola Marion (2011) décrit la scène d'un rêve condensé dans le tableau de l’allégorie sacrée de Giovanni Bellini (1430-1514) qui présente et représente « la multi dimensionnalité du temps, et en particulier une forme spéciale de la temporalité que nous, psychanalystes, appelons Nachträglichkeit » (p.24). Selon son interprétation, le tableau de Bellini présente « une forme et une visibilité à la présence contemporaine, en un unique espace, des lignes temporelles multiples qui se faufilent au travers de l'espace-même » (p.24.) 135 . Laurie Wilson (2003) a étudié la reconstruction d’un instant après coup transformateur, dans l'œuvre et la vie d'Alberto Giacometti. Après une période d'inhibition dans son travail, et de miniaturisation compulsive de ses figurines sculptées, dont de nombreuses furent détruites, le célèbre artiste Alberto Giacometti (1901-1966), né en Suisse, s'est senti « soudainement » libre, en 1946, de créer des figurines de taille réelle et de lancer son nouveau style filiforme de l'après-guerre, qui représente des femmes debout et des hommes en marche. Alors qu'il était encore un jeune garçon, Giacometti avait vu sa mère, qu'il aimait de manière ambivalente, émerger d'un état comateux après avoir frôlé de près la mort, à la suite d'une fièvre typhoïde ayant duré plusieurs mois. Elle était devenue squelettique et ses cheveux avaient blanchi. L'expérience traumatique infantile non assimilée de l'artiste fut réactivée en 1946 quand il revint à Paris et rencontra dans son quartier des survivants des camps de concentration. L'artiste put faire l'expérience du nouveau trauma, celui de voir des personnes à l'orée de la mort par la fièvre typhoïde et il put se libérer des défenses obsessionnelles contre sa propre agressivité, qui l'avaient paralysé depuis le début de la guerre. Giacometti pu constater la différence entre le sadisme réel des Nazis et ses propres souhaits et fantasmes hostiles. La comparaison des images effrayantes de sa mère proche de la mort trente-six ans auparavant, qu'il avait gardées en mémoire, jusqu'à celles de mourants lors de l'après-guerre à Paris, a contribué à l'assimilation des ces mémoires traumatiques antérieures. La révision rétroactive des sentiments hostiles envers des membres de sa famille pendant son enfance lui permettait désormais de les transformer en des icônes de survie sculptées.

135 Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

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