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BOURSE & FINANCES
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 14 JANVIER 2021
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une souplesse conjoncturelle salutaire dans le dispositif du droit des difficultés d’entre- prises, propice à anticiper et amortir un tel cataclysme. Faute d’avoir envisagé des mesures pré- ventives de ce phénomène en début de crise, il reste à imaginer aujourd’hui et dans l’urgence des solutions curatives. Il n’existe pas de stratégie optimale de sor- tie d’une crise d’une telle ampleur. Hormis
la recapitalisation, et lorsque la vente directe des actifs douteux se trouve restreinte par le manque de liquidité des acheteurs potentiels, la défaisance peut être l’une des options. L’idée de regrouper les actifs illiquides des banques et créances douteuses dans une structure spécifique communé- ment appelée «Bad Bank» ou struc- ture de cantonnement et chargée de
Le Maroc a, engagé ces dernières années un mouve- ment remarquable de modernisation de son système écono- mique et financier.
les liquider n’est pas nouvelle. Elle a été utilisée aux USA dès les années 1980 et puis adaptée par différents pays européens suite notamment à la crise de 2008 avec, il est vrai, un résultat mitigé. A son origine, il s’agit d’un concept financier permettant de transférer à titre irrévocable une dette, avant son échéance, hors du bilan d’une entreprise à une structure ad hoc, dotée d’une personnalité juridique sous forme de structure de cantonnement. Les structures de défaisance sont présentées schéma- tiquement comme pouvant revêtir deux types: publiques ou privées. Si la structure est publique, l’impact sur les finances de l’Etat est immédiat, avec l’inconvénient de faire supporter au contribuable la dette correspondante. La structure privée peut naître au sein même de l’établissement en difficulté, avec ou sans garantie de l’Etat, en impactant cette fois les actionnaires en cas de moins-value lors de la cession des actifs. Dès le début de la crise en 2007, le Trésor américain avait encouragé le secteur privé à créer une structure de défaisance professionnelle pour absorber les créances douteuses bancaires, sans que cela soit suivi d’effet en raison de l’épineuse ques- tion de l’évaluation de tels actifs. L’idée d’une structure mixte publique-privée avait été envisagée un temps par le gouverneur de la Banque d’Italie sans y donner suite. Les avantages du cantonnement sont nom- breux: isoler les activités à problèmes de celles qui sont encore rentables, assainir les comptes et retrouver une capacité d’endet- tement, réduction du risque systémique, retour à une gestion des activités tradi- tionnelles, une clarification des comptes permettant le retour de la confiance des
partenaires, un temps plus long pour la ces- sion des actifs qui leur permet de retrouver une rentabilité, etc. Cela n’empêche pas les vives critiques, y compris aux Etats-Unis, berceau de la défaisance, qui s’élèvent pour privilégier des solutions plus légères telles que des incitations fiscales pour pousser les banques à vendre leurs actifs en souffrance, ou des solutions plus radicales de nationali- sation des banques en difficulté. F.N.H. : Pourquoi, selon vous, les structures de défaisance n’ont pas encore vu le jour à l’échelle natio- nale, sachant que le système finan- cier marocain est l’un des plus développés du continent africain ? N. G. : Le Maroc a, en effet, engagé ces dernières années un mouvement remar- quable de modernisation de son système économique et financier par des réformes visant notamment le secteur bancaire, de même que celui du marché des capitaux afin d’assurer une plus grande attractivité des investisseurs étrangers. La création de Casablanca Finance City est venue confir- mer cette ambition nationale de faire de Casablanca une véritable place financière régionale conforme aux standards inter- nationaux les plus exigeants et un hub vers l’Afrique. Cependant, la modernité ou le stade de développement d’un système financier ne nous parait pas être le seul critère dans le choix du recours au méca- nisme de la défaisance. Des pays à des stades aussi divers de développement éco- nomico-financier que l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, la Suède ou les USA ont
eu recours à ces structures ces dernières années. La Banque centrale européenne avait elle-même proposé en 2017 la mise en place de «société de gestion d’actifs» pour absorber les 1.000 milliards de créances douteuses issues de la crise de 2008. L’idée de la création d’une structure de défaisance nait généralement lorsque les établisse- ments financiers se trouvent confrontés à deux problèmes majeurs : le manque de liquidité sur le marché interbancaire et la dégradation de leur solvabilité, tandis que les plans de sauvetage ne suffisent pas à restaurer la confiance et un fonctionnement normalisé du marché. Bank Al-Maghrib, depuis 2019, déclare réfléchir à des solu- tions de sortie de la conjoncture difficile liée à l’accroissement significatif des créances en souffrance du système bancaire dû notamment aux délais de paiement endé- miques et fragilité du tissu économique. Les pistes retenues semblent être la titrisation des prêts ou la création d’une structure de défaisance qui prendrait la forme d’un «fonds de reprise des créances en souf- france». Depuis mai 2020, BAM a mis l’accent sur ce dossier en lançant notamment une étude menée avec l’appui de la SFI pour décrypter la faisabilité technique et juridique de cette dernière option. Les nécessaires négociations menées avec tous les établissements bancaires dans le même temps pour une solution uniforme et solidaire malgré les disparités de leurs problématiques et actionnariat, risque, il faut le craindre, de constituer un facteur de ralentissement de ce projet.
La structure de défaisance privée peut naître au sein même de l’établisse- ment en diffi- culté, avec ou sans garantie de l’Etat, en impactant cette fois les actionnaires en cas de moins-value lors de la cession des actifs.
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