FNH 1006

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 14 JANVIER 2021

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de défaisance, si l'on évoque la création de «Bad Bank» citée en début d’interview, peuvent se faire par la voie de la titrisation et, à cet égard, l’adoption d’une loi moderne dans ce domaine (Dahir du 13 mars 2013 portant promulgation de la loi 119-12 modi- fiant et complétant la loi 33-06) est venue bousculer un autre pan du DOC, qui est la cession de créances, version inversée de la cession de dettes. Par ailleurs, l’ «in subs- tance defeasance» que d’aucuns traduisent par «annulation» correspond, selon une défi-

nition comptable, à une «technique de gestion de bilan qui porte sur des éléments de passif avec pour objec- tif d’atteindre un résultat équivalant à l’extinction d’une dette» et permet au débiteur (emprunteur) de gérer son risque d’insolvabilité. Poser un texte dédié à la cession de

Les opérations dites de défaisance peuvent se faire par la voie de la titrisa- tion.

ces dettes permettrait un encadrement juri- dique sécurisé de ces opérations si elles étaient adoptées comme solution de sortie de crise. Pour l’heure, les opérateurs éco- nomiques et institutionnels se contentent de faire application de mécanismes existants dans le DOC et qui permettent de contour- ner l’absence de ce régime juridique stricto sensu par des procédés civils voisins. Il est d’usage de les distinguer en deux types : 1- Les procédés qui permettent de réaliser indirectement une cession de dettes sans pour autant libérer le débiteur primitif : • la délégation imparfaite, qui induit la coexistence des deux débiteurs engagés vis-à-vis du créancier dans deux obliga- tions séparées : le débiteur initial (délégant) demande à son propre débiteur (délégué) de payer son créancier (délégataire) à sa place pour le libérer. Exemple : dans un marché, un sous-traitant en difficulté sur le remboursement de ses prêts demande souvent au maître d’ouvrage de payer directement sa banque au fur et à mesure de l’avancement des travaux. • la stipulation pour autrui ou engagement de payer par un tiers au créancier, dans laquelle ce dernier acquiert un droit direct contre le promettant tout en conservant les bénéfices de la première obligation. Exemple : un dirigeant ou une filiale qui sou- haite payer une dette en lieu et place d’une entité. 2- Les procédés qui permettent de réaliser une cession de dette tout en libérant le débiteur primitif : • la novation par changement de débiteur: elle n’a pas la même nature que la cession de dettes véritable qui suppose un transfert

de la dette, puisqu’elle éteint l’obligation primitive en créant une dette nouvelle. Exemple : la même situation du dirigeant ou filiale qui désire payer en lieu et place d’une entité, avec cette fois le consentement du créancier à libérer de son obligation le débi- teur originel. • la délégation parfaite : le créancier délé- gataire accepte l’engagement du délégué et consent formellement à décharger le délé- guant. L’obligation originelle est éteinte, tandis qu’une nouvelle est créée entre le créancier et le nouveau débiteur. Exemple : la même situation d’une entre- prise qui demande à son client final de payer en ses lieu et place directement sa banque, mais en échange de la mainlevée de cette dernière pour faire valoir le consen- tement de sa créancière à la décharger de son obligation. Il y a lieu de souligner par ailleurs, pour être plus précis, que cette question de l’ab- sence d’un régime autonome de cession de dettes n’est pas le seul écueil légal au déve- loppement d’opérations de type défaisance permettant de liquider un passif. En effet, le succès américain de ces pro- cédés d’extinction de dettes par transfert comptable réside tout d’abord dans l’origi- nalité, la polyvalence et la souplesse de la structure qui les porte en général : le Trust. Là encore, un fondement théorique hérité du droit civil français rend difficile l’adoption d’un procédé similaire : il s’agit de la «théo- rie de l’unicité du patrimoine». Alors que le droit anglo-saxon accepte la fragmentation de la propriété, indispensable aux montages

financiers que nous évoquons (propriété du trustee ou ‘legal ownership’ et propriété du bénéficiaire ou’equitable ownership’). Avant nous, le législateur français a été confronté à cette même problématique, et après de longues années de discussions doctrinales enflammées, a fini par répondre aux attentes des acteurs économiques mul- tinationales, notamment pour sécuriser la gestion et sûreté de leur patrimoine par un tiers. Il a ainsi adopté en 2007 un texte spécifique instaurant un trust hexagonal : «la fiducie», à laquelle il a consacré un titre du Code civil, et l’a organisé comme une technique contractuelle cousine du trust anglo-saxon sans opter pour la liberté de la structure originale, puisque la fiducie est un contrat alors que le Trust est un acte unila- téral soumis à l’équity. La fiducie constitue un outil intéressant dans ce domaine, puisqu’elle renforce la sécurité des prêteurs sur les actifs du pro- jet en cas de défaillance du SPV (Fonds commun de créances), comme elle peut également servir de structure de canton- nement et représenter un substitut au SPV. La fiducie peut également permettre le transfert d’entreprise nécessaire en temps de crise, composé de l’actif mais aussi du passif de celle-ci. Il sera intéressant de suivre les débats nationaux sur ce thème particulièrement sensible pour ses inci- dences fiscales également, tout en souli- gnant que le Maroc n’a ni signé ni ratifié la Convention de la Haye du 1er Juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. ◆

Les opérateurs économiques et institu- tionnels se contentent de faire appli- cation de mécanismes existants dans le DOC et qui permettent de contourner l’absence de ce régime juridique…

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