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JEUDI 14 JANVIER 2021
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PORTRAIT Les multiples facettes de Rachid El Yazami
Rachid Yazami : «La découverte de 1980 est pour moi la plus importante de ma carrière».
Un esprit facétieux, un artiste dans l’âme et la hargne d’un champion : c’est ainsi qu’on peut résumer la personnalité du professeur Rachid Yazami. Inventeur, électro-chimiste et scientifique, son excellent parcours justifie ces nom- breuses appellations, tellement la science et ses rouages n’ont aucun secret pour lui. Ingénieur et géologue de formation, pour le natif de Fès, chaque invention est un moment Eurêka… La belle pioche n’est per- tinente que quand elle est partagée avec autrui. Posséder un savoir-faire et le faire savoir est le moment «élixir» pour un scien- tifique. S’il n’était pas inventeur, Rachid Yazami aurait choisi d’être footballeur professionnel. Une passion bien enfouie, et il a même prati- qué le tennis. Le métier de chanteur Rock’n’ roll le tente aussi. Dans ses moments d'ins- piration et de recueillement, il peint des tableaux, et les anodes en graphite ne sont jamais loin dans ses illustrations. Rachid Yazami affectionne la photographie et écrit aussi des proses… Du haut de ses 67 ans, il respire la création et l’invention. Il compte plus de 150 brevets d’invention et plus de 250 publications scien- tifiques. Il est l’inventeur de l’anode en gra- phite, utilisée aujourd’hui dans plus de 95% des batteries rechargeables au lithium-ion. D’ailleurs, le marché commercial de cette fameuse batterie est estimé à plus de 70 mil- liards d'euros. Le chercheur a été consacré à plusieurs reprises : le prix Draper, l’équi- valent du prix Nobel d’ingénierie, le prix de l’innovation Takreem (2018) et, cette année, il a été récompensé aux Emirats Arabes Unis par la médaille Mohammed Bin Rashid pour l’excellence scientifique… Le prix Nobel de chimie, qui tarde à lui être décerné, arrivera peut-être un jour. Actuellement, Rachid Yazami occupe le poste de professeur en énergétique à l’Université de technologie de Nanyang, à Singapour. Esprit taquin et ayant un sens de l’humour très aiguisé, le professeur adore plaisanter et se dit ravi d’avoir réussi un double mariage, celui avec sa femme et la science ! ◆
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normale, je pourrai venir au Maroc et rencontrer les responsables pour voir comment on peut mettre en œuvre ce projet et le faire avancer, en vue de permettre au Royaume d’être le premier pays au monde à bénéficier de cette technologie de la charge rapide. Maintenant, est-ce que le Maroc est prêt pour cela ? Je me pose la question. En tout cas dans le privé, je suis très soutenu. Je compte beaucoup plus sur l’investissement privé, par exemple des banques de développement qui peuvent investir. Une fois l’investissement acquis, il faut aller au ministère pour voir s’il peut nous accorder un certain nombre d’incitations, notam- ment fiscales et en termes d’infrastructures. F.N.H. : Cela fait quel effet, quand à 26 ans seulement, vous inventez l’anode graphite, celle qui va révolutionner les fameuses batteries ? Qu’est-ce que vous retenez de cette découverte de 1980 ? Pr R. Y. : La découverte de 1980 est pour moi la plus importante de ma carrière, et j’espère que celle de 2020-2021 sur la charge rapide aura autant d’impact que l’anode en graphite. Pour revenir à la découverte de 1980, je la qualifierai de très belle dans le sens où quand j’ai fait le test pour utiliser le graphite dans une batterie, je ne pensais absolument pas que cette expérience que je menais, allait avoir un impact aussi planétaire et aussi important. En effet, on fait les choses sans y penser et comme par enchantement l’incroyable arrive. L’anode en graphite reste à ce jour la seule anode fiable, utilisable dans toutes les batteries aussi bien d’énergie que de puissance. 90 à 95% des batteries d’aujourd’hui utilisent mon anode, car on n’a pas encore trouvé mieux et cela me conforte dans l’idée que c’était la solu- tion au problème de la recharge des batteries au
lithium-ion. C’est un sentiment de fierté de dire que finalement, on peut avoir des idées qui nous dépassent. Ma découverte est arrivée sans crier gare en tentant une expérience... Comme quoi, les choses se produisent quand on s’y attend le moins. A l’heure actuelle, on produit 10 milliards de batteries par an et 20 milliards par an dans 5 ans. Ce qui est encore plus réconfortant, c’est qu’on n’a pas encore réussi à trouver mieux que le graphite pour recharger les batteries, c’est extraordinaire.... J’espère que pour la technologie de la charge rapide, la méthode NLV va avoir un impact tout aussi important. F.N.H. : La science et le savoir n’ont pas de limite. Quel serait votre rêve ou sou- hait le plus fou ? Pr R. Y. : Mon rêve le plus fou, si j’ose m’expri- mer ainsi, peut être réalisable dans une dizaine ou une vingtaine d’années. Mon rêve est écologique. Dans les grandes villes comme Casablanca, Agadir, Marrakech, Rabat, Tanger ou Fès, j’espère ne plus voir circuler de voitures ni de camions ni d’autobus avec moteur à combustion interne, c’est-à-dire moteur à essence ou à diesel. Tout sera électrique; on utilisera de l’énergie propre issue du soleil et du vent pour pouvoir charger nos batteries. De cette façon, nous rendrons les villes moins polluées aussi bien par les dégage- ments de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, que par les bruits sonores parce que les moteurs à explosion font beaucoup de bruit, alors que les moteurs électriques sont pratique- ment silencieux. C’est cela mon rêve, mon souhait. Nous allons y arriver un jour «Incha Allah». Je ne sais pas si d’ici là je serai encore en vie, mais l’essentiel pour moi et qu’il se réalise pour le bien de mon pays. ◆
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