BOURSE & FINANCES
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 17 JUILLET 2025
modèles du Nord, mais pour faire émerger un cadre africain cré- dible.
La démographie comme minute de vérité
Ce qui pèse désormais sur tous les agendas, c’est la démogra- phie. «L’Afrique reste le conti- nent le plus jeune du monde… mais pour combien de temps encore?» , interroge un régula- teur ouest-africain en marge des travaux. Les chiffres cités par l’APSA donnent le vertige : plus de 215 millions d’Africains auront plus de 60 ans en 2050. Et ils seront, pour la plupart, sans couverture, sans pension, dépen- dants de leurs enfants ou de rien. La tendance est connue, mais elle reste sous-estimée dans les politiques publiques. Et pour cause : il n’y a pas de solution unique. Dans certains pays, c’est l’État qui paie encore 80% des retraites. Ailleurs, les fonds de pension ont été dévitalisés. Sur tout le continent, le problème du financement reste entier : comment assurer une redistribu- tion intergénérationnelle quand la base contributive est aussi étroite? Malgré la diversité des situations, un point d’accord s’est dégagé: la supervision doit changer de paradigme. Passer d’une logique administrative à une logique de risque. Intégrer les critères ESG dans l’allocation des actifs, non par mode, mais par nécessité. Utiliser les quelque 2.400 mil- liards de dollars d’actifs insti- tutionnels africains (encore lar- gement dormants) comme levier d’impact social et climatique. «Les retraites ne doivent plus être vues comme un coût, mais comme un instrument de déve- loppement», martèle Zareena Camroodien, présidente de l’APSA. Encore faut-il que les États cessent de piloter à vue. Que la régulation se modernise. Que l’in- formel ne soit plus une excuse. Et surtout, que la solidarité ne soit pas une variable d’ajustement. À Marrakech, une idée a fait consensus : l’heure n’est plus aux réformes paramétriques. C’est une refondation qu’il faut. ◆
L’ACAPS, en tant que membre actif de l’Association, participe pleinement à ses travaux, dans le cadre du développement de la coopération interafricaine dans le domaine de la prévoyance sociale.
Vieillissement - Précarité - Informel L’Afrique face au mur des retraites Entre fracture de la couverture sociale, vieillissement accéléré et pression financière croissante, la 6 ème Conférence annuelle de l’APSA marque un tournant stratégique pour repenser les systèmes de retraite africains à la lumière du modèle marocain. Développement. Par Y. Seddik
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tiendra pas. Trop de dépendance au secteur public, trop peu de cotisants, une masse informelle écrasante et des régimes par répartition plombés par l’allonge- ment de la vie. Et surtout, cette réalité brutale : sur le continent, 90% des actifs ne cotisent à rien du tout. L’Afrique n’a pas de crise des retraites. Elle a une absence de retraite. Au centre de cette conférence, le Maroc a été montré du doigt (dans le bon sens du terme). Modèle ? Laboratoire ? Le pays, sous l’im- pulsion royale, a mis en chantier une extension progressive de la couverture sociale à cinq millions de travailleurs non affiliés, tout en s’attaquant à l’absurde fragmen- tation de ses régimes. La ministre des Finances, Nadia Fettah, l’a rappelé dans une intervention enregistrée : ici, on parle «d’ar- chitecture sociale» autant que de systèmes de retraite. Message
est un sujet que beaucoup pré- fèrent éviter, mais qui revient aujourd’hui frapper à la porte de presque tous les États africains: que fera-t-on de nos retraités dans vingt ans, quand ils seront trois fois plus nombreux, mais toujours largement hors du radar des régimes contributifs ? La question a traversé la sixième Conférence annuelle de l’APSA (Autorités africaines de supervi- sion des retraites), qui s’est tenue la semaine dernière à Marrakech. Dans les rangs des régulateurs et superviseurs venus de quinze pays du continent, un même constat : le système actuel ne
reçu. Mais le Maroc est aussi un miroir. Le président de l’ACAPS, Abderrahim Chaffai, l’a claire- ment expliqué : les projections ne sont pas bonnes. Le régime des pensions civiles épuisera ses réserves d’ici 2031. Celui de la CNSS, en 2037. Le RCAR, autour de 2050. Même avec les hausses salariales du public, les trous ne disparaissent pas. On gagne du temps, pas des équilibres. D’où cette lucidité affichée dans les débats : il faut hybrider. Injecter du non-contributif. Créer des systèmes mobiles, adap- tables, incitatifs et réalistes. La conférence a ouvert des pistes sur les micro-pensions, les ins- truments d’inclusion financière ciblant l’informel, la fiscalité inci- tative, et des modèles d’inves- tissement à long terme adaptés aux contraintes du Sud. Tout cela, non pas pour «copier» les
Le taux de couverture retraite au Maroc atteint actuellement 49% de la population active et devrait atteindre 80%, grâce aux mesures prévues par la loi sur la protection sociale.
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