Finances News Hebdo 1204

DEVELOPPEMENT DURABLE 22

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 17 JUILLET 2025

Green Assets Cluster Le pari marocain pour structurer l’économie du carbone en Afrique

F. N. H. : Quels segments de croissance l’économie du carbone peut-elle générer en alignement avec l’agen- da climatique et le potentiel africain ? M. B. : Vous avez raison de poser la question en ces termes. En effet, toute stratégie de développement en Afrique doit mettre en valeur son potentiel afin de partir d’un socle solide, garant d’une crois- sance soutenue et durable. Effectivement, le Maroc, à l’instar des autres pays africains, dispose d’un potentiel énorme en matière de transition énergétique et décar- bonation. Cependant, ce poten- tiel est gaspillé. Pour illustrer cet énorme gâchis, on peut prendre 2 exemples très laconiques : en ce qui concerne l’énergie solaire, l’Afrique reçoit jusqu’à 3.000 heures d’ensoleillement par an, soit plus de 6.000 GW potentiels; cependant, les capacités installées ne dépassent pas 1.200 GW. En hydroélectricité, le bassin du Congo pourrait générer 40.000 MW, soit plus que toute l’hydroé- lectricité actuelle en Europe ! En gros, on peut facilement avancer que 40% des ressources solaires et éoliennes se trouvent en Afrique, alors que seulement 1% de ces ressources est exploité. Toutefois, cela peut s’expliquer par les défis auxquels fait face le continent : mauvaise gouvernance, insuf- fisance des infrastructures, qua- si-absence de ressources finan- cières, etc. Cependant, ce n’est pas une fata- lité. Comme on dit, l’obstacle est le chemin ! Ainsi, en combinant le potentiel africain et l’agenda clima- tique, on peut dégager des pistes de croissance viables pour le Maroc et les autres pays africains. Tout d’abord, il y a le secteur éner- gétique qui constitue le segment de croissance le plus prometteur. Les centrales EnR possèdent un grand potentiel pour tous les types d’EnR, et l’apport de l’off-grid est appréciable aussi bien pour les commerces que pour les services financiers et les établissements publics. En outre, ce secteur peut générer des crédits carbone à tra-

Après avoir signé en septembre 2024 un accord pour la création d’un marché carbone régional, CFCA et la CDG ont annoncé le lancement du «Green Assets Cluster». Une plateforme qui entend structurer l’économie carbone en Afrique, et qui serait capable de générer plus de 200 milliards de $ de PIB annuel d’ici 2030. Comment ? Décryptage avec Mohamed Boiti, expert en énergie et décarbonation.

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Quel rôle déterminant peut jouer le «Green Assets Cluster» dans la mise en place du marché carbone volontaire ? Et comment ce marché peut- il contribuer au financement de la transition énergétique du Maroc, en particulier, et du continent, en général ? Le lance- ment du Green Assets Cluster (GAC) par Casablanca Finance City Authority et la Caisse de dépôt et de gestion est une ini- tiative supplémentaire prise par le Maroc pour concrétiser ses engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, notamment son article 6. Il marque une étape décisive dans la struc- turation d’un écosystème africain du carbone. D’ailleurs, grâce à la création d’une structure de gou- vernance, de certification et de traçabilité des crédits carbone, le GAC peut être considéré comme une initiative stratégique visant à promouvoir la maturation du mar- ché carbone volontaire (MCV) au Mohamed Boiti :

Maroc et en Afrique. De par sa nature même, le GAC agira comme un écosystème inté- grateur rassemblant des porteurs de projets verts, des laboratoires de recherche, des établissements de formation, des institutions financières, etc., aux côtés d’ac- teurs publics, tous étroitement associés et fédérant leurs res- sources. Toutefois, cette initiative ne se limite pas seulement à la création d’un cadre technique; elle incarne une vision systémique de la transition écologique, où les enjeux politiques, économiques, financiers, sociaux et environne- mentaux convergent pour réduire les asymétries d’information et mutualiser des projets dispersés le long de la chaîne de valeur et offrir un cadre de gouvernance crédible, primordial pour rassurer

les investisseurs étrangers et les acheteurs de crédits. Une fois finalisé, le MCV pourra palier l’insuffisance du finance- ment public de la transition éner- gétique et de la décarbonation grâce à la mobilisation de capi- taux privés sensibles aux critères ESG et à l’élargissement de l’ac- cès aux marchés internationaux, notamment en adossant les cré- dits carbone à des obligations vertes. Ce qui fera du MCV un outil puissant à la disposition des pays africains pour honorer leurs enga- gements climatiques sans aggra- ver la pression fiscale. Quant aux entrepreneurs verts, la vente des «crédits carbone» ainsi créés leur permettra de générer des revenus supplémentaires et d’accroître la rentabilité de leurs projets de 2 à 4 points (selon la Banque mondiale).

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