DEVELOPPEMENT DURABLE
23
FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 17 JUILLET 2025
vers plusieurs mécanismes : les projets d’ENR à grande échelle, les solutions décentralisées d’accès à l’énergie en zone rurale, la subs- titution progressive des combus- tibles fossiles, etc. Je voudrais également signaler que chaque mégawatt d'énergie renouvelable installé génère non seulement des crédits carbone, mais aussi des emplois locaux et un accès élargi à l'électricité verte. Les effets d’entraînements, juste de ces 2 derniers points, sont facilement quantifiables : augmentation de la production décarbonée et baisse des coûts, amélioration du pouvoir d’achat et paix sociale, augmentation des recettes fiscales, augmentation du PIB et croissance, baisse du taux de chômage, baisse des importa- tions. Sans oublier que l’on peut assister à la création de filières industrielles locales spécialisées dans la fabrication de panneaux, de batteries, d’électrolyseurs et à l’essor des exportations d’éner- gie décarbonée vers l’Europe via câbles sous-marins ou ammoniac vert. Tout bénéf quoi ! Ensuite, ce qui nous vient natu- rellement à l’esprit, c’est le sec- teur agricole. En effet, l'agriculture africaine, qui emploie 60% de la population active, peut se transfor- mer en un secteur générateur de crédits carbone à travers l'adop- tion de pratiques régénératrices qui participeront à la séquestration d’au moins 600 Mt CO2/an : agri- culture de conservation, agrofo- resterie, gestion durable des pâtu- rages, et amélioration de la ges- tion des sols. Cette approche, en plus d’augmenter les rendements de 20 à 30%, crée une syner- gie entre sécurité alimentaire et atténuation climatique. L’essor de cette agriculture bas-carbone sera possible grâce à l’adoption de pra- tiques agroécologiques et d’irri- gation intelligente, ainsi que par la promotion de l’énergie solaire pour le pompage agricole, déjà en expansion au Maroc, Burkina Faso, Sénégal…Encore une fois, que des bénéfices ! On peut également parler du sec- teur industriel. En effet, l'industria-
Le marché carbone volontaire est un outil puissant à la disposition des pays africains pour honorer leurs engage- ments climatiques sans aggraver leur pression fiscale.
Pour soutenir l’émergence et le développement de tous ces sec- teurs, et d’autres, l’Afrique doit promouvoir une finance innovante et l’inclusion digitale. En effet, la finance climatique reste sous- développée en Afrique. Il faudra développer des plateformes block- chain pour tracer les crédits car- bone et permettre aux petits pro- jets d’accéder au marché en créant des micro-crédits carbone. La croissance économique des pays africains bénéficiera également, d’une part, des Fintech vertes, à travers le crowdfunding de projets carbone, l’assurance paramétrique pour les risques climatiques… Et d’autre part, de l’empowerment des femmes en leur ouvrant un accès direct aux revenus carbone via le mobile (exemple : projets de cuiseurs solaires). Un chiffre clé pour clore ce point : l’économie du carbone en Afrique peut générer plus de 200 milliards de $ de PIB annuel d’ici 2030. Le Maroc, avec ses avancées régle- mentaires, notamment la stratégie bas-carbone 2050, et son réseau diplomatique, a un rôle pivot pour orchestrer cette transition. L'économie du carbone peut ainsi devenir un véritable moteur de transformation structurelle, créant des emplois verts, générant des
devises, et positionnant l'Afrique comme un acteur majeur de l'éco- nomie climatique mondiale. F. N. H. : Comment ce mar- ché volontaire du carbone peut-il devenir un outil stra- tégique de financement cli- matique, et contribuer plei- nement à la réalisation des objectifs fixés par l'Accord de Paris ? M. B. : Bien sûr, c’est sur ce chan- tier que travaille le ministère de la Transition énergétique depuis un certain temps déjà, avec ses différents partenaires africains et européens. L’objectif est d’instituer un marché carbone structuré de manière rigoureuse, transparente et alignée sur les principes sui- vants : • Alignement stratégique avec les NDC nationales : Pour devenir véritablement stratégique, le mar- ché volontaire doit s'aligner sur les contributions déterminées au niveau national (NDC) des pays. Cette approche permet de garantir que les projets financés par les crédits carbone contribuent direc- tement aux objectifs climatiques nationaux, évitant ainsi la fragmen- tation des efforts et maximisant l'impact. • Renforcement de la transparence et de la redevabilité : Pour maximi- ser sa contribution aux objectifs de Paris, le marché volontaire doit évoluer vers une plus grande trans- parence et traçabilité. Les tech- nologies digitales, à savoir block- chain, IoT et intelligence artificielle,
lisation naissante de l'Afrique offre une opportunité unique d'intégrer dès le départ les technologies bas carbone. Les projets d'effi- cacité énergétique dans l'indus- trie, les bâtiments et les transports peuvent générer des crédits car- bone substantiels tout en amélio- rant la compétitivité économique. Cette industrie peut bénéficier de l’appui du secteur de l’enseigne- ment supérieur et professionnel pour la formation de compétences techniques et ingénierie locale afin de réduire la dépendance techno- logique. Il y a également le secteur des déchets et l’économie circulaire. À ce sujet, et selon la Banque mondiale, seulement 10% des déchets sont recyclés en Afrique. De ce fait, la gestion des déchets urbains, en forte croissance avec l'urbanisation accélérée, présente un potentiel considérable. Les projets de capture de méthane dans les décharges, les installa- tions de biogaz et les systèmes de recyclage peuvent générer des crédits carbone tout en résolvant des problèmes environnementaux urgents. En outre, l’intégration des récupérateurs de déchets dans des chaînes de valeur certifiées participera à l’effort d’éradication de l’économie informelle, en plus des avantages sociaux et fiscaux qui en seront le corollaire. Ces avantages peuvent être renforcés par la création d’industries nou- velles dans la fabrication de com- bustibles alternatifs (pellets à base de déchets).
L'économie du carbone peut devenir un véri- table moteur de transformation structurelle, créant des emplois verts, générant des devises et positionnant l'Afrique comme un acteur majeur de l'économie climatique mondiale.
Avec la participation de
Made with FlippingBook flipbook maker