FNH N° 1156

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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 13 JUIN 2024

ECONOMIE

au même titre que le secteur public.

et qui doivent s’inscrire dans la durabilité et la continuité. La cession du patrimoine de l’Etat, à titre d’exemple, n’est pas une solution durable et elle est à effet inverse, puisque l’Etat supporte une charge locative en contrepartie de la vente du bien qu’elle occupe. F.N.H. : Soutenir la classe moyenne grâce à la révi- sion du système d’im- pôt sur le revenu est une mesure importante. Toutefois, cette réforme fiscale soulève des ques- tions quant à son applica- tion pratique. Qu’en est-il au juste ? Y. G. F : En termes de réforme du système de l’IR, réalisée dans le cadre du dialogue social d’avril 2024, le gouver- nement a décidé de faire pas- ser le revenu annuel exempt de l’impôt de 30.000 à 40.000 DH et à faire baisser le taux marginal d’IR de 1% (de 38 à 37%) à compter de janvier 2025. Ces mesures restent à faible impact devant la pres- sion inflationniste continue sur

les ménages marocains. Le réaménagement des taux d’IR, avec des baisses variant de 2 à 3 points aurait eu plus d’impact positif sur les revenus des Marocains, mais à condi- tion d’en anticiper les effets budgétaires sur les dépenses de l’Etat et tout en cher- chant de nouvelles marges de manœuvre. L’amélioration de la situation et du pouvoir d’achat des citoyens passe par la revalorisation du revenu et à travers l’allégement fiscal. F.N.H. : Le gouvernement est à mi-mandat. Quelle lecture faites-vous de son bilan ? Y. G. F : La majorité des indi- cateurs sociaux est en rouge malheureusement. Je cite, entre autres, un taux de chô- mage dépassant les 13% au niveau national et 40% dans la

catégorie des jeunes, et plus de 4 millions de Marocains dans la situation de NEET (sans emploi, sans études ou for- mation). Pour cela, le pouvoir exécutif doit revoir sa politique d’emploi et d’insertion profes- sionnelle, en mettant en œuvre des programmes intégrés de développement socioécono- miques, et en se penchant plus sur l’investissement – production - pourvoyeur de postes d’emplois. S’agissant de la défaillance des entre- prises, la situation est très alarmante. Les petites et très petites entreprises tombent plus fréquemment dans la déchéance commerciale et la faillite (soit 30.000 défaillances à fin décembre 2023), en l’ab- sence de mesures concrètes d’accompagnement et de financement. Le gouvernement doit changer d’approche en misant plus sur les TPE et TPME, au lieu de se focaliser sur les grands projets d’inves- tissements qui ne créent pas assez d’emploi et n’encou- ragent pas l’autoentrepreneu- riat au Maroc. ◆

F.N.H. : A votre avis, qui va devoir payer la note ? Y. G. F : Le dialogue social aura sûrement un impact sur le budget de l’Etat, mais il faut toujours anticiper son finan- cement. En effet, le gouverne- ment évoque deux options de financement : l’élargissement de l’assiette fiscale d’impo- sition et les mécanismes de financement innovants servant à céder le patrimoine de l’Etat. Pour le 1er cas, l’élargissement ne doit pas mettre plus de pression fiscale sur les classes moyenne et sous-moyenne et le tissu entrepreneurial maro- cain composé à 90% de TPME. Pour la 2ème option, elle est inquiétante parce qu’on cède le foncier de l’Etat pour le financement du fonctionne- ment et on le loue au vendeur par la suite pour supporter des charges locatives. De ce fait, le gouvernement doit chercher de nouvelles sources de financement sans recourir à l’endettement. La création de nouvelles taxes et l’impo- sition des classes aisées et des entreprises riches restent une solution à envisager si l’on ne veut pas mettre plus de pression fiscale sur les niches existantes. L’autre élément sur lequel le gouvernement doit se pencher, concerne l’intégration du secteur informel dans l’éco- nomie marocaine. Sa valeur est estimée à 300 milliards de DH du PIB, et il permettra de générer d’importantes recettes fiscales pour le pays. In fine, la facture du dialogue social ne doit pas être sup- portée par le tissu entrepre- neurial marocain et les classes moyennes et sous-moyenne. L’appareil exécutif doit avoir l’audace de mieux taxer les secteurs riches et monopo- lisés. Ainsi, le gouvernement aura de nouvelles marges de manœuvre pour le financement des aspects du dialogue social

La facture du dialogue social ne doit pas être supportée par le tissu entre- preneurial et les classes moyennes et sous-moyenne.

 Le réaménagement des taux d’IR avec des baisses variant de 2 à 3 points aurait eu plus d’impact positif sur les revenus des Marocains.

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