FNH N° 1156

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JEUDI 13 JUIN 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

SOCIÉTÉ

«L'amende journalière doit être pensée de façon à ce qu'elle ne favorise pas les criminels riches» Peines alternatives

F.N.H. : Ce projet de loi va-t-il vraiment permettre de résoudre la problématique de la surpopu- lation carcérale ? Me O.M.B. : S'il est appliqué de manière rationnelle, il contribuera à cette problématique importante de «l'application des peines», qui doit être traitée comme une réforme de justice et d'humanité, et non comme une simple manipulation statistique. D'ailleurs, la peine alternative liée à l'amende jour- nalière doit être pensée de façon à ce qu'elle ne soit pas perçue et exécutée comme une mesure en faveur des cri- minels riches, ce qui en l'espèce est une inquiétude légitime, mais d'une mesure équitable qui honore une nou- velle philosophie judiciaire. F.N.H. : A votre avis, quels sont les prochains textes législatifs à adopter pour compléter ce projet de loi, notamment en ce qui concerne le code pénal et le code de procédure pénale ? Me O.M.B. : Dans le Code de procé- dure pénale, il faudrait une restriction à l'extrême de la détention préventive afin de ne pas punir avant de juger, et maintenir cette mesure d'exception que pour les crimes et délits majeurs prou- vant le dommage et la menace sociale réelle. Cette mesure d'exception doit également être le propre d'un juge des libertés et de la détention, indépendant du procureur et du juge d'instruction, permettant dans la foulée de réguler le risque d'abus, d'arbitraire et d'expé- dition. Pour ce qui est du Code pénal, il faudrait désormais avoir le courage de dépénaliser certains délits pouvant être résolus différemment que par la détention, notamment provisoire, qui grippent l'institution judiciaire de l'en- quête au jugement dernier, alors qu'elle devrait se dédier et se concentrer sur la régulation du pays et la paix civile. ◆

L'intégration des peines alter- natives dans le système judi- ciaire national s'est imposée comme une revendication cen- trale des juristes et défenseurs des droits de l'Homme. Le projet de loi vise, entre autres, à trouver des solutions à la petite délinquance selon une approche privilégiant la réhabilitation et l’intégration. Entretien avec Me Omar Mahmoud Bendjelloun, doc- teur en droit international du développement, avocat aux Barreaux de Marseille et Rabat et expert associé en droit et science politique.

Propos recueillis par M. Ait Ouaanna

Finances News Hebdo : La Chambre des conseillers a récemment adopté à la majo- rité le projet de loi n° 43.22 relatif aux peines alternatives. Quels sont les principaux objectifs de ce projet de loi et quelles sont les différentes formes de peines alternatives prévues par ce texte ? Me Omar Mahmoud Bendjelloun : L'esprit de cette réforme est posi- tif. Il triomphe à la nouvelle école pénale, celle de ses théoriciens fonda- teurs que sont Lombrozo et Beccaria, qui instaure un système de punition inscrit dans la réinsertion, par son éloignement le plus possible de la peine privative de liberté. Ce projet de loi contient les mesures classiques qui remplacent le temps d'incarcéra-

tion par le travail d'intérêt général, le bracelet électronique ou encore les amendes journalières. Ces mesures ne sont pas valables pour les crimes majeurs et sont encadrées par des sanctions en cas de manquement par les accusés bénéficiaires. F.N.H. : Comment ce projet de loi va-t-il contribuer à la modernisation de la politique pénale au Maroc ? Me O.M.B. : Il y a eu une dynamique des droits humains au Maroc aussi bien au niveau de la société civile et

politique que de l'Etat, qui s'y est joint à la fin des années 80 et de manière explicite et assumée depuis la nou- velle ère. Toutes les recommanda- tions des ONG nationales et des ins- titutions constitutionnelles adoptent la voie de la nouvelle politique pénale qui est dans la réinsertion, la réédu- cation, la réadaptation, plutôt que la punition et le châtiment aveugles des comportements anti sociales. C'est plus qu'une modernisation, c'est la voie royale vers une certaine idée de la civilisation, à l'instar du débat relatif à l'abolition de la peine de mort.

Pour ce qui est du Code pénal, il faudrait désormais avoir le courage de dépénaliser certains délits pouvant être résolus différemment que par la détention.

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